La Chronique Agora

La France, chef de guerre de l’UE ?

Un fiasco peut parfois en cacher un autre…

Le président de la République française se pose en chef de guerre de toute l’Union européenne (au risque de rendre jalouse Ursula von der Leyen, qui compte créer un poste de Commissaire Européen à la Défense… si elle est reconduite à son poste, fin juin). Il rappelle, en filigrane, que la France est prête à mettre son arsenal nucléaire à la disposition de l’UE face à la menace de voir la Russie se disposer à attaquer « une dizaine de pays européens ».

C’est à croire qu’il rêve de pouvoir enfin déclarer sur toutes les chaînes de TV françaises et européennes, avec son air le plus solennel (longuement travaillé avec ses équipes de « com’ »), que « nous sommes en guerre… pour de vrai, car, après le virus, cette fois, c’est contre les Russes ».

Une « breaking news » qui surviendrait un quart d’heure avant que les premiers champignons atomiques ne balayent tout souvenir que Paris et sa banlieue furent des sites olympiques, avant de devenir des champs de ruine radioactifs, inhabitables pour des décennies… tout comme nos bases navales de Brest et Toulon. Idem pour Londres, Rome, Munich, Helsinki, Athènes… autres capitales olympiques – de pays membres de la coalition antirusse, l’OTAN – rayées de la carte, tout comme Moscou, évidemment.

De futurs brocanteurs spécialisés dans les vestiges de l’apocalypse vendront, en 2050 sur le dark web, des morceaux de métal liquéfié provenant de la Tour Eiffel, stockés dans de ravissants conteneurs anti-radiations en plomb avec fenêtre en cristal (qui contient aussi du plomb), à des acheteurs nostalgiques de Paris, de Chine et d’Inde – pays restés sagement neutres face au conflit russo-européen.

Vous avez pu lire, sous la plume d’experts en « coups de com’ » de l’Elysée, qu’il ne fallait pas prendre les déclarations présidentielles au premier degré, qu’il s’agissait d’une figure de dialectique géopolitique, et non d’un engagement ferme à envoyer des troupes de l’OTAN combattre aux côtés de Kiev, destinée à rassurer le peuple ukrainien sur la détermination de ses alliés et à impressionner les citoyens russes afin qu’ils ne se bercent pas d’illusion sur une possible « victoire » en Ukraine, car l’Europe ne le permettra pas.

Si nos experts en dialectique voient juste, en revanche, nos partenaires européens n’ont pas bien saisi la subtilité langagière de notre président.

Olaf Scholz semble, en effet, avoir tout pris au premier degré puisqu’il a pris la peine de convoquer la presse (toutes tendances confondues et qui tire depuis 48H à boulets rouges sur Macron) pour affirmer : « Je n’enverrai aucun soldat de la Bundeswehr en Ukraine. L’OTAN n’est pas – et ne sera pas – partie prenante dans la guerre. Cela reste ainsi. Et l’Allemagne n’enverra pas de missiles longue portée non plus. » Jens Stoltenberg, le patron de l’OTAN, a également fait une mise au point : « Il n’y aura pas de soldats de l’OTAN en Ukraine. »

Et tous les chefs d’Etat ou de gouvernement européens ont tour à tour remis les pendules à l’heure, se désolidarisant des propos du « maître des horloges » de l’Elysée.

Mais notre président garde de nombreux supporters… et il se trouve que ce sont les mêmes qui approuvaient le bombardement de la Serbie en 1999, l’invasion de l’Irak pour éliminer la terrible menace que représentait Saddam Hussein pour l’Occident, puis, en mars 2011, le renversement du dictateur sanguinaire Khadafi.

Il existe malheureusement en France des ennemis de l’intérieur, des défaitistes, des idiots utiles de Poutine (là, c’est du second degré, du vrai) auxquels Le Figaro ouvre ses colonnes, comme Alain Bauer ou Jean-Pierre Chevènement, qui vient de déclarer : « Les Français n’attendent pas du président de la République française qu’il défende d’abord les intérêts de l’Ukraine ou de quelque autre pays que ce soit ; ils attendent qu’il défende les intérêts de la France. Les Français ont élu Emmanuel Macron comme Président, pas Volodymyr Zelensky. » Ça pique un peu, quand même !

Ces recadrages n’empêcheront pas la France d’honorer la promesse élyséenne d’offrir une aide de 3 Mds€ à l’Ukraine en 2024 (après 4 Mds€ en 2022 et en 2023), voire beaucoup plus si l’on en croit le ministre Thierry Béchu qui affirme – et il a sûrement été autorisé à le dire en haut lieu – « qu’il n’y a pas de limite au soutien que la France peut accorder à l’Ukraine ».

Sous-entend-il que ce pourrait être un soutien militaire, ou notre feu nucléaire ? Ou plutôt des kilotonnes d’aide financière à la charge du contribuable français ?

Et pour recueillir de telles sommes, Bruno Le Maire a déjà évoqué des pistes, comme mobiliser « l’argent qui dort », non seulement sur le compte des Français, mais aussi sur celui des citoyens européens (car bien sûr, il s’agit d’un effort de solidarité collective) pour lancer un « grand emprunt » européen.

Cette proposition n’a guère été commentée dans la presse étrangère… mais vu l’ambiance depuis lundi chez nos voisins et partenaires, attendons-nous là aussi à un recadrage en règle si notre génie de Bercy qui promettait de « mettre la Russie à genoux économiquement » insiste un peu pour aller faire les poches des épargnants européens afin de financer la guerre par procuration des Etats-Unis contre la Russie.

Car prolonger la guerre, cela ne peut que signifier la fourniture de plus d’armes à l’Ukraine… et 70% de celles fournies à Kiev proviennent des géants de l’armement américain.

Autrement dit, un « grand emprunt européen » irait également gonfler les bénéfices de Boeing, principal concurrent d’Airbus, ou de General Dynamics, principal concurrent de nos fabricants de véhicules blindés et de canons Caesar… et la liste des firmes bénéficiaires US est longue ! Mais à quelque chose malheur est bon : l’humiliation infligée par les dirigeants européens au plus fervent soutien de Zelensky (malgré toutes les preuves de corruption de son entourage) a permis de faire oublier très vite le fiasco du Salon de l’agriculture.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile