La Chronique Agora

Zombies, bombes et anges gardiens

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Les nouvelles financières s’animent de nouveaux termes. La pression augmente sur le marché des obligations et il va falloir nous familiariser avec ces concepts.

Les nouvelles financières ressemblent à mon compte Netflix lorsque je me trompe et que j’ai choisi le mauvais film. La liste des vidéos recommandées est infestée de zombies, de bombes et d’anges gardiens.

La Banque des règlements internationaux alerte sur « l’augmentation du nombre d’entreprises zombies, » c’est-à-dire d’entreprises qui n’arrivent pas à rembourser leurs dettes avec leurs bénéfices.

Le légendaire gestionnaire de hedge funds Stanley Druckenmiller alerte, lui, sur les bombes :

« … Avec le resserrement monétaire, nous sommes à ce stade du cycle où les bombes explosent. Et jusqu’à ce qu’elles explosent sur les marchés développés, on pourrait croire que le resserrement continuera.

Et si le resserrement continue, les bombes continueront d’exploser… »

Quant au Financial Times, il a lancé un pavé dans la mare avec ce gros titre : « Tendances du marché : l’emploi italien — les ‘anges gardiens des obligations’ montrent leurs muscles. »

Ces trois avertissements ont un point en commun : les obligations – un emprunt que vous pouvez acheter et vendre sur les marchés financiers.

J’ai toujours voulu être un ange gardien des obligations. L’idée de tirer profit des conséquences désastreuses – et prévisibles – de promesses politiques me plaît beaucoup.

S’illusionner volontairement finira par poser des problèmes. Et il n’y a pas d’illusion volontaire plus forte que l’idée que le gouvernement peut résoudre vos problèmes. Qu’il s’agisse d’alcoolisme ou de croissance économique, le remède est toujours pire que la maladie lorsque vous demandez à un homme politique de trouver une solution.

Malheureusement pour moi, l’époque n’est pas propice aux anges gardiens des obligations. En fait, ils sont entrés en hibernation il y a 35 ans.

Chaque fois qu’ils se sont réveillés, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un faux printemps. Même lorsqu’ils ont eu temporairement raison et que les taux d’intérêt ont grimpé en flèche, les conséquences ont été ressenties au niveau des marchés actions, des marchés de devises et partout ailleurs mais très peu sur les marchés obligataires. En fait, à chaque crise, les gens revenaient vers les obligations comme valeurs refuge…

En outre, grâce aux banques centrales et aux renflouements publics, les anges gardiens des obligations n’ont pas été non plus très récompensés lors de leurs placements réussis. Comme les banquiers centraux utilisent le marché obligataire pour manipuler l’économie, les prix des obligations n’ont pas la liberté de chuter.

Les questions que nous posons aujourd’hui sont : cette situation est-elle sur le point de changer ? La prochaine bulle est-elle sur le point d’exploser ?…

Obligations : la bulle pourrait-elle crever ?

Depuis 35 ans qu’elle se gonfle, la bulle obligataire sera la plus grosse de l’histoire. Entreprises, Etats et même hypothèques via la titrisation, tout le monde s’auto-finance via les obligations.

Le problème est que les taux d’intérêt ne peuvent pas vraiment descendre encore plus bas. Toutefois, ils peuvent remonter. Et ça, c’est synonyme d’ennuis sur les marchés obligataires comme ailleurs.

L’Australian Financial Review (AFR) a décrit en termes compréhensibles ce que pourraient être les conséquences en Australie :

« PIMCO avertit que la hausse des coûts de l’emprunt augmentera les remboursements d’emprunts, qui passeront de 38% du revenu avant impôts à environ 48%, presque leur pire niveau de ces 20 dernières années. »

Le choc des taux d’intérêt a quelque chose d’incroyable.

D’autres articles de l’AFR ont pour titre « Les promoteurs poussent les hauts cris devant l’effondrement des prix immobiliers » et « 6 700 projets immobiliers bloqués au niveau des prêts. »

Mais ce n’est pas seulement les marchés australiens de la dette qui se resserrent. Selon Bloomberg, « le marché obligataire européen est victime de la volatilité, avec un troisième placement obligataire qui échoue en une semaine ». Une entreprise autrichienne, une entreprise allemande et une entreprise bahreïnie ont du retirer leur émission.

A travers le monde, les rendements obligataires ont récemment augmenté grâce à l’Italie, au président de la Réserve fédérale qui déclare qu’il voulait relever encore plus les taux, et à la Banque du Japon qui diminue son stimulus.

Si les obligations sont dans une bulle, il se peut qu’elle vienne d’éclater.

Ils ont tous refinancé leur dette et un seul a chuté

Le problème avec les obligations est que vous n’êtes, en quelque sorte, jamais obligé de les rembourser.

Cela semble sympathique mais en fait, ça ne l’est pas.

Je vous explique…

Au lieu de rembourser leur dette, les entreprises et les Etats ne cessent de renouveler leurs obligations. Ils empruntent de l’argent en émettant de nouvelles obligations pour rembourser les obligations arrivant à échéance. Dans les faits, ils ne les remboursent pas du tout.

A l’autre bout, les investisseurs ont tendance à imiter ce comportement, eux aussi renouvelant leurs investissements d’une obligation à l’autre.

Tout cela semble bel et bon. Comme si en fait il n’était pas obligatoire de rembourser ses dettes.

Comparons cela à un prêt immobilier.

Lorsqu’une banque vous prête de l’argent, c’est un poids de plusieurs dizaines d’années sur votre budget. Et vous finissez par rembourser la dette.

Lorsque vous financez votre entreprise sur le marché obligataire, c’est un processus constant, sans fin, de réévaluation et d’analyse. Vous êtes constamment mis à l’épreuve. Et tout le marché peut exprimer une opinion à votre sujet.

En tant que particulier, auriez-vous pu refinancer votre emprunt à tout moment de votre vie ? N’y a-t-il pas eu un mois durant lequel vous avez changé d’emploi ou au cours duquel vous avez eu un souci de santé assez sérieux pour inquiéter des créanciers potentiels ?

Le marché obligataire est beaucoup plus fragile qu’il ne semble. Et la pression augmente, en particulier sur le marché américain des obligations d’entreprises, selon Goldman Sachs. Plus de 1 300 milliards de dollars d’obligations d’entreprises américaines non financières arrivent à échéance entre aujourd’hui et 2020. D’ici 2023, les entreprises non financières américaines devront renouveler plus de la moitié de leurs dettes –3 000 milliards de dollars.

Tout le monde veut reconduire sa dette. Mais souvenez-vous, beaucoup sont des zombies. Et les taux d’intérêt augmentent.

Qui chutera ?

Qu’importe finalement, ce sera le début du plus gros défaut de l’histoire.

A moins qu’auparavant, un peuple ne demande une « remise de ses dettes », ne voulant même plus payer les intérêts de la dette.

 

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