Selon un indicateur bien précis – qui a des incidences sur l’investissement, l’emploi, la consommation, etc. –, une fenêtre de crise est en train de s’ouvrir : attention, danger…
Dans mon article publié en décembre 2020 intitulé « Le contraire de l’apocalypse », j’explique pourquoi les profits des entreprises vont monter fortement. Cette hausse est le résultat des aides de toutes sortes distribuées par les gouvernements.
Lorsque le gouvernement accroît ses déficits, par simple identité keynésienne de la comptabilité nationale, il y a des agents économiques qui, symétriquement, accroissent leurs excédents.
J’ai expliqué aussi que le déficit et les dépenses du gouvernement sont un effet d‘aubaine. Ils augmentent la demande, donc les chiffres d’affaires des entreprises, sans que ceci les oblige à distribuer des revenus et des salaires. On crée un pouvoir d’achat et des revenus tombés du ciel.
Le coût de production de la demande adressée à l’économie est supporté par le gouvernement… c’est-à-dire par la dette… c’est-à-dire par les générations futures si la dette n’est pas détruite.
La notion de coût de production de la demande est très importante mais personne ne l’utilise. On se demande bien pourquoi.
Quand vous exportez, vous pillez la demande des autres et vous leur faites supporter le coût de production de la demande adressée à votre système productif.
Réduction de l’effet positif
Comme je l’avais expliqué et prévu, les profits des sociétés ont monté fortement dès les largesses de 2020.
La période de reprise financée par le gouvernement touche à sa fin et l’effet positif se réduit tout à fait normalement – comme cela était prévu et prévisible.
Un rapport d’analystes de la Bank of America fait ressortir qu’il s’agit d’un phénomène mondial.
La décélération est forte et va se poursuivre, sauf si l’inflation persiste ou accélère considérablement.
Par ailleurs – et personne n’en parle non plus –, l’une des causes de l’inflation, c’est la volonté des entreprises de maintenir ou d’augmenter leur profitabilité : elles montent les prix pour gagner plus d’argent. On devrait reconnaître la tendance à défendre les profits comme un des facteurs de l’inflation.
La surproduction de capital/la suraccumulation augmentent la masse de capital en quête de profit dans le système. Cela peut inciter les détenteurs de ce capital à essayer d’améliorer leur profitabilité par la hausse de leurs prix.
La forte hausse de la Bourse – qui a quasi doublé depuis le début du Covid – a augmenté considérablement la masse de capital fictif. Cela signifie que le besoin de profit est encore plus considérable qu’avant ; le système est donc plus fragile. Pensez-y quand on vous dit, comme le sinistre Bruno Le Maire, que tout va bien !
Une fenêtre de crise
Vous savez que je considère les profits comme la variable clé pour expliquer le mouvement de l’économie, les investissements et l’évolution du capital.
La baisse du taux de profit est le meilleur indicateur de crise. La baisse du taux de profit a une incidence sur les investissements, sur l’emploi, puis sur les revenus, puis sur la consommation.
Le ralentissement ou la décélération des profits ne produisent pas nécessairement une crise, bien sûr, mais ils annoncent l’ouverture d’une période où les crises deviennent plus probables. Une fenêtre de crise en quelque sorte.
Les crises ne surviennent qu’après des périodes de rentabilité décroissante. Il y a une différence subtile ici : le taux de profit peut ne pas « déclencher » des crises, mais il les « prévoit ». Lorsqu’une crise survient (ou déclenche un marasme généralisé, par opposition à celles circonscrites au secteur financier), ce n’est jamais après une période de rentabilité en hausse. On l’a encore vérifié en 2008.
Je soutiens que le taux de profit est la seule mesure de prévision qui fonctionne car il conditionne des choses comme la dette, l’investissement, les taux de change, le taux d’intérêt, l’alchimie financière, les déséquilibres commerciaux, etc.
La tendance à l’érosion de la rentabilité ne permet pas de dire avec certitude quand une crise se produira, mais elle détermine simplement une chronologie, une séquence où une crise peut se produire à tout moment.
Ma conclusion : nous entrons dans une zone de danger, du type récession ou stagflation. Selon moi, Powell et la Fed commettraient une erreur – en termes de régulation de court terme – en resserrant la politique monétaire.
Je dis bien erreur de court terme, car pour le long terme c’est autre chose. Le long terme, c’est une autre histoire : c’est de l’Histoire !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]