Tandis que certains prônent une escalade du soutien militaire pour repousser les forces de Vladimir Poutine, d’autres estiment qu’il est temps de privilégier la diplomatie pour éviter une guerre prolongée aux conséquences catastrophiques.
Au mois de juin dernier, le président Joe Biden et plusieurs hauts responsables américains et européens se sont réunis en Normandie pour assister à une cérémonie commémorant le 80e anniversaire du Débarquement.
Au cours de son discours, Biden a décrit le Débarquement comme le début d’une « grande croisade pour libérer l’Europe de la tyrannie », avant de faire le parallèle avec la situation actuelle en Ukraine.
Biden a qualifié le président russe Vladimir Poutine de tyran qui a envahi l’Ukraine simplement parce qu’il est « obsédé par la domination ». Biden a ensuite répété son argument habituel en faveur d’un soutien logistique à l’Ukraine, affirmant que si l’Ukraine tombe, son peuple sera asservi, ses voisins seront exposés à un risque d’agression immédiat et toute l’Europe sera menacée par les ambitions expansionnistes de Poutine.
Mais la description de Poutine par les dirigeants occidentaux comme d’un tyran obsédé par la conquête du continent européen a perdu un peu plus en crédibilité le mois dernier lorsqu’il est apparu que le président russe souhaite l’arrêt des combats et l’ouverture de négociations autour d’un accord qui délimiterait la nouvelle frontière au niveau de la ligne de front actuel.
Poutine s’est montré ouvert à un accord de paix alors même que l’armée russe est dans une position de force et devrait continuer de progresser. La contre-offensive ukrainienne, longtemps attendue l’année dernière, était censée chasser les forces russes du territoire ukrainien. Mais depuis le lancement de cette contre-offensive l’été dernier, l’Ukraine a perdu plus de territoire qu’elle n’en a regagné.
Récemment, les Russes ont même lancé une nouvelle offensive dans le nord-est du territoire ukrainien, autour de la ville de Kharkiv, un territoire qui avait déjà été repris par les Ukrainiens à la fin de l’année 2022.
Les champs de mines, l’artillerie et les bombes planantes dévastatrices de la Russie n’ont pas seulement empêché les forces ukrainiennes d’avancer, mais les ont également obligées à lutter pour maintenir leurs positions le long de la ligne de front actuelle. En parallèle, la Russie a considérablement augmenté sa production d’armement, bien plus que l’Occident. Bien qu’un tel effort de guerre soit délétère pour l’économie russe à long terme, il garantit que l’intensité des bombardements et des tirs d’artillerie russes ne cessera pas de sitôt.
Dans le même temps, le gouvernement ukrainien fait face à une grave pénurie de soldats qu’aucune aide étrangère ou transfert d’équipement ne pourra atténuer. Au début de cette année, le parlement ukrainien a adopté une loi visant à accroître le nombre de conscrits en facilitant la recherche et l’identification des hommes aptes au service militaire.
Mais le problème persiste, poussant les responsables ukrainiens à aller jusqu’à mobiliser les prisonniers, à supprimer l’accès aux services consulaires pour les hommes ukrainiens en âge de servir vivant à l’étranger et à interdire aux hommes ayant la double nationalité de quitter l’Ukraine. Les jeunes hommes disponibles pour combattre étant de plus en plus rares, l’âge moyen d’un soldat ukrainien a grimpé à quarante-trois ans.
La situation de l’Ukraine est d’autant plus tragique qu’elle aurait pu être évitée facilement. Un mois après l’invasion de la Russie au début de l’année 2022, les deux parties avaient conclu un accord de paix selon lequel la Russie devait retirer ses troupes du territoire ukrainien tel qu’il était délimité avant le début du conflit ; en échange de quoi, l’Ukraine devait renoncer à adhérer à l’OTAN.
Cet accord aurait pu mettre fin aux combats et rendre à Kiev le contrôle de l’ensemble des territoires que la Russie venait de saisir. Mais, selon les principaux négociateurs des deux pays belligérants, ainsi que des médiateurs hauts placés de divers pays qui cherchaient à faciliter les pourparlers, des représentants du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont convaincu les autorités ukrainiennes de renoncer à l’accord et de continuer à se battre.
Depuis lors, la position de l’Ukraine n’a cessé de s’affaiblir face à la Russie. De nombreux Ukrainiens ont été tués ou mutilés dans une guerre d’artillerie de plus en plus brutale. De son côté, la Russie est parvenue à prendre le contrôle définitif de territoires qu’elle avait précédemment accepté de rendre à l’Ukraine.
Malgré l’extension de la politique de conscription, l’Ukraine n’a pas suffisamment de soldats pour percer les lignes désormais parfaitement fortifiées de la Russie et encore moins pour chasser les forces russes de l’ensemble des territoires revendiqués par Kiev. Jusqu’à présent, les Ukrainiens ont réussi à empêcher les Russes d’avancer davantage et de s’emparer d’autres territoires que Moscou revendique désormais. Mais avec des effectifs en diminution, les forces ukrainiennes ne pourront pas tenir ces lignes indéfiniment.
Ainsi, accepter l’offre de la Russie de se mettre à la table des négociations est presque certainement la meilleure chance pour l’Ukraine de conserver les territoires qu’elle contrôle encore à l’est.
Mais au lieu de saisir cette opportunité, le gouvernement ukrainien ainsi que ses soutiens en Europe et aux Etats-Unis ont décidé d’enclencher une nouvelle escalade du conflit par des provocations risquées et stratégiquement inutiles.
Le président Biden et plusieurs autres chefs d’Etat européens ont récemment donné le feu vert à l’Ukraine pour utiliser les armes fournies par l’OTAN afin de mener des frappes en profondeur sur le territoire russe. A peu près au même moment, l’Ukraine a frappé deux radars russes d’alerte précoce en cas d’attaque nucléaire et a tenté d’en frapper un troisième plus en profondeur sur le territoire russe.
Et, comme si entraver la capacité de la Russie à s’assurer qu’elle ne soit pas menacée par une attaque nucléaire après avoir permis à l’Ukraine de tirer des missiles américains sur le territoire Russe ne suffisait pas, les Etats-Unis ont ensuite testé deux missiles balistiques intercontinentaux, les lançant depuis la Californie vers un atoll des Îles Marshall, à près de 7 000 kilomètres.
La Russie a également participé à cette escalade. Elle a mené des exercices militaires simulant l’utilisation d’armes nucléaires stratégiques en Biélorussie et a envoyé des navires de guerre ainsi qu’un sous-marin dans les Caraïbes. Les Russes ont également intensifié les bombardements et les frappes aériennes en Ukraine en réponse aux attaques sur leur territoire.
Rien de tout cela n’est nécessaire. Les frappes menées sur le territoire russe n’ont pas permis aux ukrainiens de remporter des victoires sur le champ de bataille. Et les radars d’alerte précoce russes que l’Ukraine a détruits n’étaient même pas dirigés vers l’espace aérien ukrainien. Cette escalade du conflit ne fait que prolonger les souffrances du peuple ukrainien tout en rapprochant un peu plus le monde d’un accident nucléaire catastrophique. Au lieu de fantasmer sur l’idée d’organiser une offensive contre la Russie de Poutine d’une ampleur similaire à celle lancée par les Etats-Unis lors la seconde guerre mondiale, Biden et ses alliés de l’OTAN devraient revenir à la réalité avant qu’il ne soit trop tard et accepter de trouver une solution à ce conflit par la diplomatie, pour changer.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.