** Suite de l’entretien entre Keith Fitz-Gerald, du New China Trader et Jim Rogers, spécialiste des matières premières.
Q. (Keith Fitz-Gerald) : Pensez-vous qu’il y ait un espoir pour que les Etats-Unis s’en sortent, sous certaines conditions, ou le pays est-il condamné à devenir un perdant économique ?
Rogers : Historiquement, les pays qui se sont retrouvés dans ce genre de situations ne s’en sont sortis qu’après une crise ou une semi-crise, voire un énorme coup de chance.
Le Royaume-Uni s’en est sorti grâce à la découverte de la mer du Nord. Donnez-moi le plus gros puits de pétrole du monde, ou l’un des plus gros, et moi aussi je vous sors le pays de ce marasme. Si vous avez un gros coup de chance [vous pouvez échapper à ce genre de problèmes], sinon, personne n’a encore pu régler des problèmes de ce type sans passer par une gigantesque crise ou au moins une semi-crise.
Aux Etats-Unis, la plupart des gens ne sont pas conscients du problème !… Les USA ne réagiront pas tant que les choses n’iront pas très très mal.
D’autres proposent une réponse en disant que la chute du dollar rend les Etats-Unis compétitifs — réponse qui fonctionne à court terme. Mais aucun pays ne s’est jamais remis sur pied en faisant chuter sa devise, pas à long terme ni même à moyen terme.
De nombreux pays ont pensé trouver une solution en dévaluant leur devise. Mais ça n’a jamais fonctionné, si ce n’est à très, très court terme.
Q : Serions-nous en train d’assister à une décennie de pertes économiques semblable à celle que l’on a vue au Japon dans les années 1990 ?
Rogers : La Fed fait la même erreur que les Japonais à l’époque. Ils essayent de dire : "nous n’abandonnons personne. Nous allons imprimer beaucoup de devises. Nous allons baisser les taux d’intérêt à zéro. Et nous ne voulons pas que qui que ce soit fasse faillite. Nous poserons autant de pansements que nécessaire".
Sauf que poser des pansements sur un patient atteint de cancer n’a jamais été une solution.
Arthur Burns, qui dirigeait la Banque centrale américaine dans les années 1970, a fait exactement ce que Bernanke est en train de faire aujourd’hui. Il s’est précipité pour imprimer plus de devises en disant "oh, tout va s’arranger".
Mais l’économie ne s’est jamais remise, l’inflation a atteint des sommets et le dollar s’est retrouvé sous pression. Il leur a fallut appeler Paul Volcker à la rescousse ; les taux d’intérêt ont dépassé les 20%. Ils ont finalement tué l’inflation et résolu le problème.
[Les autorités actuelles] font exactement les mêmes erreurs que Burns en son temps. Pourtant, ce problème va durer bien plus longtemps que tous les autres aux Etats-Unis. Il va même certainement empirer.
Parce que, maintenant, les Etats-Unis sont un pays endetté. Nous sommes le pays le plus endetté du monde. Au moins, dans les années 1970, nous étions encore créditeurs. Le Japon a pu survivre parce qu’il était le plus gros créditeur à l’époque. Cela leur a permis de ne pas disparaître de la surface de la terre.
L’Amérique est aujourd’hui le pays le plus endetté que le monde ait jamais vu. Et l’avenir ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices…