Les actions de sociétés russes ont perdu presque toute leur valeur début mars, alors qu’elles baissaient déjà depuis le début de l’année. Fallait-il être fou pour en posséder ? Ou tout simplement contrarien…
Aïe ! Les quelques actions russes que nous détenons sont en baisse de 60% à 90%, depuis le début de l’année.
Mais vous vous demandez probablement pourquoi diable nous avons investi dans des actions russes, pour commencer.
Ah, cher lecteur, permettez-nous de vous l’expliquer.
Comme nous l’avons vu, les marchés évoluent de haut en bas et vice versa par grandes vagues s’étendant sur plusieurs générations.
En règle générale (et nous ne révélons aucun secret en affirmant cela), il faut acheter à la baisse et vendre à la hausse. Beaucoup de gens tentent de faire le contraire, mais les résultats sont décevants.
Nous avons acheté des actions russes dans le cadre d’un programme spécial – surtout pour nous amuser – selon lequel nous investissons sur les marchés affichant les pires performances, en comptant sur un « retour à la moyenne », et sur ce que nous appelons le « contrarianisme », pour qu’ils se retournent.
Après tout, une société prise individuellement peut baisser et ne jamais remonter. De même qu’un secteur tout entier.
Mais pas tout un pays.
Même s’ils sont souvent assaillis de problèmes, les pays ont tendance à survivre.
Des prévisions désastreuses
En 1900, un secteur d’activité très important se chargeait de ramasser le crottin de cheval dans les rues des villes. A New York, par exemple, on estime qu’il y avait 50 000 chevaux produisant chacun 7 à 15 kg de crottin par jour. Soit plus de 1 000 tonnes par jour. Les gens qui nettoyaient les rues n’arrivaient pas à suivre le rythme.
Un « expert » avait prédit que Londres serait bientôt enseveli sous près de 3 mètres de crottin. C’était le grand désastre climatique de 1900… et… du grand n’importe quoi. De même que beaucoup de crises et illusions qui allaient arriver ensuite.
Le travail des enfants dans les usines était cauchemardesque, au début des années 1900.
Puis est arrivée une guerre « pour mettre fin à toutes les guerres ».
Un « haut plateau permanent » sur le marché actions : voilà ce qu’avait prédit en 1929 le plus grand expert économique de l’époque, Irving Fisher.
Le bolchévisme était considéré comme la pire menace guettant l’humanité, dans les années 1930… suivi du communisme dans les années 1950.
Dans les années 1960, les économistes les plus éminents prédisaient encore que l’économie soviétique, basée sur la planification centrale, submergerait les Etats-Unis.
Dans les années 1980, on avait l’impression que rien ne pouvait arrêter le modèle de capitalisme japonais, contrôlé par le gouvernement.
Retour à la réalité
Ensuite est arrivée la bulle des dot-com… au cours de laquelle on a prédit que les taux de croissance allaient s’accélérer, désormais, car l’apparition d’internet allait rendre accessibles à tous les connaissances du monde entier. Pourquoi vivre dans l’obscurité quand l’interrupteur est à portée de « clic » ?
Ensuite, nous avons découvert des « terroristes » parmi nous… Plus récemment, le Covid a été présenté comme s’il s’agissait de la Peste Noire… Et, à présent, les Russes menacent la civilisation occidentale.
Mais depuis le passage au XXIe siècle, la croissance du PIB américain a été réduite de moitié. Il est toujours question de guerre aux informations.
Le Japon semble avoir sombré dans un perpétuel marasme intermittent. Le bolchévisme a disparu de presque partout.
Les terroristes ne font presque plus la une des journaux. L’économie est toujours active. Le Covid a laissé plus d’habitants sur la Planète Terre qu’à son arrivée.
Et le travail des enfants ? Aux Etats-Unis, on a du mal à trouver une usine où employer qui que ce soit.
A partir de ces faits étalés devant comme les pierres d’un gué pour traverser une rivière, nous pourrions sauter sur différentes conclusions. Mais au lieu de courir le risque de déraper et tomber à l’eau, nous préférons conclure simplement que les « choses changent ».
Comme disent les Français, « tout passe, tout casse ». Le monde continue de tourner… Les marées vont et viennent tandis que les rythmes ancestraux de la vie se succèdent.
Vous avez le vent en poupe en avril et vous êtes terrassé en mai. C’est la vie.
Des actions malaimées
Les valeurs russes ont été terrassées il y a longtemps. Mais elles ne sont pas mortes. Il est rare que tout un pays n’ait plus aucune activité économique. Il connaît plutôt des hauts et des bas.
Lorsque nous les avons achetées, les actions russes faisaient partie des titres les plus malaimés sur Terre. Et pourtant, il s’agissait de véritables entreprises, exerçant dans un vrai pays… avec des ingénieurs très calés… un vaste marché national et toute l’Europe à portée de pipeline. Et aujourd’hui, ces actions sont encore plus dépréciées.
Mais attendez. La Russie est un paria. Les Russes sont « les méchants ». Le monde leur tourne le dos. Et les actifs russes sont au point mort, condamnés. Les Bourses russes sont restées fermées. A New York, les pertes ont été si importantes que les transactions concernant les titres russes ont été suspendues fin février.
Mais quelques actions et ETF russes étaient toujours cotés à Londres, début mars…
Et ce fut un bain de sang.
Les deux principaux ETF russes ont chuté de 25% chacun. Les obligations russes, elles aussi, se sont effondrées : avant que les transactions s’arrêtent là-aussi, elles se vendaient pour moins d’un tiers de leur prix initial.
Le rouble russe se déprécie sur les marchés mondiaux. En Russie, les espèces étant difficiles à obtenir, les gens formaient de longues files d’attente pour en retirer.
Et la Sberbank, matraquée par les sanctions et considérée comme au bord de la faillite, a perdu 75% de sa valeur.
Les investisseurs ont-ils réagi de façon exagérée ? Ou les politiciens ?
La plupart des gens, la plupart du temps
Dans la vie privée, la plupart des gens s’entendent assez bien. Ils traversent des carrefours sans trop de dégâts. S’ils gagnent six sous, ils en dépensent six, pas plus. Ils grognent, mais rendent à César ce qu’il demande.
Mais dans la vie publique, la plupart des gens se trompent la plupart du temps sur à peu près tout.
Les humains s’inspirent des autres, en particulier de leurs leaders. Ils fréquentent des restaurants à la mode… lisent les livres que d’autres lisent et portent les vêtements qu’ils ont vu sur leurs amis et influenceurs. Ils ont tendance à se regrouper et s’unir derrière des leaders imbéciles, à se piétiner dans un mouvement de foule, et à payer trop cher leurs investissements préférés.
Mais l’histoire cache toujours quelque chose… Et cela finit par sortir…
A court terme, selon Warren Buffett, le marché actions est « une machine à voter ». La foule vote pour les actions comme elle vote pour les politiciens : elle élit des bouffons à grande gueule et d’habiles escrocs.
Le contrarien se situe de l’autre côté du trade.
Il vote pour l’outsider, et attend le mois de juin.