Les sanctions envers la Russie ont officiellement été renforcées ce dimanche 8 mai. Mais au-delà des sanctions et contre-sanctions, ce qui peut inquiéter au plus haut point les marchés, c’est que rien de ce qui précède ne semble « transitoire »…
Les dirigeants des pays du G7 se sont réunis en visioconférence ce dimanche 8 mai à l’initiative du président américain Joe Biden, non pour célébrer le 77ème anniversaire de la victoire sur le Nazisme mais pour doubler ou tripler l’épaisseur du Rideau de Fer économique visant à isoler la Russie.
Nous prenons conscience qu’à l’image du Rideau de Fer soviétique, qui fut constamment renforcé de 1946 à 1961, les 1ères sanctions imposées par l’OTAN et leurs alliés européens dès le 2 mars dernier étaient de simples barbelés en regard du dispositif jamais déployé à l’encontre d’une nation belligérante mis en place ces 2 derniers mois (et rien d’équivalent contre la Russie lors de l’invasion de l’Afghanistan, ou contre l’Arabie qui bombarde le Yemen depuis 6 ans).
Et pourtant, ce furent dès l’origine les sanctions les plus dures jamais prises contre un pays, surpassant de très loin le bannissement de l’Iran pour cause d’ambitions nucléaire, ou celle de la Corée du Nord pour des raisons identiques (sans succès : la Corée du Nord possède bien l’arme atomique depuis 2006 et s’apprêterait à faire détonner une nouvelle charge avant la mi-mai, une nouvelle bombe à hydrogène bien plus puissante que celle de 250 kilotonnes expérimentées en 2017).
Les dirigeants du G7 viennent de décréter l’embargo sur les derniers produits de haute technologie à usage potentiellement militaire qui y avaient échappé jusqu’à présent. Embargo imminent sur du matériel destiné à l’industrie nucléaire (ce qui pourrait concerner les turbines Arabelle d’Alstom). Embargo également sur le recours aux cabinets « experts » occidentaux (tels que McKinsey, Boston Consulting Group, « E&Y », Accenture, Cap Gemini, etc.).
Interdiction pour des entreprises russes de faire de la publicité dans les pays appliquant des sanctions, interdiction symétrique pour nos entreprises de jouer le rôle d’annonceurs dans les médias russes qui vont également se voir interdit de relayer « la propagande du Kremlin » (traque et bannissement des « sites de désinformation » sur nos réseaux sociaux).
Puis – et c’est peut-être ce qui va impacter le plus lourdement les prix de l’énergie – le bannissement de Swift et des autres systèmes de transaction internationales des dernières banques russes « systémiques » encore en mesure de servir d’intermédiaires entre les entreprises européennes et des fournisseurs de gaz russe.
Tout le monde pense évidemment à Gazprom Bank qui permettait encore à nos industriels régler leurs achats en $ et en E, et moyennant un tour de passe-passe juridique, de bénéficier d’un label « paiement en rouble », afin de contourner l’interdiction d’utiliser la devise par Bruxelles et Washington.
Rien n’est transitoire
Mais au-delà des sanctions et contre-sanctions, ce qui peut inquiéter au plus haut point les marchés, c’est que rien de ce qui précède ne semble « transitoire », à la différence des sanctions contre l’Iran qui pourraient être levées en cas d’engagements « convaincants » de renoncer au nucléaire militaire (nouveaux pourparlers cette semaine en Téhéran et un « coordinateur » de l’UE).
A chaque fois que l’OTAN et ses alliés rajoutent des sanctions, il n’est jamais fait état d’un possible retour en arrière, même si la Russie se retirait d’Ukraine et des provinces « rebelles » du Donbass (livrées à des bombardements « nationalistes » incessants depuis la mi-février, en violation des accords de Minsk, dans un silence médiatique assourdissant).
Même si Poutine capitulait, cela ne changerait apparemment rien : l’Europe va manquer durablement de gaz, de palladium, de nickel, de gaz néon… et peut-être plus grave encore, d’engrais (nous ne mourrons pas de faim mais nous serons incapables d’en exporter suffisamment vers les pays en déficit vital de céréales).
Les Etats Unis espèrent ouvertement engendrer un changement de régime en Russie sous la pression populaire.
Cette stratégie s’avère un échec depuis plus d’une décennie face à l’Iran, face à la Corée du Nord (depuis les années 60) : plus Washington prétend miser sur le mécontentement général et susciter de l’animosité contre les dirigeants, plus ces pays font bloc face aux USA.
Les régimes totalitaires ont beau jeu de dénoncer les « ingérences intolérables » et « les agressions impérialistes ».
Et ce genre de victimisation sur fond « d’ennemi extérieur » fonctionne encore parfaitement en 2022 pour qui n’a pas d’autre source d’information que la propagande officielle.
La révolte « spontanée » des Peuples ne suffit pas à renverser les tyrans… c’est pourquoi l’écrasante majorité des « coups d’état démocratiques » des 50 dernières années (Amérique du Sud, Afrique, printemps Arabes) ont été orchestrés par des puissances étrangères (enfin… une en particulier).
Cela n’avait pas encore été tenté avec la Russie… mais qui ne tente rien n’a rien !