La Chronique Agora

Quand Eve débarque en politique

Le 1er novembre, Christine Lagarde a pris le relais de Mario Draghi à la BCE, c’est-à-dire là où les choses sérieuses se passent.

Avec l’arrivée du coronavirus, la Banque centrale européenne est confrontée à ce qui est sans doute le plus grand défi de son histoire : comment Christine Lagarde – dont on nous a rebattu les oreilles qu’elle allait « imposer son propre style » à la tête de l’institution – va-t-elle réagir ?

Pour s’en faire une petite idée, il vaut la peine de se pencher sur l’ensemble de son parcours…

Christine Lagarde s’est fait une spécialité de briser les plafonds de verre

En 25 ans de carrière au sein du cabinet d’avocats d’affaires Baker McKenzie, cette fille d’enseignants a réussi l’exploit de devenir la première femme et première personnalité non américaine à gravir tous les échelons internes, pour devenir présidente du comité exécutif mondial de la société à Chicago.

En prenant la tête de l’un des plus grands cabinets du monde, celle qui a débuté sa carrière en tant que simple avocate en 1981 est devenue en 2002 la cinquième femme d’affaires la plus influente d’Europe, selon le Wall Street Journal Europe, avant d’être repérée par Jean-Pierre Raffarin (premier ministre entre 2002 et 2005) qui l’a convaincue de quitter Chicago pour Paris en 2005.

Sans pour autant jamais avoir été élue au suffrage universel, Christine Lagarde a été propulsée au poste de ministre déléguée au Commerce extérieur (2005-2007), puis de ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (2007-2011), après un bref passage par le ministère de l’Agriculture et de la Pêche.

Avant d’avoir son rond de cuir à Francfort, elle a bien sûr succédé à Dominique Strauss-Kahn en tant que directrice générale du Fonds monétaire international (2011-2019).

Première femme n°1 de Baker McKenzie, première femme ministre de l’Economie des Finances d’un pays du G8, première femme à la tête du FMI, première femme à la tête d’une banque centrale du G8 – c’en est à se demander si Christine Lagarde ne serait pas la réincarnation d’Eve, la « mère de l’Humanité ».

Ce tableau n’est cependant pas exempt de toute ombre puisque Christine Lagarde est également la première femme ministre à avoir été condamnée en décembre 2016 pour « négligence » par la Cour de justice de la République française… mais dispensée de peine en raison de sa « personnalité » et de sa « réputation internationale ».

Et l’économie, dans tout ça ?

Bref, Christine Lagarde est une femme d’affaires de premier plan doublée d’une politique d’exception. On ne peut cependant pas en dire autant en matière d’économie.

En effet, Christine Lagarde est aussi la première patronne de la BCE à ne pas avoir dirigé de banque centrale nationale.

On a beau être intelligent et avoir derrière soi un parcours exceptionnel, quand on traite d’un sujet que l’on ne connaît pas ou que l’on part d’un postulat erroné, on a vite fait de débiter des âneries. De la même manière que le génial mathématicien Cédric Villani est à côté de la plaque lorsqu’il défend les tambouilles étatistes à toutes les sauces, Christine Lagarde a vite fait de raconter n’importe quoi lorsqu’il s’agit d’économie.

Ainsi, l’ancienne ministre de l’Economie déclarait-elle le 20 août 2007 que « le gros de la crise est derrière nous », juste avant que la crise des subprime ne mette le système financier mondial sens dessus dessous.

Par ailleurs, Christine Lagarde tire une grande fierté de son action au FMI. La presse a en effet dressé un bilan largement positif de son passage à Washington. Voici par exemple ce qu’en disait Le Figaro en juillet dernier :

« Son arrivée à la tête du FMI, en 2011, est aussi une surprise alors qu’on s’attendait à un économiste pour prendre la suite de Dominique Strauss-Kahn. Mais son inexpérience des grandes institutions ne lui a pas empêché d’être reconduite à son poste en 2016 avec un bilan plutôt favorable. »

« Merci aux services du FMI pour ces 8 années de travail commun. Vous êtes le cerveau et le cœur de cette grande institution. »

Cependant, que diable mettre à l’actif de cette institution dont l’action s’est résumée sous Christine Lagarde à prôner des taux aussi bas que possible, tout en déplorant les conséquences dramatiques de la NIRP en matière d’endettement ? L’énergie déployée pour imaginer de nouvelles techniques de spoliation des épargnants, peut-être ?

Bref, sur le plan économique, Christine Lagarde ne casse pas trois pattes à un canard. Notez que le 2 juillet, lors de l’annonce de sa nomination en tant que grand argentier européen, cela n’a pas empêché Emmanuel Macron de faire une blague d’un genre dont il a le secret. Il a déclaré :

« L’analyse à l’unanimité du Conseil a été que les capacités, les compétences de Mme Lagarde la qualifient totalement pour ce poste. »

En réalité, comme le rappelle Le Figaro :

« Pour la BCE, c’est encore son inexpérience qui est pointée du doigt. Les trois premiers présidents de la BCE (Duisenberg, Trichet et Draghi) sont tous passés par la case banque centrale de leur pays. Pas elle. »

Au final, même si elle a raté deux fois l’ENA, Christine Lagarde est avant tout une politique dans la plus grande tradition française du terme : technocrate et keynésienne. Elle n’a rien d’« une des grandes penseuses de l’économie », comme l’a rappelé une stratégiste américaine lors de sa nomination.

Dans un prochain billet, nous verrons que cela ne lui posera cependant aucun problème dans son nouveau rôle de grand argentier de la Zone euro.

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