Nous participons avec plaisir à toutes sortes de compétitions et, même sans participer directement, il est assez facile de soutenir une équipe. Pour en arriver à la guerre, en revanche, il faut beaucoup plus que cet esprit de compétition.
J’avais promis de vous expliquer les vraies raisons de l’ingérence des États-Unis dans le conflit qui sévit dans les steppes eurasiennes. Cela sera plus long que d’habitude mais nous continuerons à relier les points entre eux pour comprendre ce qui se passe.
« Pourquoi nous battons-nous ? » : nous avons posé la question hier et nous n’avons pas réussi à trouver de réponse convaincante. Les réponses les plus évidentes (protéger notre pays ou notre famille, sauver des vies, une question de principe, gagner de l’argent, etc.) ne conviennent pas.
Il faut donc reformuler la question : « Pour qui nous battons-nous ? »
Ainsi dit, les choses sont plus claires.
Liberté ou égalité
Ceux qui en profitent sont les élites américaines, pourries gâtées, corrompues et incompétentes. Plutôt que de s’occuper du pays… et d’éviter de flatter les bas instincts impérialistes du peuple américain… les élites ont rejoint une caste mondiale bien déterminée à poursuivre ses seuls objectifs. Connu aux quatre coins du monde comme « l’ordre mondial social-libéral », cet ordre n’a rien de libéral, pas dans le sens classique du terme qui promeut le libre-échange et la liberté d’expression.
Commençons par résumer des siècles d’histoire, de philosophie, la Bible et l’encyclopédie… Cliquez ici pour lire la suite.
Commençons par une vaste pérégrination dans laquelle nous résumerons des siècles d’histoire, de philosophie, la Bible et l’Encyclopædia Britannica en quelques paragraphes. (Les lecteurs qui pensent que nous « simplifions à l’excès » ont probablement raison !)
L’objectif d’égalité est une fraude. Il n’existe aucun individu qui veut être l’égal d’un autre. Nous voulons être supérieurs. Nous nous enorgueillissons de tout et de rien. Plus intelligent, plus malin, plus musclé, des dents plus blanches, une voiture plus tape-à-l’œil, plus vif d’esprit… Quoi que ce soit, cela fait de nous quelqu’un de meilleur, pas d’égal.
Ce désir de supériorité dérive probablement du désir de séduire le meilleur partenaire possible, mais il est inutile de nous attarder sur ce sujet.
Quelles que soient les raisons sous-jacentes à ce désir de supériorité, le fait est que nous sommes une espèce très compétitive. Nous essayons toujours d’avoir le dessus sur les autres. Nous voulons gagner des matchs, nous enrichir ou que nos ennemis prennent leurs jambes à leur cou, pétrifiés de terreur.
Les faits ou notre conjoint(e) plombent souvent notre volonté de puissance. Elizabeth est tellement compétitive qu’elle veut gagner même lorsqu’il s’agit d’un test sanguin. Elle est convaincue que son groupe sanguin O positif est meilleur que le groupe sanguin O négatif.
Lorsque nous participons à une dégustation de vin, elle se précipite pour nommer les arômes, pour identifier le terroir et pour deviner le millésime, tandis que son mari peine à faire la différence entre le vin rouge et le vin blanc. Puis, nous nous regardons dans un miroir ou nous montons sur une balance, et notre sentiment de supériorité disparaît.
Et la coopération dans tout ça ?
Mais au sein d’un groupe, il n’y a pas de limites.
Les humains ont découvert il y a longtemps qu’ils pouvaient être plus compétitifs en formant des groupes coopératifs plutôt qu’en se lançant tout seuls. Une tribu perdait. L’autre perdait. Un chef arpentait le champ de bataille en bombant le torse. L’autre jonchait le sol, mort.
L’ère moderne et civilisée a largement amplifié la coopération. Une petite troupe primitive équipée d’arcs et de flèches n’est pas de taille à lutter contre une grande armée équipée de drones et de Coca-Cola. La coopération moderne, qui repose sur le commerce, la confiance et l’argent fiable, est ce que permet la prospérité… Avec nos drones.
Dans le monde moderne, afin de gagner de l’argent et de se sentir supérieur, il faut fournir des biens et des services aux autres. Ainsi, le fabricant de drones essaie de fabriquer les meilleurs drones, non pas parce qu’il aime (ou déteste) son prochain, mais parce qu’il veut son argent. Le monde est rempli de gens qui essaient de faire le meilleur pain, de construire les ordinateurs les plus rapides et d’être le plus attirants possible en bikini… et ce n’est pas une mauvaise chose !
Mais la compétition prend bien des formes. Les sports d’équipe reproduisent les combats tribaux. Les supporters sentent la douce lueur de la gloire se refléter sur eux lorsque leur équipe remporte le SuperBowl. Et il n’est pas surprenant qu’ils envoient leurs enfants sur le champ de bataille même quand il n’y a aucun enjeu véritable, si ce n’est le besoin de se sentir supérieur.
Oui, cher lecteur, le monde est à la fois cruel et merveilleux. Et la foule, souvent hystérique, animée d’une volonté de compétition et facilement manipulable, est comme chacun d’entre nous : ni bonne ni mauvaise, mais toujours influençable.
La voix de la raison
C’est la raison pour laquelle il est important d’avoir des élites intègres. Les élites sont supposées être avisées. Elles sont censées être la voix de la raison, de la délibération calme et de la mûre réflexion. Elles sont censées savoir que nous sommes tous des idiots et doivent faire tout leur possible pour nous réfréner.
Au lieu de cela, au XXIè siècle, les élites américaines ont mené les campagnes les plus stupides et les plus hystériques de l’histoire des Etats-Unis. Nous avons à peine le temps de nous extirper de la dernière hystérie en date que les élites nous plongent dans une nouvelle.
Oui, le complexe militaro-industriel de l’empire a besoin d’un coup de fouet, et rien ne vaut une petite guerre entre la Russie et l’Ukraine pour y parvenir. Les Etats-Unis auraient parfaitement pu rester à l’écart de ce conflit. Mais le système actuel est une belle arnaque. Les élites inventent une grande menace à chaque fois, et chaque nouvelle campagne leur rapporte plus d’argent et consolide leur pouvoir.
En attendant, la situation de l’Américain lambda se dégrade. Le moindre centime dépensé est pris de sa poche, d’une manière ou d’une autre. Pas de la poche de Wall Street. Pas de la poche de Washington. Mais de la poche des gens qui triment. Des gens qui font des choses de leurs dix doigts et qui s’efforcent de satisfaire les clients. Chaque nouvelle folie leur fait perdre de l’argent. Et de la liberté.
Et la liberté n’est pas qu’un concept abstrait. Il s’agit de la capacité de décider. Où vivre, quoi faire, comment dépenser son argent et comment vivre sa vie. Si vous privez un individu de sa capacité à prendre des décisions, il ne disparaît pas. Il se tourne vers un nouveau décideur.
Qui ? Oui, qui ? De qui s’agit-il ? Les élites libérales occidentales. Plutôt que de réfréner et de canaliser les pulsions barbares des foules furieuses, ils alimentent une nouvelle hystérie et l’utilisent pour capter plus d’argent et plus de pouvoir.
La perte de liberté est quelque chose de difficile à mesurer. Pas la perte d’argent.
La fortune des 1% les plus riches a triplé au cours des 20 dernières années. C’est une performance sans équivalent. Le deuxième groupe le plus riche (de 91% à 99%) a multiplié par deux son patrimoine. Tous les autres stagnent.
En d’autres termes, les élites en profitent. Les autres, non.