La Chronique Agora

On ne peut pas imprimer le temps

Les autorités monétaires ont fait un beau gâchis avec l’économie, tout simplement parce qu’elles n’y comprennent rien. Il faut dire que c’est un peu plus compliqué que ce qu’on apprend à l’école…

La volatilité boursière augmente ; chaque gros titre ou tweet au sujet de la guerre commerciale semble provoquer un tic nerveux des marchés.

En ce qui nous concerne, nous sommes d’avis que M. Trump veut passer un accord avec la Chine, proclamer la victoire et gagner l’élection en 2020.

Mais les guerres peuvent prendre leur indépendance ; M. Xi ne voudra peut-être pas jouer le jeu.

En attendant, les investisseurs ont appris qu’anticiper les mouvements de la Réserve fédérale peut rapporter gros.

Ils pensent que la banque centrale américaine va réduire les taux – et probablement organiser un round d’assouplissement quantitatif. Cela pourrait signifier une nouvelle hausse des marchés… avant que n’arrive l’inévitable vague de baisse.

Comme toujours, personne ne sait rien.

Telles sont les perspectives immédiates – mais prenons un peu de recul…

Erreurs et faux pas

Nous avons commencé à écrire ces notes il y a 20 ans environ. Jusque-là, nous nous concentrions principalement sur la construction de notre petite société de presse.

Nous n’y connaissions pas grand’chose en économie.

Nous avons donc simplement fait preuve de bon sens et tenté de relier les points entre ce qui se passait dans le monde financier et ce que nous pouvions apprendre en lisant les grands économistes classiques – Smith, Bastiat et co.

Oh, comme nos pauvres lecteurs patients ont dû frissonner, entre nos erreurs et nos faux pas. Nous avions parfois tort, parfois raison… mais nous doutions toujours.

Petit à petit, les points ont commencé à dessiner quelque chose. Nous n’en savions pas plus qu’eux. C’est donc avec eux que nous avons découvert le monde de l’économie.

Cela a pris du temps.

On ne peut pas vraiment développer une vision sensée ou utile d’une économie en passant quelques années à l’école ou dans une bibliothèque.

Une économie est bien plus compliquée que ça. C’est une chose naturelle… et, comme toutes les créations de la nature, elle est infiniment complexe… un tableau vaste et détaillé qui ne peut être entièrement traduit en chiffres, ni réduit à seulement deux dimensions.

Ce n’est pas seulement une question d’offre et de demande… de vente et d’achat… de croissance ou de récession. Et « l’agent économique » en son centre n’est rien d’autre qu’une fiction élaborée par un simplet.

En théorie, cet « agent » est censé calculer rationnellement où et comment obtenir le meilleur pour lui.

En pratique, on a affaire à de vrais gens… chacun étant un bouillon de préjugés, de malentendus et de contradictions.

Un bon coup de poing dans la figure

Pour commencer à comprendre l’économie, il faut plus que des livres et des théories. Il faut de la poésie, de la psychologie et (comme l’a remarqué Mike Tyson) un bon coup de poing dans la figure de temps en temps.

Dans notre cas, nous portions encore les ecchymoses causées par une entreprise à laquelle nous travaillions depuis plus d’un quart de siècle.

Elever six enfants et faire fonctionner une petite ferme a bien aidé aussi (vous pouvez vous en tirer avec quelques c***eries lorsque vous parlez à des adultes pleins de bonne volonté, mais les conjoints et enfants voient tout de suite clair dans votre jeu).

Les économies n’existent pas dans le vide… pas plus qu’elles ne prennent forme à partir de l’imagination d’un universitaire ou des promesses d’un politicien.

C’est pour cela qu’une bonne quantité de ce que disent les économistes universitaires (qui souvent n’ont pas la moindre idée de la manière dont est créée la richesse réelle)…

… ou les politiciens (qui ont passé leur vie entière à détruire la richesse plutôt que d’en créer)…

… ou les brasseurs d’argent de l’industrie financière (qui veulent dépouiller les investisseurs de leur argent)… est si puéril et creux.

Des idées idiotes

L’une des idées idiotes qui fait les gros titres actuellement, par exemple, est que les gouvernements devraient profiter des taux d’intérêt ultra-bas pour emprunter de l’argent et « l’investir ».

