La Chronique Agora

Quand la santé de l’Etat dépend de ses guerres

Comment l’Etat américain pourrait-il survivre à la paix ?

Chaque jour, les tambours de guerre battent plus fort. Asia Times rapporte :

« Les Etats-Unis provoquent la Chine avec un nouveau missile nucléaire

Les Etats-Unis viennent de tester un nouveau type de missile à tête nucléaire, réaffirmant la viabilité du volet aérien de leur triade nucléaire, face aux menaces évolutives de leurs adversaires proches, la Chine et la Russie, avec de profondes implications pour la stabilité régionale et les normes mondiales de non-prolifération. »

Ce mois-ci, The Warzone a rapporté que l’armée de l’air américaine avait effectué neuf essais en vol de ses futurs prototypes de missiles de croisière à tête nucléaire AGM-181A Long Range Stand Off (LRSO), dont un essai avec une fausse ogive nucléaire.

Un soutien en perte de vitesse 

Alors que les Européens commençaient à peine à découvrir l’Amérique, un intrépide explorateur décida de passer du temps avec les tribus vivant le long de la baie d’Hudson, au Canada. Il raconte qu’un jour, les jeunes hommes de la tribu ont pris leurs armes et se sont dirigés vers le nord. Il pensait qu’il s’agissait d’une partie de chasse. Ils ont marché pendant des semaines… jusqu’à ce que les arbres aient disparu. Enfin, ils finirent par trouver ce qu’ils cherchaient : un village esquimau. Les Esquimaux étaient des gens différents – ils parlaient une langue différente, avaient une culture différente… Sans perdre de temps, les Indiens ont fini par attaquer et massacrer tous les habitants du village – hommes, femmes, enfants.

Ils étaient en croisade. Et ils ont pris pour cible des gens qu’ils devaient considérer comme leurs ennemis. L’étaient-ils parce qu’ils vénéraient d’autres dieux ? Ou parce qu’ils ne vénéraient aucun dieu ? L’étaient-ils parce qu’ils avaient mauvaise haleine ou parce que les Indiens vivaient sur un vaste continent en grande partie vide, et que les Esquimaux étaient le seul « ennemi » plausible à portée de main ?

La guerre en Ukraine semble prendre fin. Lorsque Zelensky s’est adressé à l’ONU la semaine dernière, de nombreux sièges étaient vides. La Russie est en train de gagner, et le reste du monde se désintéresse peu à peu du conflit. Reuters rapporte :

« L’armement de l’Ukraine est de moins en moins soutenu par l’opinion américaine, selon un sondage Reuters/Ipsos

L’envoi d’armes américaines est de moins en mois soutenu par les Américains. Au mois de mai, un sondage Reuters/Ipsos montrait que 46% des Américains étaient favorables à l’envoi d’armes, tandis que 29% y étaient opposés, et le reste n’était pas sûr.

Les forces ukrainiennes ont repris une série de villages et de localités dans le cadre de la contre-offensive qui a débuté en juin, mais leurs soldats ont été fortement gênés par les vastes champs de mines et les tranchées russes. »

Le drapeau blanc

L’Ukraine manque d’armes, d’argent et d’enthousiasme. Mais surtout, elle manque de viande pour ses broyeurs. La moyenne d’âge de ses soldats serait de 40 ans. Les jeunes hommes partent avant d’être enrôlés ; ils ne sont pas prêts à mourir pour la croisade que mène Zelensky.

Ce qui nous surprend, c’est le nombre de soldats encore présents. Tout ce que la Russie voulait, c’était d’empêcher l’OTAN de pénétrer l’Ukraine. Mourir pour que son pays puisse adhérer à l’OTAN ne semble pas être un objectif particulièrement attrayant.

Dans une situation semblable, les jeunes Américains quitteraient eux aussi la ville. C’est du moins ce que montre une enquête rapportée par le Daily Mail. La question suivante a été posée aux électeurs : « Supposez qu’un autre pays envahisse les Etats-Unis, et qu’il soit sur le point de remporter la victoire. Vous pouvez soit mourir en combattant pour votre pays, soit vous rendre et survivre. Que feriez-vous ? » Parmi les jeunes de 18 à 29 ans, seuls 30% iraient se battre.

Peu importe. L’Histoire nous apprend qu’il est facile d’attiser la fièvre de la guerre et de faire tuer des millions de personnes sans raison apparente. Il suffit d’avoir un ennemi.

Et en ce moment même, les experts en politique étrangère des Etats-Unis, ses glorieux généraux et les héros de ses journaux tournent leurs regards vers l’est, vers la Chine.

Que nous ont fait les Chinois ? On ne le sait pas ? C’était là l’objet du « Rapport de la montagne de fer ». Un ennemi n’a pas besoin de faire quoi que ce soit, il doit simplement incarner l’ennemi idéal.

La santé de l’Etat

L’histoire de la Chine représente l’une des plus grandes réussites de tous les temps. Depuis 1979, elle a fait sortir 800 millions de personnes de la pauvreté communiste de Mao, pour l’introduire au monde moderne du capitalisme, des salaires décents, de la nourriture en abondance et des merveilles technologiques, comme le train à grande vitesse et le train maglev de Shanghai. Les Etats-Unis ne peuvent pas rivaliser.

Mais au lieu de l’admirer, d’essayer d’apprendre d’elle et d’espérer en tirer profit, ce qui profiterait au peuple américain, la Chine est devenue l’ennemi dont l’élite de l’empire a besoin.

Voici ce que Richard Cullen nous rapporte :

« La couverture médiatique négative de la Chine continue de se propager à l’ensemble des médias américains. La plupart des commentateurs s’en prennent à Pékin d’une douzaine de manières différentes, et en particulier au parti communiste chinois, tout en rappelant aux lecteurs et aux téléspectateurs que les Etats-Unis restent une superpuissance de premier plan. »

La vérité émerge souvent d’endroits inattendus. Le « Rapport de la montagne de fer  » était peut-être une parodie, conçue uniquement pour susciter un rire complice chez les cyniques, mais il révèle la véritable cause de la guerre mieux que n’importe quel groupe de fonctionnaires fédéraux ne pourrait le faire.

Le contexte supposé est le suivant : un groupe de 15 fumeurs de pipe a décidé de se réunir au sein d’un groupe d’étude, pour spéculer sur les conséquences potentielles de la « paix ». Ils se sont donnés rendez-vous dans un bunker à sécurité nucléaire, sous Iron Mountain. Ils sont arrivés à la conclusion que le gouvernement est incompatible avec la « paix ». Il ne peut exister sans guerre. Les Etats-nations n’existent que pour faire la guerre.

Cette idée n’a rien de nouveau.

« La guerre est la santé de l’Etat », a déclaré Randolph Bourne. La guerre n’est pas seulement utile au gouvernement, elle incarne le gouvernement. La différence essentielle entre le gouvernement américain et l’Église catholique, le Kiwanis Club ou Walmart, est que le premier a recours à la force pour obtenir ce qu’il veut. Les seconds ne le font pas. Sans l’usage de la force – police, prisons, guerres – l’ »Etat » n’aurait aucune raison d’exister.

Rendez-vous demain… pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles la guerre est inévitable… et pourquoi les Etats-Unis la perdront très probablement.

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