Début de semaine douloureux avec la cassure des principaux supports de moyen terme sur presque tous les principaux indices boursiers : la véritable correction ne fait que commencer…
Affreux, affreux, affreux… voilà résumé le sentiment des investisseurs découvrant ce 10 juin un chiffre de l’inflation américaine (celui de l’indice des prix à la consommation, ou CPI en anglais) à 8,6%, le pire score en matière d’inflation jamais observé aux Etats-Unis depuis décembre 1981.
A part Warren Buffet et son acolyte Charles Munger, 99% des professionnels de la finance à Wall Street ont pris leur retraite depuis cette date.
Pour ceux de la promotion avril qui débutèrent leur carrière à l’automne 1981, c’était le timing parfait : 40 ans de désinflation, 35 ans de soutien inconditionnel de la Fed au profit de Wall Street, se concluant par deux ans de « all in » monétaire.
Le plus grand transfert de richesse de l’histoire
Les gérants qui ont pris leur retraite au 31 décembre 2021 – tout comme les Américains qui ont récupéré leur épargne en action sur leur « 401-K » pour le même motif – sont probablement ceux qui ont bénéficié du plus grand transfert de richesse de l’histoire en 40 ans, de la valeur travail vers les valeurs mobilières.
Ceux qui viennent de prendre leur place le font peut-être au pire moment depuis le second choc pétrolier du début des années 1980 : à l’époque, le litre de carburant (ou de fioul de chauffage) apparaissait cher, mais c’était assez marginal par rapport aux revenus des ménages qui étaient de surcroît indexés sur l’inflation. Et, surtout, cette ressource était abondante (le « pic pétrolier » n’était encore qu’une hypothèse lointaine), contrairement à la situation de pénurie relative à laquelle se retrouve confrontée l’Europe aujourd’hui.
Pour les Etats-Unis, auto-suffisants, ou l’Inde qui bénéficie de tarifs préférentiels de la part de la Russie, aucun problème de disponibilité ni rationnement à l’horizon, alors même que l’Allemagne et la France pourraient manquer – faute de capacités de raffinage – de diesel d’ici six mois, souci majeur pour les transporteurs routiers et les utilisateurs d’engins agricoles… une situation sans précédent à la fin des années 1970 ou au début des années 1980.
Les taux étaient en revanche encore très élevés à l’époque (même revenus de 20% à 14% après le « choc Volcker »), mais la croissance redémarrait, portée notamment par les investissements dans l’énergie nucléaire. La France, la Belgique et l’Allemagne avaient alors le savoir-faire pour bâtir une centrale atomique dans des délais resserrés et avec le minimum de malfaçons : ce fut une grande transition énergétique, remarquablement bien coordonnée et technologiquement réussie.
A la recherche de mégawatts
Trente ans plus tard, la France ambitionnait de se doter de centrales plus sûres – Fukushima oblige – mais l’EPR de Flamanville (près de Cherbourg) a désormais 9 ans de retard, tandis que son coût est passé d’un prévisionnel de 3,5 Mds€ à un coût réel qui dépasse déjà les 12,2 Mds€.
En parallèle, sur 56 réacteurs implantés en France, 26 sont à l’arrêt pour cause de maintenance, de panne sérieuse des systèmes de sécurité ou de corrosion des circuits de vapeur sous haute pression.
Cela se présente mal pour l’automne prochain et la France – à cours de mégawatts – ne pourra compter que sur quelques centrales au gaz déjà sollicitées au maximum de leur capacité en mars/avril, puis sur la remise en service de centrales au fioul (dont le prix s’envole) ou d’une centrale au charbon (avec un prix en hausse de 160% depuis fin 2021) encore en état de marche, exploitée par un opérateur… polonais (qui l’avait rachetée à EDF au poids de la ferraille, ou quasiment).
Le bilan carbone de la France risque de devenir affreux l’hiver prochain.
Et oui, le « affreux, affreux, affreux » ne s’applique pas qu’à l’inflation qui semble hors de contrôle et installée dans la durée – au moins jusqu’à 2024, nous indiquait la BCE lors de sa dernière réunion du 9 juin.
C’est affreux également du côté de l’obligataire, avec des « BTP » italiens dont le rendement a testé les 4,00% lundi matin pour la première fois depuis 8 ans, le rendement de nos OAT s’envole vers 2,2% et creusent inexorablement l’écart par rapport au « Bund », qui plafonne vers 1,55%.
Une nouvelle crise de la dette ?
L’écart (ou « spread ») entre les taux à 10 ans français et italiens d’une part et allemand d’autre part atteint des niveaux comparables au début ou à la fin de la crise 2010/2012 (dite « crise de la dette grecque », mais qui avait contaminé tous les pays du sud de l’Europe).
La BCE a réaffirmé – sans convaincre – qu’elle disposait des outils pour réduire la « fragmentation », et même de certains qu’elle n’avait pas encore utilisés mais n’a pas précisé lesquels : les marchés de taux n’ont pas apprécié cette cachoterie.
La perte de confiance s’empare également des cambistes qui se détournent brutalement de l’euro, ce qui se traduit par une poussée haussière de 2,2% sur le dollar en deux séances et demi (le Dollar Index bondit de 102,5 vers 104,7).
Les cambistes prennent acte de l’impuissance de la BCE, qui n’a même pas essayé de combattre l’inflation, tandis que la Fed tire ses dernières cartouches pour tenter de restaurer sa crédibilité, quitte à sacrifier la croissance, et Wall Street par la même occasion. Après un doublement de la capitalisation en deux ans, les investisseurs n’avaient qu’à s’alléger de moitié.
Ceux qui n’ont pas vendu avec le déclenchement d’une guerre qui fait flamber les prix de l’énergie n’ont qu’à rouvrir un livre d’histoire pour découvrir qu’il n’existe pas d’exemple où les marchés n’ont pas corrigé d’au moins 40%… Un scénario boursier affreux, affreux, affreux…
Nous sommes en plein dedans avec la franche cassure des principaux supports moyen terme sur le CAC 40 , l’Euro Stoxx 50, le S&P 500 et le Nasdaq survenue ce lundi 13 juin : la véritable correction ne fait que commencer.
Le mot de la fin sera pour Emmanuel Macron avec son « la France est rentrée dans une économie de guerre », ce qui signifie mise sous tutelle de pans entiers de l’activité, rationnements (comme avec les masques au printemps 2020) et, surtout, dans sa bouche, le mot « guerre » s’accompagne de son cortège d’Etat d’urgence permanent, de mensonges officiels et de privation des libertés, notamment de se déplacer.
Affreux, affreux, affreux, on vous dit…