La Chronique Agora

Ce qui va ruiner le système des retraites…

Les banques centrales manipulent cours et taux, déconnectent la valeur des actifs de l’économie réelle : cela a des conséquences gravissimes sur l’investissement – et ce qui en dépend, comme les retraites.

La Fed et ses suiveurs utilisent une équation idiote qui met en relation la valeur des actifs financiers et les taux d’intérêt.

Il faut comprendre la signification de cette équivalence radicalement, c’est-à-dire à la racine.

C’est une équivalence qui pose que le champ des actifs financiers et patrimoniaux est unifié, qu’ils sont tous comparables.

Cette équivalence est idéologique car elle est fausse : une action est une part de réel. Son véritable ancrage c’est le réel, c’est la propriété, c’est la vie – et non pas une abstraction fixée, manipulée par les banquiers centraux. Une dette ou un crédit ne constituent que des contrats.

L’équivalence de la Fed a pour objectif idéologique de faire croire que la rentabilité intrinsèque procurée par un investissement est de même nature que la rentabilité totale extrinsèque. Cette dernière est quant à elle procurée par la rentabilité interne augmentée par le Ponzi, c’est-à-dire bonifiée par le fait que la banque centrale manipule les taux.

Or ces deux types de rentabilité sont très très différents.

Des créations de l’esprit

L’équation de la Fed, qui relie la valeur des actifs aux taux et au risque (primes de risque) conçu comme volatilité des prix, crée un monde imaginaire. C’est ce que je décris souvent comme le monde des ombres, le monde de la névrose : on prend les créations de son esprit pour le réel et on agit en conséquence.

Les créations de l’esprit deviennent autonomes, comme si elles existaient. Elles se combinent entre elles dans une logique purement formelle, qui conduit à des aberrations comme les taux négatifs ou les produits dérivés… et aux catastrophes comme les crises financières.

On se prend à rêver qu’un jour un grand philosophe rigoureux spécialiste de la philosophie des sciences, de l’épistémologie des modèles et critique des formations idéologiques comme Alain Badiou se penche sur le corpus de la pseudo-science financière : cela fera ou cela ferait des dégâts !

La mise en place de ce corpus idéologique qui déborde bien sur le champ de la finance n’est pas innocente. Cette création d’un monde imaginaire a pour but d’unifier le champ des actifs financiers, de le désancrer du réel, de le libérer de la gravitation du réel, afin de le mettre sous la coupe des banquiers centraux.

Si un jour, à la faveur d’une crise, les travaux s’orientent vers l’épistémologie du savoir financier, c’en sera fini du « pouvoir » des illusionnistes que sont les banquiers centraux.

Les banques centrales contrôlent les marchés

Si la banque centrale peut fixer les taux courts, si les taux longs ne sont qu’une succession de taux courts et si les actions ne sont que des véhicules de taux assortis d’une prime de risque définie comme liée à la volatilité des prix, alors, de proche en proche, les banques centrales contrôlent le marché financier !

Elles les contrôlent à tel point que l’on reste dans l’imaginaire, dans le monde de la névrose financière, dans le monde des marchés tels qu’ils sont enserrés dans le maillage idéologique des PhD.

La crise, les crises sont impossibles dans le corpus de pseudo-savoirs des banquiers centraux et de leurs mercenaires… mais comme elles surviennent – de plus en plus souvent, même –, il faut alors les nier, les dissimuler, puisqu’elles sont impossibles.

En réalité, en pratique, les crises existent bel et bien ; elles se définissent comme les ruptures, les trous, les lapsus du discours des PhD. Les crises, c’est quand le monde imaginaire se déchire et que la réalité fait son retour.

Lorsque je participais aux études sur la dérégulation financière au début des années 80, comme quasi-personne ne se préoccupait du réel, j’ai affirmé que la dérégulation était la quadrature du cercle résolue, le mouvement perpétuel, le Graal…

… A condition que les capitaux ne sortent plus jamais des marchés et que les autorités réussissent à toujours les y maintenir. Pour que « cela tienne », il faut que l’argent ne parte jamais à la recherche de sa valeur, qu’il ne circule que dans le monde des ombres. S’il en sort et exige un jour des valeurs réelles en contrepartie de son prix, alors c’est la crise.

C’est ce qu’il s’est passé en 2008 : l’argent est sorti des marchés. Il a fallu créer des quantités phénoménales de monnaie de base pour faire face au run et ainsi le noyer sous les liquidités.

Cela a fonctionné en raison de la peur. Les gens ont accepté cette monnaie, ils l’ont gardée, ils ont demandé des liquidités… et avec, ils ont acheté du sans-risque : des emprunts d’Etat ! Ils sont restés dans la névrose. C’est la fonction de l’idéologie du risk-on/risk-off que de faire rester l’argent dans l’imaginaire des marchés.

Mais chut, c’est le grand secret !

Les apprentis sorciers aux commandes

C’est ce que je démontre depuis longtemps – mais il était opportun de le refaire ici, car on entend sans cesse chez les analystes et investisseurs l’idiotie suivante : les marchés ne sont pas chers car les taux sont bas.

En clair, ils avalisent l’équation de la Fed, laquelle équation est une création idéologique grotesque qui ne sert qu’à une chose : donner le pouvoir de fixer les prix des actifs aux apprentis sorciers.

L’analyste et gestionnaire de hedge fund John Hussman démontre que l’utilisation de cette équation de la Fed comme guide de l’investissement est invalidée par les observations historiques.

L’utilisation de cette équation sur une longue période ne peut prétendre servir de guide à une politique d’investissement, car elle n’est pas corrélée à la rentabilité de l’investissement que l’on fait avec elle !

La seule bonne corrélation qui donne des résultats fantastiques pour une politique d’investissement de long terme, c’est la corrélation avec la valorisation intrinsèque d’un investissement.

Le meilleur critère pour investir, c’est le prix que vous payez pour votre investissement. Si vous payez bon marché en regard des normes historiques, vous avez une bonne rentabilité ; si au contraire vous payez cher, comme maintenant, vous ne vous pouvez espérer une bonne rentabilité… et vous avez en outre des chances énormes de risquer des pertes entre temps.

Un investissement fondé sur une analyse financière correcte façon Graham and Dodd n’a nul besoin d’hypothèses sur les taux.

Les valorisations actuelles permettent de dire que les investissements réalisés à ces niveaux ne rapporteront rien en réel sur 12 ans et occasionneront des pertes intercalaires considérables.

C’est pour cela que je suis certain que les systèmes de retraites seront détruits. La vraie destruction des systèmes de retraites ce n’est pas la démographie, c’est la finance.

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