La Chronique Agora

Les modèles d’après-guerre en Occident s’essoufflent

Les récents résultats électoraux annoncent que les modèles dominants de l’après-Seconde Guerre mondiale – Etat providence en Europe/Etat de guerre-providence aux Etats-Unis – sont à bout de souffle.

En France, les électeurs se sont retournés contre la coalition au pouvoir de Macron. En Allemagne, ils se sont détournés des sociaux-démocrates centristes et des chrétiens-démocrates en faveur d’alternatives plus extrêmes.

Anatol Lieven explique :

« Le centre de l’Europe ne tient plus

L’effondrement du gouvernement en France et de la coalition au pouvoir en Allemagne laisse présager des crises persistantes. »

Aux Etats-Unis aussi, les électeurs ont choisi « l’insurgé » Donald Trump, plutôt que Kamala Harris, approuvée par les médias.

Quelque chose de maléfique est-il en train de se préparer ?

Toutes les grandes nations du monde – Chine, Japon, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Allemagne – sont confrontées à une crise de la dette. Trop de dépenses, pas assez de recettes.

Aujourd’hui, la dette mondiale s’élève à 330 000 milliards de dollars, dont une grande partie ne sera jamais remboursée.

Les gouvernements les plus responsables tentent de réduire leurs dépenses. Mais ils n’y parviennent pas. Les principaux bénéficiaires – les riches – les sabotent. Puis, les victimes, qui en sont venues à dépendre de l’assistanat, les rejettent.

La tendance, vers plus de dette, plus de gouvernement et plus d’inflation, se poursuit jusqu’à ce qu’une mauvaise chose se produise, et que les flux d’argent soient coupés.

En France, les électeurs se sont détournés du centre et se sont rapprochés de la droite et de la gauche, chacun proposant des solutions plus radicales. En Allemagne également, l’Alternative pour l’Allemagne (droite) et l’Alliance de Sahra Wagenknecht (gauche) ont considérablement affaibli les partis les plus traditionnels.

Et, bien sûr, le parti républicain de Donald Trump n’a plus rien à voir avec l’ancien parti républicain conservateur et centriste de Robert Taft et Ronald Reagan. Il s’agit désormais d’un parti « populiste » qui combine des éléments de nationalisme et de socialisme à l’ancienne.

La « mauvaise chose » que nous pensons que ces résultats électoraux annoncent, c’est que les modèles dominants de l’après-Seconde Guerre mondiale – Etat-providence en Europe/Etat de guerre-providence aux Etats-Unis – sont à bout de souffle.

Il y avait quelque chose de frauduleux dans ces modèles depuis le début.

Dans les Etats-providence, la promesse était qu’en soutenant les élites dirigeantes, l’électeur obtiendrait plus du système qu’il ne pourrait le faire par ses propres efforts honnêtes et coopératifs. Cela semblait vrai tant que les populations augmentaient et que la technologie et le commerce accroissaient la productivité. Les jeunes générations, plus riches, pouvaient se permettre de subvenir aux besoins de leurs parents dans les règles de l’art. Les retraites, la valeur de l’immobilier, la couverture médicale… tout a augmenté. Mais tout cela était faux. Le gouvernement ne faisait que redistribuer la richesse, il ne la créait pas.

Puis, les taux de natalité ont baissé. Et les avantages de la révolution industrielle, qui a converti l’énergie thermique en énergie cinétique utile, se sont traduits par une baisse de l’utilité marginale (c’est-à-dire que le premier tracteur vous apporte un gros gain de productivité, mais pas le dixième).

Aujourd’hui, les jeunes se battent pour égaler la richesse de leurs parents, et non pour la dépasser. Et bien qu’Internet, Facebook, Google et l’IA aient promis plus de richesse, pour payer les factures, ils n’ont pas donné grand-chose. Les électeurs se sont donc retrouvés face à un fossé important entre ce qu’ils attendaient de leurs gouvernements et ce qu’ils en obtiennent réellement. L’austérité n’était pas ce qu’ils attendaient.

L’Etat de guerre américain, quant à lui, avait ses propres escroqueries. Il prétendait que les Etats-Unis étaient en danger imminent face à des ennemis étrangers et nationaux, et qu’ils ne pouvaient se protéger qu’en transférant d’énormes sommes d’argent à l’industrie de la puissance de feu. Plutôt que de miser sur un modeste budget de défense, il a démontré une volonté de « dominer l’ensemble du spectre », qui lui permettrait de s’immiscer dans n’importe quel conflit, où et quand il le voudrait.

Outre les coûts liés à la projection d’une force armée dans le monde entier, les Etats-Unis doivent également soutenir un vaste Etat-providence à l’intérieur du pays. Comme en Europe, les dépenses actuelles ne sont pas viables.

Pour éviter une catastrophe financière, les autorités fédérales doivent réduire leur budget annuel d’environ 2 000 milliards de dollars. C’est l’objectif de Musk et Ramaswamy. Mais pour y parvenir, il faut réduire à la fois la taille de l’Etat de guerre et de l’Etat-providence, le muscle militaire et la graisse civile.

Il est certainement possible de le faire ; Javier Milei nous le montre. En ce qui concerne l’Etat de guerre, il suffirait de réorienter les dépenses militaires vers la protection du territoire national au lieu de les répartir sur l’ensemble du globe. Quant à l’Etat-providence, les autorités fédérales pourraient simplement soumettre les bénéficiaires à des conditions de ressources, réduisant ainsi l’aide apportée aux personnes qui n’en ont pas vraiment besoin.

En théorie, il ne serait pas difficile d’équilibrer le budget et d’éviter un désastre fiscal. Mais est-ce possible sans qu’un « malheur » – guerre, dépression, hyperinflation, révolution ou catastrophe naturelle – ne survienne d’abord ? Est-il possible de le faire avant que les gens ne soient désespérés ?

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile