L’expansion de l’OTAN a mené à creuser le fossé entre la Russie et l’Europe.
Voici l’article qui a fait la une de Bloomberg :
« Si les Etats-Unis quittent le Niger, les terroristes et les Russes gagnent
Emmanuel Macron a annoncé à la télévision le rapatriement de 1 500 soldats français présents au Niger, ainsi que de l’ambassadeur de France. La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale de la région, avait longtemps joué le rôle de chef de file de l’équipe occidentale au Sahel, les Etats-Unis jouant le rôle peu habituel de doublure. »
Chers lecteurs, vous vous demandez peut-être : qu’est-ce que cela peut bien nous faire ?
Mais cet évènement est peut-être la clé pour comprendre notre avenir. La politique étrangère des Etats-Unis est contrôlée par une cabale de producteurs d’armes, d’amateurs de gloire et d’idiots sans utilité. Son maintien coûte, en tout et pour tout, environ 1 500 milliards de dollars par an. Cela représente environ un quart de toutes les dépenses fédérales. Et 1 000 milliards de dollars de cette somme pourraient facilement être supprimés, sans que la sécurité des Etats-Unis n’en pâtisse.
Ces mesures, ainsi que des ajustements relativement mineurs aux paiements de transfert excessifs des Etats-Unis, pourraient permettre d’équilibrer le budget fédéral et d’éviter une débâcle catastrophique faite d’inflation, de faillite et de république bananière.
Alors, sans grande surprise… nous ne pensons pas que cela se produira. Mais nous allons approfondir la question ; peut-être verrons-nous quelque chose qui nous a échappé.
Plus de points d’interrogation
Dans l’article de Bloomberg ci-dessus, nous sommes invités à « faire quelque chose » pour ne pas « perdre le Niger ». Etant donné que le Niger n’est pas quelque chose que « nous » avons un jour possédé ou voulu posséder, le perdre ne semble pas être un problème majeur… et nous ne nous attendons pas à passer beaucoup de temps à le chercher.
Alors, sortons notre sac de points d’interrogation : pourquoi ne pas laisser les Russes s’en emparer ?
Le Niger a un PIB d’environ 1/1000e de la taille des Etats-Unis. En termes de pouvoir d’achat, le citoyen moyen gagne environ 100 dollars par mois. Et le budget du gouvernement est constitué pour moitié d’aide étrangère (en général, une grande partie de cette aide finit par soutenir les vendeurs de montres suisses haut de gamme et d’automobiles allemandes).
Autre question. Quel avantage les Etats-Unis tireraient-ils de l’utilisation de leur argent au Niger ?
Bien sûr, le même point d’interrogation pourrait être utilisé ailleurs. Pourquoi les Etats-Unis ont-ils des bases militaires en Allemagne ? Les Allemands peuvent se débrouiller seuls. Pourquoi au Japon ? Et pourquoi envoyer des milliards à l’Ukraine (dont une grande partie se retrouve sur des comptes bancaires suisses et chez des concessionnaires Mercedes) ?
Parfois, les points d’interrogation sont inutiles. Nous connaissons l’Histoire. Après ses mésaventures en Irak et en Afghanistan, l’industrie de guerre américaine a eu besoin de se trouver un nouvel ennemi. Pendant des années, elle a poussé la Russie à jouer ce rôle.
Cela n’a pas été facile. La Russie a toujours entretenu des relations compliquées avec l’Europe, tantôt admiratrice, tantôt imitatrice, tantôt luttant pour sa survie contre « l’Occident ». Etudier l’histoire pourrait nous aider à clarifier la situation.
De la Russie, avec amour
A la fin du XVIIe siècle, Pierre, tsar de Russie, que l’on appellera plus tard « le Grand », arrive en Angleterre. Il est accompagné de quatre chambellans (assistants), de trois interprètes, de deux horlogers, d’un cuisinier, d’un prêtre, de 70 soldats, de quatre nains et d’un singe.
Pierre voulait apprendre tout ce qu’il pouvait sur l’Angleterre et l’Europe (il s’est arrêté en Allemagne sur le chemin du retour) afin de pouvoir appliquer ses leçons en Russie. On dit que Pierre voulait que sa mission soit secrète afin de ne pas être dérangé par les enjeux diplomatiques. Mais on imagine mal comment cet homme – qui mesurait 1,80 m – et sa curieuse troupe auraient pu rester très longtemps à Londres sans se faire remarquer.
Ce fut le début des efforts d’occidentalisation de la Russie, qui se sont poursuivis par intermittence durant les 300 années suivantes.
Au cours de cette période, l’affection des Russes pour l’Europe a été interrompue à trois reprises, et chaque fois par les Européens eux-mêmes. Pierre à peine rentré à Moscou, Charles XII de Suède est tombé sur la côte baltique, a traversé la Pologne et a envahi la Russie en 1708. Bloqués par l’armée de Pierre, les Suédois n’ont pas pu avancer vers Moscou et se sont tournés alors vers l’Ukraine. Une fois de plus, Pierre a réussi à les surpasser et à battre Charles XII de manière décisive à la bataille de Poltava en 1709.
La tactique gagnante consistait à se retirer face à l’ennemi plus puissant, et à détruire tout ce dont il pourrait avoir besoin. C’est la stratégie de la « terre brûlée ». Peu populaire auprès des populations locales, elle a pourtant été efficace contre les Suédois, et plus tard contre les Français en 1812, et les Allemands en 1941.
D’après l’Histoire, les envahisseurs proviennent de l’Ouest et attaquent la Russie environ une fois tous les cent ans. Et comme la dernière invasion a eu lieu il y a 82 ans, il est logique que les Russes prennent des précautions. C’est sans doute ce qui a motivé Vladimir Poutine à insister pour que « l’Occident » prenne au sérieux ses préoccupations en matière de sécurité.
Au lieu de cela, l’OTAN a fait son propre « drang nach osten »… en se rapprochant de plus en plus de la porte d’entrée de la Russie. En 2014, les Etats-Unis ont contribué à un coup d’Etat à Kiev, qui a remplacé un président élu favorable à la Russie par un autre plus en phase avec l’agenda occidental.
Cela a dû être une grande déception pour Poutine. Après la chute du mur de Berlin, les dirigeants occidentaux ayant assuré que l’OTAN n’avancerait pas d’un pouce vers la Russie, les dirigeants du Kremlin avaient à nouveau voulu s’allier à l’Europe, et non la combattre. Les pays européens étaient bien plus riches et plus avancés technologiquement que la Russie. Les Russes espéraient les imiter, pas leur faire la guerre. L’ancien chef de l’OTAN, George Robertson, affirme même que Poutine a demandé à rejoindre l’OTAN. C’est ce que rapporte le Guardian :
« George Robertson, ancien secrétaire travailliste à la défense qui a dirigé l’OTAN entre 1999 et 2003, a déclaré que Poutine avait clairement indiqué lors de leur première rencontre qu’il souhaitait que la Russie fasse partie de l’Europe occidentale. ‘Ils voulaient faire partie de cet Occident sûr, stable et prospère dont la Russie était exclue à l’époque’, a-t-il déclaré. »
Le député travailliste s’est souvenu d’une première rencontre avec M. Poutine, qui est devenu président de la Russie en 2000. M. Poutine lui a dit : « Quand allez-vous nous inviter à rejoindre l’OTAN ? »
La Russie n’a jamais été autorisée à rejoindre l’OTAN. Au lieu de cela, « l’Occident » a marché vers l’Est. Tous les avertissements de Poutine… et toutes les tentatives de trouver une solution non violente… ont été repoussés par les Etats-Unis.
Finalement, les régions russophones situées à l’est du Dniepr ont cherché à obtenir leur indépendance de l’Ukraine (où leur langue avait été interdite)… et la Russie a estimé qu’elle devait agir.