Le bilan de la politique commerciale de la Commission d’Ursula von der Leyen est loin d’être impressionnant.
Dans notre article précédent, nous avons vu que les règles imposées par l’UE aux autres pays nous empêchent de conclure des accords commerciaux importants, notamment autour du climat…
Protectionnisme climatique
Le tarif climatique est actuellement contesté par l’Inde au niveau de l’OMC et a déjà suscité des critiques de la part de nombreux pays africains, car on estime qu’il impose un coût annuel énorme de 25 milliards de dollars américains à leurs économies.
Un modèle alternatif, suggéré par les chercheurs de la Climate & Freedom International Coalition, pourrait également être une option pour l’UE. Il s’agirait de conclure un traité international qui permettrait aux pays qui le ratifient de bénéficier d’avantages commerciaux dépendant de l’adoption de politiques de marché libre, respectueuses du climat.
Il est suggéré d’encourager des réductions fiscales ciblées (Clean Tax Cuts), notamment dans les quatre secteurs responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre : les transports, l’énergie et l’électricité, l’industrie et l’immobilier, en plus de réductions fiscales visant à lutter contre la démonopolisation.
Il s’agit également d’encourager l’investissement par le biais d’obligations CoVictory, exonérées d’impôts, afin de réaliser des investissements à long terme dans les « immobilisations corporelles », ce qui permettra de réduire le coût de l’emprunt d’au moins 30%, tout en stimulant l’innovation.
Tout cela serait conforme aux résultats des recherches qui montrent que les économies les plus libres sont les plus propres et que la concurrence elle-même accélère la décarbonation. Une étude comparant les marchés de l’électricité américains concurrentiels et monopolistiques a révélé que ces derniers se décarbonent 66% plus rapidement que les marchés de l’électricité non concurrentiels.
Les tensions commerciales persistent entre la Chine et les Etats-Unis
Les relations commerciales toujours aussi tendues entre l’UE et les deux autres grands acteurs commerciaux, la Chine et les Etats-Unis, restent fondamentalement préoccupantes.
Concernant la Chine, la Commission européenne s’apprête à imposer des droits de douane supplémentaires sur les véhicules électriques chinois entrant dans l’UE. Elle a annoncé avoir des « preuves suffisantes » pour avancer que les importations de nouveaux véhicules électriques à batterie en provenance de Chine ont bénéficié de subventions, de type transferts directs de fonds, allègements fiscaux ou fourniture publique de biens ou de services à des prix inférieurs à ceux du marché.
Les acteurs européens s’opposent à cette mesure. Le patron de Mercedes-Benz, Ola Källenius, a exhorté l’UE à « ne pas augmenter » les droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois. Il affirme que « les entreprises chinoises qui cherchent à exporter vers l’Europe » sont une « progression naturelle de la concurrence et qu’il faut y répondre avec de meilleurs produits, une meilleure technologie et plus d’agilité ». Il ajoute également : « C’est cela l’économie de marché. Laissons jouer la concurrence. »
Les constructeurs automobiles français, quant à eux, souhaitent que l’UE impose davantage d’obstacles.
Du côté des Etats-Unis, les tensions qui remontent au mandat de Donald Trump subsistent. La suspension des droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium jusqu’en mars 2025 comme convenu entre l’Union européenne et les Etats-Unis permettrait à l’UE de s’abstenir de nouvelles mesures de rétorsion. Cependant, toutes les mesures réglementaires relatives à la politique de concurrence de l’UE à l’égard des grandes entreprises technologiques américaines – dont l’amende massive de 1,8 milliard d’euros infligée par l’UE à Apple n’est que le dernier exemple en date – rendent les Etats-Unis très nerveux. Si l’administration de Joe Biden a su faire preuve de retenue jusqu’à présent, il est peu probable que la nouvelle administration Trump tolère cette situation.
L’année dernière, l’UE n’a pas non plus réussi à conclure un accord crucial sur les minéraux avec les Etats-Unis. L’accord aurait permis de débloquer l’accès aux crédits d’impôt au titre de la loi protectionniste américaine « Inflation Reduction Act » (loi sur la réduction de l’inflation).
Il est inquiétant de constater que cette situation est imputée à l’équipe d’Ursula von der Leyen. Alors que le département du commerce de la Commission européenne s’est contenté d’insister sur le fait que tout accord devrait respecter les règles du commerce mondial, l’équipe d’Ursula von der Leyen est allée beaucoup plus loin, a expliqué un diplomate européen : « Dans son souci d’être un acteur géopolitique et de faire de la ‘realpolitik’, la partie politique de la Commission semble avoir oublié que la politique commerciale est très délicate et qu’elle touche à des questions très sensibles d’intérêt national pour les Etats membres. […] En particulier avec les Etats-Unis, les ambitions géopolitiques du président de la Commission ont empêché la conclusion d’accords qui auraient été possibles. »
Les derniers développements donnent peut-être des raisons d’espérer. Lors d’une visite aux Etats-Unis début mars, le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, a plaidé en faveur d’un « mini-accord de libre-échange » pour certains produits techniques entre l’UE et les Etats-Unis, notamment les biens industriels, les batteries, les semi-conducteurs et les matières premières essentielles.
Conclusion
Le bilan de la politique commerciale de la Commission d’Ursula von der Leyen est loin d’être impressionnant. Elle n’a pas réussi à conclure de nouveaux accords commerciaux, a sapé les flux commerciaux existants et a aggravé les tensions commerciales avec les deux mastodontes du commerce, les Etats-Unis et la Chine.
Ursula von der Leyen obtiendra-t-elle un second mandat ? C’est bien sûr une tout autre histoire. A Bruxelles, l’échec n’est pas vraiment une raison pour ne pas être récompensé.