La Chronique Agora

La Nouvelle dépression (1/2)

La crise du coronavirus a entraîné des mesures sans précédent de la part du gouvernement américain – mais leur portée et leur efficacité vont être limitée.

La réaction du gouvernement américain face à l’effondrement économique entraîné par la crise du coronavirus et par les mesures de confinement est sans précédent en termes de portée et de dimension.

Les Etats-Unis ont un déficit budgétaire de base d’environ 1 000 Mds$ sur l’exercice fiscal 2020. Fin mars, le Congrès US a augmenté cette somme de 2 200 Mds$ dans le cadre de son premier plan de sauvetage.

Un deuxième plan de sauvetage a été voté, avec 500 Mds$ d’aides supplémentaires. Une autre loi devrait intervenir prochainement – et encore creuser ce déficit de 2 000 Mds$.

Si l’on additionne le déficit de base, les lois adoptées et la législation prévue, cela porte le déficit budgétaire américain de 2020 à 5 700 Mds$, soit plus de 25% du PIB, et cela fait bondir le ratio dette/PIB américain à 130%, après prise en compte de la perte de rendement (6 000 Mds$ sur une base annualisée).

Cela place les Etats-Unis exactement au même niveau que la Grèce, le Liban et le Japon, dans la catégorie des pays les plus endettés du monde. Le précédent record d’endettement des Etats-Unis remonte à la fin de la Deuxième guerre mondiale, avec 120% du PIB.

La Réserve fédérale imprime également de l’argent à une cadence sans précédent. Le bilan de la Fed affiche déjà 6 900 Mds$, par rapport aux 4 500 Mds$ de la fin du troisième trimestre 2015. Le premier plan de sauvetage comportait 454 Mds$ d’argent frais dédié à un mécanisme de financement spécifique (« SPV » : special purpose vehicle) géré par le Trésor américain et la Fed.

Comme la Fed est une banque, elle peut appliquer un levier sur ces 454 Mds$ de titres fournis par le Trésor, et les transformer en 4 540 Mds$ sur son bilan.

L’intention d’utiliser cette capacité de la Fed pour racheter des obligations d’entreprises, des junk bonds (obligations « pourries »), des prêts hypothécaires, des bons du Trésor, des obligations municipales – et accorder des prêts directs aux entreprises – a déjà été annoncée.

Une fois que la Fed aura accompli tout cela, son bilan pourrait atteindre les 10 000 Mds. Ainsi, ce sont 5 700 Mds$ de nouvelles dépenses financées par le déficit et 5 000 Mds$ d’argent frais que le Congrès et la Fed vont injecter dans cette crise.

A quel moment les investisseurs devraient-ils revenir ?

Voilà pour ce que l’on sait. On ignore, en revanche, à quel rythme l’économie va se redresser. La réponse à cette question déterminera si les investisseurs doivent envisager de revenir sur le marché actions, ou rester sur le banc de touche en anticipant qu’il va encore baisser beaucoup plus.

Il y a de bonnes raisons de penser que l’économie ne va pas se reprendre rapidement, et qu’une ère de faibles rendements, de chômage élevé et de déflation nous guette.

Voici pourquoi la reprise économique ne va pas s’accompagner d’une « demande refoulée » (tout ce que nous voulions mais ne pouvions pas acheter durant le confinement) et autres discours optimistes que nous entendons à la télévision.

La première raison justifiant que le marasme économique va persister se situe dans la perte de revenus des individus. Les indemnités de chômage et les prêts du plan de protection des salaires (« PPP ») ne couvrent qu’une infime partie de la perte de revenus provoquée par les licenciements, baisses de salaire, réductions des heures de travail et faillites d’entreprises, ou même ceux qui, en plus d’être au chômage, disparaissent totalement des statistiques de l’emploi.

En plus de la perte de salaire due aux licenciements et aux baisses de rémunération, beaucoup d’autres travailleurs vont perdre des revenus supplémentaires telles que les pourboires, bonus et commissions. Même les serveuses et les commerciaux ayant encore un emploi ne peuvent percevoir de pourboires et de commissions si les consommateurs n’achètent pas de repas, de biens et de services.

Une économie inextricablement interconnectée

Cela montre à quel point l’économie est interconnectée, de sorte que les problèmes d’un secteur se propagent rapidement aux autres.

Cette perte de revenus se propage ensuite au marché actions. Les personnes qui sont au chômage ou s’exposent à une baisse de revenu n’ont pas envie d’acheter des actions. Elles vont être trop occupées à simplement tenter de payer leur loyer, rembourser leur crédit, leur prêt auto et leurs relevés de carte de crédit.

Outre la perte de revenus chez les particuliers, il y a celle des entreprises, qui est massive. Non seulement le bénéfice par action des entreprises cotées va baisser au deuxième trimestre (et probablement au troisième trimestre), mais il sera même négatif.

Les pertes de revenu des entreprises engendreront également la baisse de l’évaluation des actions et une réduction des dividendes. La réduction des dividendes représente une source de perte de revenu supplémentaire, pour les investisseurs qui comptent sur les dividendes pour couvrir leur retraite ou leurs frais médicaux.

Des aides qui n’aident pas toujours…

Les plans tels que le PPP et autres prêts directs du gouvernement aux entreprises ne compensent ni de près ni de loin ces pertes directes décrites ci-dessus. Beaucoup d’entreprises ne sont pas qualifiées pour ces prêts.

Pour beaucoup d’autres, les prêts (qui se transforment en subventions) vont les aider un mois ou deux, mais n’offrent aucune solution permanente face à la perte de clientèle.

Pour d’autres entreprises encore, les prêts ne seront d’aucune aide, car elles n’ont pas assez de fonds de roulement. Elles mettront simplement la clé sous la porte et se déclareront en faillite. Cela signifie que les emplois au sein de ces entreprises sont définitivement perdus.

Ces événements simples (perte de revenus des particuliers, perte de revenus des entreprises, réduction des dividendes et faillites) génèrent une multitude de réactions en chaîne, comme nous le verrons demain.

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