La Chronique Agora

Qu’est-ce qu’un supercycle de la dette ?

En 2021, le taux d’endettement a atteint un niveau record à 350% du PIB mondial. Qu’est-ce qui a permis à cette situation de surendettement de se prolonger ? Réponse, au travers de la théorie des supercycles de la dette

Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une notion dont vous n’avez probablement jamais croisé le nom. Et pour cause : elle ne s’est historiquement manifestée que 2 ou 3 fois par siècle.

Elle pourrait cependant bientôt repointer le bout de son nez.

Cette notion, c’est celle des supercycles économiques.

Mais partons de ce qui est bien connu : vous avez déjà entendu parler des cycles économiques, également appelés cycles des affaires (au sujet desquels l’Ecole autrichienne d’Economie a proposé la théorie la plus convaincante) ? Lorsque l’on réduit le zoom du microscope, on observe que ces derniers sont les mouvements cycliques de court terme qui se succèdent au sein d’un supercycle économique de très long terme.

De nombreux auteurs ont proposé leur découpage et leur interprétation de ces cycles de longue durée qui s’étendent sur plusieurs décennies.

De Kondratiev à Stöferle & Valek, en passant par Schumpeter…

Le plus connu d’entre eux est sans doute le premier à avoir identifié l’existence de cycles de longue durée au sein des économies capitalistes. Il s’agit de l’économiste soviétique Nikolaï Kondratiev, qui a proposé sa théorie des cycles en 1926 (les fameux « cycles de Kondratiev »), quelques années avant d’être fusillé sous Staline, en 1938. A défaut d’apporter une explication convaincante de la succession des cycles de court terme au sein de cycles de très long terme, Kondratiev a eu le mérite de monter que l’Histoire économique rime, ou plutôt qu’elle bégaie.

Joseph Schumpeter a prolongé cette théorie en proposant sa propre explication. Pour l’économiste américain, les fluctuations de l’économie ont trait à l’apparition d’innovations majeures (le progrès technique) qui surviennent par « grappes ». De plus en plus rude, la concurrence entre entreprises finit par conduire l’activité économique à se retourner. Une vague de « destruction créatrice » purge l’économie et prépare la prochaine vague d’innovations, etc.

Dans leur rapport In Gold We Trust 2020, Ronald Stöferle et Mark Valek (S&V) ont proposé leur propre théorie des supercycles, en rebaptisant cette notion sous l’appellation : « supercycles de la dette ». L’année suivante, ils ont invité Lyn Alden à rédiger un chapitre de leur nouveau rapport, que l’américaine a consacré à cette théorie qu’elle embrasse elle aussi. Enfin, dans leur rapport IGWT 2024, les deux Autrichiens sont revenus en détail sur leur théorie pour nous en proposer une mise à jour au regard de la situation contemporaine.

Ce que les analystes d’Incrementum nous offrent ici, ce n’est rien de moins qu’une carte, quoi que partielle, de notre position dans l’Histoire.

Les 4 saisons du supercycle classique de la dette, selon Stöferle & Valek

Tâchons de déchiffrer cette mystérieuse cartographie, elle pourra nous être utile pour naviguer dans un environnement macroéconomique incertain…

Qu’est-ce qu’un supercycle de la dette ?

Depuis la première révolution industrielle, l’économie mondiale est historiquement passées par plusieurs phases de croissance de très long terme qui se sont souvent étendues sur plusieurs générations :

Bien que S&V aient incorporé les idées de Kondratieff et les travaux d’autres commentateurs des cycles longs à leur cadre théorique, « la principale force motrice d’un cycle long de la dette est [selon eux] l’accumulation de la dette et, dans la phase finale du cycle, l’extinction de celle-ci. […] La dette est le principal moteur de ces cycles », et c’est pourquoi les deux Autrichiens parlent de « supercycles de la dette ».

C’est également par la dette que Lyn Alden fait le lien entre les cycles de court terme et les cycles de long terme : « Le problème est que le désendettement qui se produit à la fin d’un cycle économique [de court terme] réduit rarement les niveaux d’endettement à leur niveau de début de cycle, en partie à cause de la réponse des politiques budgétaire et monétaire qui découragent le désendettement, et tentent de lisser les processus d’assainissement. […]

Après de nombreux cycles économiques [de court terme] qui accumulent de la dette à un niveau de plus en plus élevé d’un cycle à l’autre, la dette totale du système (dette souveraine, des entreprises, des ménages et autres formes de dette) atteint des niveaux extrêmement élevés par rapport au PIB, ou par rapport à la masse monétaire au sens large.

Puis les taux d’intérêt se heurtent à la borne du zéro, et les décideurs politiques ont du mal à les faire descendre bien en-dessous de ce seuil sans porter un coup fatal au système bancaire. C’est à la limite du zéro que la magie cesse d’opérer et que les choses changent. »

Ces cycles de très long terme (ou supercycles) peuvent eux-mêmes être découpés en quatre « saisons », lesquelles se caractérisent par une configuration macroéconomique donnée au regard de l’endettement, l’inflation, les taux d’intérêt et la croissance économique.

La petite mélodie des 4 saisons de Stöferle & Valek

Avec S&V, les épisodes successifs de l’Histoire économique prennent des airs de concertos de Vivaldi.

Au sein d’un cycle typique de la dette à long terme, l’économie passe par les 4 saisons que voici :

Et la dette dans tout ça ?

Dans mon prochain billet, je vous en dirai plus à son sujet en vous présentant le deuxième « semestre » de ces supercycles, c’est-à-dire l’automne et le printemps…

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