Les guerres commerciales lancées par Trump ont montré que le protectionnisme n’entraîne aucun avantage économique palpable. Il ne sera pas plus utile pour le secteur de l’automobile européen.
Dans un précédent article, en janvier, je vous avais parlé de la « souveraineté numérique » telle qu’expliquée par Emmanuel Macron. En lisant cet article, vous auriez pu penser que je n’avais que très peu relié son concept de souveraineté stratégique au protectionnisme (même si d’autres exemples suggèrent que Macron est effectivement protectionniste). Si vous aviez encore des doutes, le président français vient de les dissiper.
Dans ses récentes déclarations, M. Macron appelle à la « souveraineté » européenne dans le secteur automobile. Son problème : les sociétés de location de voitures en Europe n’achètent pas suffisamment (à son goût) de modèles européens. Les constructeurs automobiles américains et les fabricants chinois sont plus performants que le marché européen, ce qui chagrine le dirigeant français.
Qui est protégé ?
Il a expliqué sa position sur le plateau de France 2 :
« Il nous faut un Buy European Act comme les Américains ; il faut réserver [nos subventions] à nos industriels européens. […] Vous avez la Chine qui protège son industrie, les Etats-Unis qui protègent leur industrie et l’Europe qui est une maison ouverte. »
En 2017, Macron avait fait pression pour mettre en place ce qu’il a appelé le « Buy European Act » (loi pour acheter européen) pour les marchés publics, qui s’appliquerait aux entreprises ayant plus de la moitié de leur production au sein du bloc européen. Mais il a été contraint d’abandonner l’idée face à l’opposition de Bruxelles.
Je viens d’un pays, le Luxembourg, qui ne produit pas et n’a jamais produit de voitures ; alors peut-être suis-je incapable de comprendre l’attachement nationaliste à une marque de voiture locale. Mais, ce qui est le plus affligeant, c’est de considérer que l’Europe devrait s’engager dans une autre guerre commerciale avec le reste du monde pour des voitures.
Si des pays comme les Etats-Unis ou la Chine sont soupçonnés de favoriser injustement leurs industries, alors la France doit s’en saisir au niveau de l’OMC, et non essayer d’imiter leurs politiques au sein de l’Union européenne.
Le protectionnisme nous est souvent vendu comme un devoir de protéger nos industries, mais, en pratique, il nuit fortement aux consommateurs. Nous avons besoin de choix sur le marché pour prendre des décisions éclairées pour notre confort et notre porte-monnaie. Réduire le nombre de concurrents ne fera qu’empirer les choses. La notion de souveraineté européenne d’Emmanuel Macron devrait viser à créer un environnement commercial favorable à l’innovation, et non à servir de tremplin à une nouvelle guerre commerciale.
L’Europe a connu de nombreux problèmes ces dernières années, mais l’un des moins visibles, et pourtant important, est celui de la pénurie de puces. Lorsque les chaînes d’approvisionnement sont perturbées, l’industrie est désorganisée. Cela a été le cas en Europe et aux Etats-Unis.
Le problème de l’électrique
L’Union européenne ayant l’intention d’interdire la vente de nouvelles voitures à essence d’ici 2030, d’énormes opportunités de marché vont se présenter pour les vendeurs du monde entier ; car l’Europe est à peine capable de répondre à la demande de ses propres marchés. Certains prétendront également que l’Europe sous-estime la valeur des véhicules à hydrogène dans cette équation.
En outre, l’infrastructure de recharge nécessaire pour faire fonctionner les voitures électriques n’existe tout simplement pas. Si des pays comme les Pays-Bas fournissent de nombreuses stations de recharge électrique, d’autres sont à la traîne, ce qui risque de rendre le marché de l’occasion pour les voitures à essence plus important dans les prochaines années qu’il ne l’a jamais été auparavant.
Schmidt Automotive Research prévoit que les ventes de véhicules électriques à batterie bondiront cette année dans l’Europe de l’Ouest, pour atteindre 1 575 000 unités, soit une part de marché de 14%, contre 11% l’an dernier. Selon ces mêmes estimations, cette proportion atteindrait 14,5% en 2023 et 15% en 2024, soit 1 950 000 véhicules.
Bernstein Research prévoit de son côté que toutes les ventes électriques en Europe représenteront 14% du marché cette année, 27% en 2025 et 50,5 % en 2030.
L’accélération actuelle des ventes de véhicules électriques à faible consommation est le fait d’adeptes précoces et aisés, convaincus de l’importance de l’énergie électrique et de tout ce qu’elle peut apporter à la planète. Ils achèteront probablement une Tesla, une Volkswagen, une Hyundai ou une Kia électrique sans trop y penser, malgré des prix élevés. Cela ne sera pas le cas lorsque des acheteurs réguliers, aux revenus moyens, voudront acheter une nouvelle voiture.
Le protectionnisme ne résoudra guère ce problème ; il ne fait que s’ajouter à la grande ironie de la situation. D’un côté, le gouvernement interdit votre véhicule à essence et, de l’autre, il rend l’achat d’une voiture électrique plus coûteux pour vous, puisqu’il a l’intention d’appliquer des tarifs douaniers.
Les politiques de Donald Trump ont montré qu’une guerre commerciale mondiale n’entraîne aucun avantage économique palpable pour l’un ou l’autre camp. En fait, elle a rendu le monde occidental plus vulnérable à l’influence des intérêts économiques chinois. Faciliter la création de l’industrie manufacturière en Europe devrait être le facteur clé pour les décideurs à Bruxelles et à Paris, mais ils sont occupés à marquer des points politiques à bas prix par une réflexion économique à court terme.