De respectables économistes y croient. Les démocrates y croient. Les républicains y croient. Et le public y croit aussi.

« Même si cela ne produit que des rendements très bas », disent-ils, « cela rapportera à long terme ».

Quiconque a déjà fait partie du vrai monde de l’investissement sait qu’on peut faire faillite de nombreuses fois avant que le long terme n’arrive enfin. Ce n’est pas parce que les taux d’intérêt sont bas que vous n’allez pas perdre beaucoup d’argent sur un projet idiot.

Générer un profit, c’est dur. Tout le monde est contre. Les employés veulent des salaires plus élevés. Les fournisseurs veulent des prix plus hauts. Les clients veulent des prix plus bas. C’est presque un miracle qu’il reste quelque chose.

On n’attend pas des gens qui travaillent sur les chaînes de montage qu’ils sachent comment leurs employeurs font des profits. Mais souvent, les dirigeants d’entreprises eux-mêmes n’en ont pas non plus la moindre idée. En fait, même les entrepreneurs les plus diligents et les plus intelligents ne sont souvent pas capables de reconnaître les faiblesses évidentes de leurs propres business plans.

Quant aux investisseurs, quand ils ont le vent en poupe, ils mettront leur propre épargne durement gagnée dans les montages les plus ridicules qu’on ait vus… et perdent jusqu’au moindre centime lorsque ces tuyaux percés s’effondrent.

Des fonctionnaires – sans la moindre expérience de vraies entreprises ou d’investissement, qui ne jouent pas leur propre peau, n’ont aucune incitation à produire des profits, ignorent tout secteur qu’ils abordent et doivent tenir compte d’objectifs conflictuels n’ayant rien à voir avec le fait d’obtenir un retour sur investissement décent – ont très peu de chances de réussir.

Il est bien plus probable que ce fonds « d’investissement » sera complètement gâché.

Autant essayer ?

« Attendez », vous dira l’économiste… « quand le coût du capital est de zéro… quelle différence cela fait-il ? Autant essayer ».

Là encore, c’est faux. Le capital réel – l’épargne, le temps, les ressources – est précieux.

Les autorités peuvent peut-être imprimer une quantité infinie « d’argent », mais elles ne peuvent pas imprimer du temps. Et lorsque le temps (et autres ressources réelles) est gaspillé… il n’y a aucun moyen de le récupérer.

Evidemment, au début, on s’aperçoit à peine de la perte. On vit dans un pays riche, dans un monde riche. On peut se permettre quelques gabegies et gâchis.

Mais les sottises tendent à s’accumuler.

Les gens commencent à s’apercevoir que d’autres reçoivent de l’argent de la part d’un gouvernement imbécile : ils se mettent donc eux aussi à faire la queue.

Les allocations augmentent… les sottises se multiplient… et les gens s’appauvrissent.

Un avenir glorieux

Voici autre chose que l’on ne peut pas apprendre à l’école et que presque aucun politicien ou économiste professionnel n’admettra.

Un système économique n’est pas une machine. Il n’y a pas de leviers que l’on peut actionner pour qu’il fonctionne mieux. Il n’y a pas de boutons que les universitaires de la Fed puissent tourner.

Des avancées dans le séquençage de l’ADN ou les technologies de télécommunication peuvent produire des booms et des krachs dans une économie, mais elles ne changeront pas la nature de l’économie elle-même. Elles ne donneront pas non plus aux humains un moyen de la contrôler.

Une économie est un système moral.

Nous ne voulons pas dire « moral » au sens où vous irez en enfer si vous n’épargnez pas votre argent – mais moral dans le sens « la morale de l’histoire ».

Si l’on dépense plus que l’on gagne… qu’on emprunte trop… qu’on tire au flanc… qu’on gaspille ses ressources… qu’on falsifie ses prix… qu’on contrefait la monnaie… qu’on paie les gens à ne rien faire… qu’on déclare des guerres… qu’on bloque le commerce… et qu’on sur-réglemente… les choses finissent par mal tourner.

Cela a toujours été ainsi – et ça le restera.

Le monde technique avance peut-être vers un glorieux avenir de progrès éternel.

Le monde économique, lui, fait simplement le tour du quartier et glisse à chaque fois sur la même peau de banane.

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