La Chronique Agora

Ils jouent votre argent au Monopoly

Les crises, une fantastique chance de prospérité ? Bien sûr, quand on peut imprimer de l’argent sans limites ! En revanche, ne vous attendez pas à ce qu’il se retrouve dans l’économie réelle…

Les économistes nous disent qu’il y a des limites : toute économie a un potentiel à tout moment, chaque économie est confrontée à une sorte de limitation de vitesse, régulée par la disponibilité de ses ressources productives réelles – l’état de la technologie et la quantité et la qualité de ses terres, travailleurs, usines, machines et autres matériaux.

Si c’est vrai alors profitons de l’opportunité et débridons le tout, augmentons le potentiel !

Présenté de cette façon, rien ne s’oppose à ce que la crise, les crises, ne constituent une fantastique chance de prospérité ! On a démontré à coups de milliers de milliards que les partisans de l’austérité avaient tort et que l’on pouvait faire beaucoup, beaucoup de choses que l’on croyait impossibles avant. Allons-y, allons plus loin !

Il y a quelque chose qui cloche…

Je mets au défi un contradicteur d’avancer des arguments dans le cadre de la pensée dominante. Ni les arguments de l’inflation, ni ceux des déficits, ni ceux de la capacité à produire de la monnaie, ni ceux des capacités disponibles ne sont recevables. Dans tous les cas ils sont hors sujet pour refuser la mise en application de mes suggestions.

Il doit y avoir quelque chose qui cloche, quelque chose qui n’est pas dit.

Ce quelque chose est un secret – c’est même le grand secret !

Le grand secret, c’est qu’il y a une limite interne, cachée, non dite, qui régule le rythme de la production capitaliste, qui régule les investissements, qui fixe l’embauche et les distributions de revenus. Cette limite dont vous n’entendez jamais parler, c’est le profit, c’est la profitabilité du capital.

Toutes les autres limites sont bidon ; les déficits, la dette, la production de monnaie… tout cela vole en éclats, ne tient pas debout, car la seule limite c’est la nécessité du profit.

Les déficits et la dette on s’en fout si c’est pour produire du profit et cela on le voit très clairement aux USA où la dette et les déficits sont stratosphériques… comme les cours de la Bourse.

La question de la rentabilité

Pourquoi y a-t-il marasme, pourquoi y a-t-il des capacités à produire des richesses qui sont mises au rencart, qui sont gaspillées ? Parce qu’elles ne sont pas rentables.

Ce n’est pas la monnaie ou les dettes qui constituent le moteur de notre système de production ; c’est le profit – ou, plus exactement, la profitabilité du capital.

C’est la grande erreur des banquiers centraux que de croire qu’ils ont des pouvoirs. Ils ont en main des remèdes qui sont des placebos, des outils qui ne servent qu’à justifier leur fonction : enrichir les ultra-riches, maintenir l’ordre social qui leur est favorable.

Tous les milliers de milliards de cadeaux, de dettes, de monnaie créés depuis 2009 sont thésaurisés par les grandes entreprises. Ils ont servi à racheter leurs actions, ils ont été investis sur les marchés boursiers et obligataires pour profiter des gains en capital mécaniques, automatiques, procurés par les politiques monétaires.

Cet argent a servi au Monopoly. Le Monopoly est plus profitable que la production.

Un marasme séculaire

Jamais l’investissement ne s’est redressé, jamais la croissance n’a accéléré. Au contraire, elle s’est installée dans le marasme séculaire. Pourquoi ? Parce que le profit provenant de la production est insuffisant.

Ce ne sont ni les cadeaux ni les dettes, ni déficits, ni les taux zéro qui produisent la croissance ; seuls les profits ont cette capacité.

Tous ces milliards qu’ils font tomber du ciel fourniront-ils plus de production et plus de ressources pour répondre aux besoins des citoyens ? Bien sûr que non !

La plus grande partie de ces largesses générées par l’impression monétaire numérique ira dans les réserves bancaires. Elle ne se traduira par aucune augmentation de la production, de l’emploi et des investissements.

Elle restera dans la sphère financière car c’est la seule chose qu’elle peut et sait faire : le fétiche argent/pognon reste dans le monde des fétiches, dans l’imaginaire financier.

Au terme de la crise, le problème de nos systèmes va rester entier, le même mais décuplé. La masse de capital fétiche, inefficace, fictif, de poids mort aura augmenté considérablement… et le profit apparaîtra encore comme plus insuffisant.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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