La Chronique Agora

Une hernie dans la tuyauterie financière

La quantité de dette à taux négatif enfle, enfle, enfle… et avec elle, les distorsions d’un système poussé dans ses ultime retranchements.

Le récit boursier est bien calé, comme nous l’avons vu hier : les banques centrales seront toujours là pour protéger la hausse.

Les marchés obligataires mondiaux, bénéficiant de leur propre dynamique, n’ont été contrariés ni par la « trêve » entre Donald Trump et Xi Jinping, ni par la montée des marchés à risque.

Pour eux, on trouve d’autres récits justifiant les anomalies et paradoxes :

En ce mois de juillet, les rendements des obligations allemandes à 10 ans ont chuté. Les rendements français sont eux aussi en baisse, ainsi que les rendements suisses.

Aussi spectaculaire que cela ait été au centre de l’Europe, l’effondrement des rendements à la « périphérie » – Italie, Grèce, Portugal, Espagne – a été tout à fait étonnant.

Rien dans l’histoire ne se compare à l’effondrement mondial actuel des rendements.

Une bulle inhabituelle

Je prétends que ce n’est pas une bulle spéculative au sens habituel du terme. Il n’y a nul engouement, nulle joie, nulle fête, nulle euphorie – non, il y a la tristesse mécanique d’une descente aux enfers.

Le triste gavage de l’oie malade pour faire le foie gras de Noël me semble une bonne comparaison.

La chute des rendements est mécanique. Elle découle certes de phénomènes complexes, mal connus, mais provient des politiques suivies caractérisées par :

La névrose dont les composantes sont listées ci-dessus donne un nouveau sens à l’expression « achat indiscriminé ». C’est le désordre absolu, puisque rien n’est discriminé, tout est bon ; cela signifie que rien n’est évalué selon sa place, son rang, ses caractéristiques intrinsèques.

Le désordre de l’ensemble que constitue le marché obligataire est imposé de l’extérieur, le sous-jacent de ce désordre c’est la monnaie, sa pléthore – mais aussi le symétrique de la pléthore, la peur de sa raréfaction.

Un paradoxe dangereux

Jeffrey Snider, directeur de la recherche et stratégiste en chef chez Alhambra Partners, défend l’idée paradoxale que nous vivons un épisode de rareté de la liquidité en « dollars », et que c’est cette raréfaction qui conduit les opérateurs à stocker les fonds d’Etat, ceux-ci étant le collatéral magique qui permet d’obtenir des liquidités en cas de besoin. Il y a du vrai dans tout cela.

Nous assistons selon nous à une illusion de bulle, un mirage de bulle, un mirage de la plus grande bulle spéculative de l’Histoire. Mais ce n’est pas une bulle ; elle ne présente aucune des caractéristiques des bulles. Une bulle c’est du vent : ici ce qui fait enfler, gonfler, c’est du vent, certes, mais du vent provenant du flux monétaire.

La vitesse de circulation de la « monnaie financière » s’accélère. On a tort, au niveau théorique, de ne pas introduire cette notion de « monnaie financière » : on s’apercevrait qu’elle est riche et quelle a un grand pouvoir explicatif. Actuellement, la vitesse de rotation de la monnaie financière accélère – donc elle peut acheter plus.

Selon Bloomberg, le montant de la dette à rendement négatif dans le monde a bondi à un record de 13 400 Mds$. En hausse de près de 2,2 Mds$ rien que le mois dernier, « les dettes à rendement négatif représentent désormais 25% » de l’univers total de la catégorie investissement.

Vous connaissez notre idée : la dette à rendement négatif est le vrai indicateur de stress du système, c’est la hernie qui prouve que cela va mal en profondeur, dans les caves, dans les soutes, dans la tuyauterie.

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