Vous pensez qu’il existe plusieurs classes d’actifs ? Faux : de nos jours, il n’y a plus que deux catégories – le papier et ce qu’il représente. Il est essentiel de faire la différence.
J’essaie de vous faire raisonner en dehors du cadre habituel – « outside the box », comme disent les Américains.
Vous êtes structuré par la parole des autorités et vous avez du mal à voir le monde autrement que par le prisme intellectuel que leurs récits vous impriment. Vous pensez comme si le marché était la réalité, comme s’il l’épuisait. Vous êtes dans la bulle parce que l’on vous y a mis – et vous pensez donc avec les schémas qui sont ceux de la bulle.
Ce que je dis pour la Bourse est vrai pour la politique : on vous a mis dans une bulle avec de fausses classes droite/gauche par exemple. Dans cette bulle, Emmanuel Macron est en même temps de droite et de gauche.
Vous pensez à travers les classes d’actifs que l’on vous a enseignées, vous pensez au travers des catégories et des concepts que l’on vous fourre dans le crâne, les taux, les multiples cours/bénéfices, la volatilité, le risque, etc.
On vous a mis dans l’univers des grands prêtres, l’univers monétaire, celui de la monnaie, des actions, des obligations, des fonds d’Etat, de l’or – et vous pensez que ce que votre esprit manipule, ce sont des catégories réelles. Des catégories qui reflètent le réel.
L’éléphant dans la pièce
Eh bien non, archi-non. Tout cela, tout ce que vous manipulez dans votre tête, ce sont des signes, c’est du papier – du papier dont l’origine, surtout en ce moment, c’est la planche à billets numérique, pas le réel.
C’est l’éléphant dans la pièce : il est tellement gros que personne n’y pense. C’est la lettre volée d’Edgar Allan Poe – elle est devant les yeux et personne ne la voit.
Tout ce dont on parle, c’est du vent, du papier. Ce ne sont pas des classes d’actifs mais une seule et même classe d’actifs : le papier. Tout comme les partis politiques sont un seul parti, celui de la reproduction du système et de l’imaginaire social qui permet de vous exploiter.
Tout comme lorsque vous pensez au prix, que vous confondez avec la valeur de cet actif, vous dites qu’il vaut 100 ou 200, vous oubliez que vous exprimez le prix de cet actif en un autre actif papier ou digital, le dollar. Vous êtes dedans ! All in, comme on dit au poker.
Jouer la faille
Je soutiens que la pensée qui sera un jour utile, celle qui fera la différence, ce sera celle-là : celle qui jouera la faille, la non-adéquation entre le monde des autorités, le monde des signes, et le vrai monde, le monde réel.
Celui qui gagnera sera celui qui se situera en dehors de la névrose ambiante, qui pensera autrement. Celui-là sera vraiment adapté à ce qui va se passer.
Ce sera celui qui fonctionnera en ayant compris que tous les actifs dont on parle ont le même sous-jacent – la monnaie.
L’univers des actifs que vous connaissez, c’est la monnaie – de la même façon que le sous-jacent de la valeur des hypothèques en 2007 était la valeur des maisons… ou plutôt la croyance en la hausse perpétuelle de leur prix. Ici, le sous-jacent de tous les marchés, c’est la monnaie, la liquidité et la croyance que plus jamais elles ne manqueront parce que la Fed l’a promis.
Vous comprenez que la soi-disant diversification pour réduire les risques est un mythe ; vous comprenez qu’il n’y a à l’intérieur des marchés, face au risque suprême, aucun refuge.
Si vous avez compris viscéralement cela, alors vous êtes prêt pour, un jour, affronter la crise. Celle-ci sera en effet la rupture de l’invariant ultime : la croyance dans les pouvoirs des apprentis sorciers et le mythe de la liquidité infinie sous-jacente.
Il n’y a que deux et seulement deux grandes catégories de classes d’actifs. Il y a le papier et il y a le réel. Il y a ce qui est imaginaire et imaginé… et il y a ce qui existe, sonnant et trébuchant.
Note : j’ai souligné en gras le « en même temps » pour faire réfléchir et vous inciter à penser que quand on utilise le « en même temps », cela signifie souvent que l’on est dans l’imaginaire, dans l’infantile – car le réel, l’adulte, sont faits de choix et… de deuils.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]