Trump est-il en roue libre ou un fin stratège incompris ?
Les 100 premiers jours d’une nouvelle administration sont généralement considérés comme les plus déterminants. C’est à ce moment-là que l’équipe en place dispose du plus d’élan, et bénéficie d’un soutien maximal. L’opinion publique attend du changement… et veut en voir les signes.
Plus des deux tiers des 100 premiers jours de Trump ayant déjà été digérés, il n’est pas trop tôt pour tenter d’anticiper la façon dont le reste du menu sera servi.
Ce que l’on a pu constater lors de son premier passage en cuisine, c’est que la carte n’a pas fondamentalement changé.
A son départ, la situation était globalement la même qu’à son arrivée… en pire. Le marécage s’était enfoncé davantage. La dette avait augmenté. Le pouvoir du gouvernement fédéral s’était renforcé. Et l’emprise de la politique s’était étendue. Le meilleur indicateur de cette évolution reste sans doute la dette fédérale elle-même : elle est passée de 20 000 milliards de dollars en 2016 à 28 000 milliards en 2020.
Cette fois-ci, ses partisans comme ses ennemis affirment que Trump s’est lancé dans une course aux décrets. Mais combien d’entre eux résisteront à l’épreuve des examens judiciaires ? Et combien auront un impact réel ?
Ce qui est étonnant, c’est le peu de chemin parcouru.
Trump avait promis de mettre fin immédiatement à la guerre en Ukraine et au bain de sang à Gaza. Ces deux guerres sont toujours en cours. Les médias rapportent également que l’administration Trump expulse actuellement moins d’étrangers dangereux que celle de M. Biden.
Son allié Elon Musk a fait les gros titres. Mais à quoi bon révéler le gaspillage et l’inefficacité du gouvernement, si aucun plan n’est prévu pour régler le problème ? L’équipe Trump ignorait-elle qu’il serait nécessaire de travailler avec le Congrès pour opérer de véritables réformes structurelles du budget ?
Et où sont les audits tant attendus du Pentagone, de la CIA et de la Fed ? Auront-ils lieu un jour ? Tout le monde sait qu’un examen sérieux de l’armée révélerait des milliers de milliards de dollars de gaspillage ; pourquoi alors l’administration Trump donne-t-elle le feu vert à des dépenses supplémentaires de cent milliards de dollars ?
Le défi le plus urgent auquel est confrontée l’équipe Trump est de maîtriser les dépenses fédérales. Les déficits annuels atteignent 2 000 milliards de dollars. Le coût du service de la dette – les paiements d’intérêts – dépasse déjà 1 000 milliards de dollars. Et au rythme actuel, la dette totale dépassera les 40 000 milliards de dollars avant la fin de la troisième année du mandat de Trump. Au taux de rendement actuel des obligations à dix ans, cela signifierait une charge financière d’environ 1,6 billion de dollars, soit environ deux fois le budget militaire total.
Trump a déclaré qu’il équilibrerait le budget. Mais il n’y a aucun signe de cet équilibre. Ni même de discussion à ce sujet. A la place, on parle désormais… du Venezuela.
Le Venezuela semble être un sujet sensible pour le président. On ignore ce qu’il lui reproche exactement, mais il envisage d’imposer des droits de douane de 25% à quiconque oserait commercer avec ce pays.
Plus largement, Trump paraît déterminé à étendre l’influence — voire le territoire — des Etats-Unis. Il veut reprendre le canal de Panama, mettre la main sur le Groenland et intégrer le Canada comme 51e Etat. Même ses partisans les plus fidèles se demandent : « Tout cela a-t-il un sens ? »
Cette ambition semble aller à l’encontre de son slogan « America First ». L’annexion du Canada, par exemple, transformerait complètement les Etats-Unis.
Jusqu’à présent, le signe distinctif de ce second mandat Trump, c’est la confusion. Le Hamas, les Houthis, les manifestants universitaires… Tous ceux qui s’opposent au régime sont traités comme des adversaires coriaces. Mais où sont passés les discours musclés sur ce qui touche réellement les Américains au quotidien – leur pouvoir d’achat ? Quand le président exigera-t-il du Congrès qu’il cesse de dépenser l’argent qu’il n’a pas ? Et quand découvrirons-nous ce que contiennent les documents toujours classifiés de Jeffrey Epstein ?
Le capitaine de la Confusion tire des salves à gauche, des salves à droite et des salves devant lui. Quels sont ses véritables objectifs stratégiques ? Il serait bon de le savoir. Et de comprendre son vrai plan pour y parvenir.
Le DOGE a-t-il vraiment permis d’économiser des milliards, des millions ou rien du tout ? Où est donc passé le chèque de 5 000 dollars promis en dividendes par le DOGE ? Des milliers de fonctionnaires fédéraux soi-disant inutiles ont été licenciés. Mais attendez, ils sont déjà en train d’être réembauchés. Les républicains annoncent des coupes de plusieurs centaines de milliards dans les budgets domestiques, mais les dépenses continuent d’augmenter.
Aucun programme clair et cohérent n’étant visible, les observateurs tentent de comprendre la situation. Certains suggèrent que le brouillard dissimule un accord secret de Mar-a-Lago : effacement de la dette et lancement d’une nouvelle monnaie. D’autres pensent que les droits de douane ne sont que des écrans de fumée, destinés à semer le trouble dans le reste du monde.
Selon eux, cette confusion servirait à vendre davantage de dette à taux réduit… ou simplement à inonder la planète de dollars. Peut-être que l’objectif réel est de provoquer une guerre commerciale à grande échelle, suivie d’une récession mondiale, en partant du principe que le grand perdant serait le premier exportateur de la planète : la Chine.
Dans ce chaos généralisé, on cherche une logique, une stratégie, un fil conducteur qui donnerait du sens à tout cela. Trump serait-il en train de jouer aux échecs en trois dimensions ? En quatre dimensions ? Ou bien s’agit-il tout simplement… de dames chinoises ?