La Chronique Agora

Ursula von der Leyen : une nouvelle « dame de fer » ou une collectiviste comme une autre ?

L’Allemande Ursula von der Leyen est désormais à la tête de la Commission européenne. Faut-il en déduire que la rigueur budgétaire allemande va régner ? Rien n’est moins sûr…

Maintenant que les Etats membres de l’Union européenne (UE) ont terminé leur tambouille politique et se sont réparti les postes stratégiques au sein des institutions européennes, nous allons pouvoir commencer à nous pencher sur ce qui nous attend en termes d’action politique.

Il me semble important de commencer par rappeler que les médias européens se sont très largement félicités des nominations de Christine Lagarde (à la tête de la BCE) et d’Ursula Von der Leyen (à la tête de la Commission européenne). Avant même que ces nouvelles icones féministes n’entrent en fonction, le quotidien italien de centre gauche La Repubblica se prenait pour L’Étoile Rouge en les qualifiant de « dames de fer ». 

Ce parallèle entre Ursula von der Leyen et Margaret Thatcher est-il justifié ?

Rappelons que Margaret Thatcher est restée dans l’Histoire comme la femme d’Etat qui a su rester ferme face aux grévistes de la faim de l’IRA provisoire en 1981, et aux mineurs grévistes en 1984-1985.

Le journal quotidien de l’armée soviétique n’avait cependant pas attendu ces faits d’arme pour l’appeler la « dame de fer » dès 1976, stigmatisant ainsi son anticommunisme alors qu’elle n’était encore que le chef des conservateurs, quatre ans avant le début de son premier mandat en tant que Première ministre. Autant qu’elle l’a pu, elle a œuvré à la défense du libéralisme.

De son côté, l’ancienne ministre fédérale allemande de la Défense Ursula von der Leyen est issue de la CDU, l’Union chrétienne-démocrate, qui est censé être un parti libéral-conservateur, en tout cas un parti de centre droit. Rien ne s’oppose donc en principe à ce que la nouvelle présidente de la Commission défende une politique libérale.

Les éléments de langage d’Ursula von der Leyen ne laissent aucun doute sur sa préférence pour le dirigisme et le collectivisme

Le 16 juillet, officiellement élue à quelques voix près à la tête de la Commission par les députés européens, Ursula von der Leyen a prononcé le discours d’ouverture de la session plénière du Parlement.

Vous conviendrez sans doute à la lecture de ces extraits marquants que les accents en sont bien plus dirigistes et collectivistes que libéraux : 

« Je veux que l’Europe devienne le premier continent neutre pour le climat d’ici à 2050. Pour cela, nous devons prendre ensemble des mesures audacieuses. […] Pour y parvenir, je proposerai un pacte vert pour l’Europe dans les 100 premiers jours de mon mandat. […] Les fonds publics n’y suffiront pas. Je proposerai un plan d’investissement pour une Europe durable et je convertirai une partie de la Banque européenne d’investissement en une Banque pour le climat. Cela permettra de mobiliser 1000 Mds€ d’investissements au cours de la prochaine décennie. […]

 Les émissions doivent avoir un prix permettant d’induire un changement de comportement. En complément de ces travaux, et pour garantir à nos entreprises des conditions de concurrence équitables, j’instaurerai une taxe carbone aux frontières, afin d’éviter les fuites de carbone. […] 

Nous devons assurer une juste transition pour tous. Le point de départ n’est pas le même pour toutes les régions mais notre destination est identique. Aussi, je proposerai un Fonds pour une transition juste afin d’aider les régions qui ont le plus de difficultés. Le voilà, le modèle européen : nous sommes ambitieux. Nous n’oublions personne. […] 

 Et je défendrai une fiscalité équitable — que ce soit pour les secteurs traditionnels ou les entreprises du numérique. Tant mieux si les géants de la technologie réalisent des bénéfices considérables en Europe car nous sommes un marché ouvert et nous aimons la concurrence. Mais […] il n’est pas acceptable qu’ils le fassent en ne payant pour ainsi dire pas d’impôts parce qu’ils jonglent avec notre système fiscal. S’ils veulent profiter des avantages, ils doivent en partager la charge. […]

 Dans une économie sociale de marché, toute personne qui travaille à temps plein devrait gagner un salaire minimal qui lui assure des conditions de vie décentes. […] 

Je souhaite aussi une meilleure protection pour ceux qui perdent leur emploi lorsque notre économie est sévèrement touchée. Un régime européen de réassurance des prestations de chômage soutiendra nos économies et nos citoyens en cas de chocs externes. Il existe bien entendu des assurances chômage au niveau national, mais il faut établir un régime européen de réassurance pour faire face aux chocs externes sévères. […] 

Cela fait partie de mon plan d’action pour donner vie au socle européen des droits sociaux. […] »

Et, évidemment : « … je donnerai l’exemple : je veillerai à l’égalité intégrale entre les hommes et les femmes parmi les commissaires. »

Ségolène, sors de ce corps !

Nous voilà donc prévenus : en vue de mettre en place une « transition plus juste », une « fiscalité équitable », et d’autres slogans politiques que l’on croyait jusque-là réservés aux politiciens français du niveau de Ségolène Royal, la Commission d’Ursula von der Leyen prévoit donc de :

– Spolier les contribuables européens de 1 000 Mds€ (certes, avec la complicité des dirigeants des Etats membres) pour mettre en œuvre un plan d’investissement pour une « Europe durable », lequel plan sera financé au travers d’un nouveau bidule – une Banque européenne du climat –, notamment grâce à une fiscalité accrue sur les billets d’avion ;

– Spolier de quelques milliards additionnels les contribuables européens des régions « favorisées » en redistribuant encore plus d’argent en direction des autres régions ;

– Créer un « socle européen des droits sociaux » 1. en aggravant le chômage en instaurant un salaire minimal européen et 2. en collectivisant encore plus la protection sociale, et en accentuant davantage la redistribution entre régions via la création d’un fonds européen de réassurance des prestations chômage ;

– Taxer (taxe carbone) les produits importés, ce qui les renchérira pour les consommateurs et les producteurs européens ;

– Taxer les grandes entreprises technologiques (en grande majorité étrangères), plutôt que favoriser leur émergence sur le territoire européen en libéralisant le fonctionnement de nos économies.

En tant que Français, faut-il se réjouir de l’arrivée d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission ?

Bref, Ursula von der Leyen parle notre langue. A part ça, je ne vois guère comment son élection pourrait profiter à la France et aux Français.

Tout au plus ceux qui ont à cœur que le Parlement européen garde une implantation strasbourgeoise pourront-ils se satisfaire du fait que la nouvelle présidente de la Commission « n’a jamais critiqué le choix de maintenir Strasbourg comme deuxième siège du parlement européen », comme le rappelle Bill Wirtz sur Contrepoints.

Pour le reste, il s’agit de transformer l’UE économie de marché en une UE « économie sociale de marché », pour reprendre les mots d’Ursula von der Leyen. Il s’agit de faire un grand bon vers la collectivisation.

Son programme est donc tout à fait en phase avec la vision macronienne de l’Europe. Par conséquent, il se distingue remarquablement des opinions avancées par Annegret Kramp-Karrenbauer dans sa tribune publiée le 10 mars dans le Welt am Sonntag, en réponse à une précédente tribune d’Emmanuel Macron.

Ce n’est pas une coïncidence, puisque c’est justement le président français qui a suggéré à Angela Merkel le nom d’Ursula von der Leyen afin de débloquer les négociations entre dirigeants européens.

Pour une « dame de fer » à la tête de la Commission, il faudra donc repasser.

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