Les banques centrales et les autorités sont prises au piège : elles ne peuvent plus assouplir leurs politiques monétaires… ni les resserrer. On s’enfonce dans la crise.
Voici un entretien avec Bob Prince, co-directeur des placements de Bridgewater Associates, interrogé à Davos par Bloomberg Television.
Lisez en entier, relisez pour assimiler, c’est important.
Bob Prince :
« En 2018, je pense, une leçon a été apprise. […] Je pense que des leçons ont été tirées. Et je pense que c’était vraiment un marqueur que nous avons probablement vu la fin du cycle de boom et de récession. »
En clair, dit Prince, c’est la fin d‘une époque : on a compris que l’on ne pouvait plus resserrer. C’est la fin des cycles du crédit traditionnels avec booms et krachs. C’est encore plus clair dans la suite de l’entretien.
Tom Keene (Bloomberg) :
« Est-ce la fin de l’activité des fonds spéculatifs dans la modélisation des portefeuilles à partir des estimations de ce que les banques centrales feront ? »
Bob Prince :
« Cela ne jouera pas beaucoup plus qu’aujourd’hui. Vous vous souvenez des années 80 lorsque nous attendions les chiffres de la masse monétaire. Nous avons parcouru un long chemin depuis lors… Maintenant, nous parlons de +25 points de base, de -25 […] et nous aurons des rendements négatifs.
Cette idée du cycle boom/krach dans laquelle nous vivons depuis des décennies est morte. On est maintenant dans une situation où la Fed est dans une boîte. Ils ne peuvent ni resserrer, ni relâcher – pas plus que les autres banques centrales. »
Jonathan Ferro (Bloomberg) :
« Bob, tu viens de le dire deux fois – et j’en reste surpris. Et tu l’as dit avant le début de l’interview… C’est la fin du cycle boom/krach ? »
Bob Prince :
« Nous le savons. »
Jonathan Ferro :
« Il y avait un homme appelé Gordon Brown, ancien chancelier du Royaume-Uni ; lors d’une scène célèbre au Parlement, il se lève et dit : ‘C’est la fin du régime boom/krach’ – et il le disait juste avant la crise financière. C’est la fin du cycle boom/krach ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »
Bob Prince :
« Les cycles de croissance sont causés par l’essor et l’effondrement du crédit. Expansion du crédit, contraction du crédit. Et ces expansions et contractions du crédit sont largement motivées par des changements de politique monétaire.
Nous sommes dans une situation où, avec des taux d’intérêt proches de zéro et des forces déflationnistes séculaires, vous ne pourrez plus faire de resserrement de la politique monétaire.
Ils ont appris cette leçon l’année dernière et en ont tiré des conséquences inattendues. Vous n’obtiendrez plus de resserrage, et l’une des raisons pour lesquelles vous n’obtiendrez plus de resserrage est qu’ils ne peuvent plus desserrer.
Si vous ne pouvez plus vous assouplir, vous ne pouvez pas non plus vous resserrer : vous n’allez pas vous causer un problème que vous ne pouvez pas résoudre.
Par conséquent, vous êtes dans une boîte ; vous ne resserrez pas, et vous ne desserrez pas. »
Je pense que vous avez compris.
Jusqu’au bout du dollar
On ne peut plus arrêter et on ira jusqu’au bout – parce que l’on a atteint le dernier retranchement, le Centre.
Derrière, dans l’état actuel des institutions, il n’y a pas d’autre dernier ressort. Il faut faire avec celui que l’on a et aller jusqu’au bout de sa solidité, de sa force. Jusqu’au bout de la confiance qu’il inspire. Il faut épuiser le capital confiance de l’empereur-dollar.
Plus la pyramide monte, plus la masse des valeurs d’actifs progresse, plus le système devient instable, fragile – moins on peut supporter d’alertes, moins on peut supporter de corrections… et donc plus il faut solliciter la pointe en bas de la pyramide : le dollar.
Souvent, pour faciliter la compréhension et surtout pour bien nouer et renouer le fil, je résume, comme on dit, les chapitres précédents. Allons-y. Ce n’est pas seulement pour un objectif de crédibilité, c’est pour bien faire toucher du doigt la logique, la cohérence, la nécessité du développement continu de la crise que j’expose sous vos yeux.
Il y a deux ans, l’élite de l’argent réunie pour le Forum économique mondial dans les Alpes croyait fermement à la croissance mondiale synchronisée avec reprise de l’inflation.
Elle avait complètement tort.
Il y a un an, les mêmes élites, presque les mêmes personnes, étaient inquiètes ; encore une fois, elles se trompaient lourdement.
Les marchés ont monté en flèche. L’activité économique s’est stabilisée.
Les valorisations boursières extrêmement élevées sont considérées comme anticipant une reprise économique et surtout une remontée des profits.
Tout cela est fondé sur une seule chose : une politique monétaire ultra-facile – et surtout la promesse que cela va continuer. En effet, l’argent facile ne suffit plus, il faut promettre qu’il restera toujours facile.
Va-t-on y parvenir ? Nous continuerons l’analyse dès demain.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]