Alors que le modèle énergétique européen est remis en cause, il est temps de faire preuve de « sobriété » en matière de sommes investies dans les marchés.
Nous souhaitons à tous nos abonnés une année 2023 où la « sobriété » ne sera qu’une manière judicieuse de préserver leur santé, sans baisser leur moral, sans éteindre l’espoir, sans décaler les occasions de passer de bons moments.
En ce qui nous concerne, 2023 démarre très bien, car nous sommes particulièrement fiers d’avoir pu répondre dès le 2 janvier à l’un des vœux présidentiels prononcés ce samedi 31 décembre au soir : Emmanuel Macron s’interrogeait face caméra : « Mais qui aurait pu prévoir une telle flambée d’inflation ? »
Et c’est sans hésitation que nous lui adressons un vibrant : « C’est nous ! »
Les causes de la crise
Restons modestes. Nous nous sommes juste donné la peine de relater l’impression de 4 000 Mds€ par la BCE en 18 mois, de faire le décompte des centaines de milliards du « quoi qu’il en coûte » élyséen pour « mener la guerre au Covid » (ça a quand même plus de panache que la stratégie des suédois qui n’ont rien confiné).
Nous avions également rendu compte de l’envol du prix du gaz, du pétrole, de l’électricité bien avant le début des hostilités en Ukraine. Le coût du MWh avait en effet fait des embardées vers 400 € dès l’automne 2021, au gré des annonces de mise à l’arrêt de réacteurs nucléaires pour maintenance et des fermetures pour cause d’avaries sérieuse sur les circuits d’eau pressurisée.
Tous les ingrédients d’une catastrophe énergétique étaient donc bien en place avant l’invasion de l’Ukraine.
Mais le problème de disponibilité de la ressource était presque anodin en comparaison du cauchemar tarifaire engendré par l’adoption il y a 11 ans du principe de mise en concurrence d’EDF par des entités parasitaires (avec un système de prix fixe baptisé ARENH).
Ces sociétés n’ont d’énergéticiennes (alternatives) que le nom, tandis que le système de fixation des prix dont elles ont profité est complètement ubuesque (alignement sur le coût du dernier mégawatt produit au gaz). Le tout n’attendait qu’un épisode de « tension » passagère sur la demande pour engendrer une explosion des prix n’ayant aucun rapport avec le coût moyen de production de l’électricité.
C’est tout le modèle économique européen – inspiré puis imposé par l’Allemagne en matière d’énergie – qui est remis en cause et voué à la ruine par le boycott du gaz puis du diesel russe.
L’Europe ne doit son salut depuis 15 jours qu’à une douceur du climat et des températures dépassant parfois les 20° sur la côte basque et les 18° à Belfort ou à Grenoble (au pied des Alpes, ou aucun enneigement n’est visible en-dessous de 1 600 mètres, avec la quasi-totalité des stations de moyenne altitude fermées (un record absolu en la matière) et aucune station ouverte dans les Vosges, le Jura, le Massif Central, le nord des Alpes – pour celles où les pistes sont tracées entre 900 et 1 700 m d’altitude… avec des dates d’ouverture théoriques entre le 7 et le 15 janvier.
Aucune station dédiée exclusivement au ski de fond n’est ouverte.
Et la réindustrialisation alors ?
La déconvenue des skieurs ayant réservé dans les « petites stations familiales au pied des sapins » est en réalité ce qui sauve la saison d’hiver des industriels européens car la « tempête polaire du siècle » qui frappe les Etats-Unis depuis Noël aurait littéralement paralysé toute production en Europe, nos gouvernements ayant peu le choix entre ordonner à EDF de privilégier le chauffage des foyers et restreindre les térawatts délivrés à l’industrie.
Mais ne nous berçons pas d’illusion, la « réindustrialisation » de l’Europe qui était le leitmotiv de l’après-Covid, avec des projets de gigafactories de batteries automobile concurrençant celles de la Chine, n’est même plus envisageable… Sauf à subventionner à coup de centaines de milliards les entreprises qui s’obstineraient à produire avec une énergie issue du GNL qui coûte désormais quatre fois le prix du gaz aux Etats Unis, et six fois le coût du MWh en Chine (issu du mix charbon/gaz/hydro/nucléaire).
Le chômage technique ressurgira dans nos usines européennes à la prochaine vague de froid, quel que soit le degré de sobriété de nos industriels, et le chômage « tout court » risque de frapper durement les PME/PMI et les artisans dont la facture d’électricité va tripler au quadrupler à la fin du mois de janvier.
Et en France, le faible taux de chômage dont s’enorgueillissait le gouvernement résulte essentiellement du nombre de radiations record de chômeurs au 4ème trimestre (à coup de 50 000 par mois… du jamais vu) et de la transformation de dizaines de milliers d’entre eux, parvenus en fin de droits, en « auto-entrepreneurs » (mais avec zéro chiffre d’affaires et zéro revenu).
Un tour de passe-passe statistique qui ne trompe personne, à part peut-être les investisseurs qui se veulent « constructifs » (le nouveau mot-valise des permabulls, qui ne veut rien dire mais signifie qu’aucune autre hypothèse que la hausse n’est envisageable) pour 2023, après la pire année pour la gestion d’actifs (actions et obligations) depuis 150 ans (1871). Et, évidemment, l’une des pires années pour les crypto-actifs, avec un Bitcoin qui bataille depuis trois mois pour préserver son support des 16 000 $.
Le plus inquiétant à court terme, c’est toutefois la remontée des rendements obligataires en Europe vers les pires niveaux de l’automne 2022, avec des OAT affichant plus de 3% et des Bunds au-delà des 2,50%.
De l’autre côté de l’Atlantique, attention au refranchissement des 3% par les T-Bonds et à la cassure des 10 320 points sur le Nasdaq. Après une chute de 33% en 2022, le prochain objectif de l’indice des valeurs technologiques ne serait autre que l’ex-zénith historiques des 9 838 du 20 février 2020 qui avait précédé la chute du Covid (sur le S&P, c’est 3 380 points, l’ex-zénith du même jour de 2020).
Mieux vaudrait alors faire preuve de « sobriété » en matière de sommes investies dans les marchés, éteindre ses écrans, baisser ses objectifs et décaler ses achats.