Une découverte archéologique en Pologne nous montre ce qu’est réellement un monde gagnant-perdant : est-ce vers cela que nous nous dirigeons actuellement ?
Nous commençons à nous poser de graves questions.
Et si la guerre commerciale était réelle – et non simplement une partie de la performance artistique du président américain ?
S’il était vraiment assez idiot pour risquer un plongeon boursier majeur ? Si son ascension au pouvoir n’était pas un simple coup de chance, en réalité, mais le signe d’une profonde mutation mégapolitique ?
Nous utilisons ce mot biscornu, « mégapolitique« , pour décrire des événements et des tendances si vastes qu’on ne les voit pas… et si puissants qu’on ne peut pas les contrôler ou les diriger. Personne ne vote pour des tendances mégapolitiques, et bien peu les voient arriver.
Comme nous l’avons souligné hier, les Etats-Unis ont connu une belle période, avec la plus grande zone de libre-échange au monde, les marchés les plus libres, les gens les plus libres.
On aurait même dit qu’ils « balançaient plus librement les bras » en marchant, notait le sociologue et théoricien politique français Alexis de Tocqueville. C’est là ce qui faisait la grandeur de l’Amérique, selon nous.
Les autorités contribuaient elles aussi – principalement en ne s’en mêlant pas et en laissant les gens faire leur lit… et s’y coucher. Toute richesse provient des accords gagnant-gagnant. Les gens qui en font le plus sortent gagnants.
Un monde à somme nulle
Sauf que les accords gagnant-gagnant se s’appliquent qu’à un monde gagnant-gagnant, à somme positive. Le monde tel qu’il y était il y a 4 000 ans était principalement un monde gagnant-perdant à somme nulle. On ne pouvait pas investir, inventer ou innover pour agrandir le gâteau. Si on en voulait plus, il fallait prendre un morceau à quelqu’un d’autre.
Aujourd’hui, si vous ne pouvez avancer qu’en prenant quelque chose à quelqu’un d’autre, vous êtes soit 1) un escroc, 2) le gouvernement ou 3) dans une économie à somme nulle.
Nous avons eu un aperçu d’un ancien monde à somme nulle cette semaine, en Pologne, des archéologues ayant mis au jour une découverte majeure. Le site internet d’actualité technologique Ars Technica rapporte :
« Entre 2880 et 2776 av J.-C., 15 membres d’une même famille ont été enterrés ensemble à la hâte dans une fosse unique, leurs crânes brisés témoignant d’une mort violente.
‘Nous savons de sources ethnographiques et historiques que les rafles de bêtes et autres formes de vol de bétail sont très répandues, inter-culturellement, dans les sociétés pastorales’, a expliqué à Ars le co-auteur de l’étude, Niels Nørkjær Johannsen, de l’université d’Aarhus.
‘Nous avons toutes les raisons de croire que les communautés en concurrence sur cette période se seraient emparées des bêtes d’un autre groupe (qui ne leur était pas lié) si elles en avaient eu l’occasion, et auraient pu faire de cela une stratégie systématique’. »
Parfois, les assaillants ne voulaient que s’emparer de quelques bêtes ; d’autres, ils voulaient affaiblir ou éliminer un groupe rival. Cela pouvait revenir à tuer les hommes en âge de se battre et enlever les femmes et les enfants, ou bien cela impliquait de faire disparaître des communautés entières.
Dans le cas présent, les attaquants considéraient visiblement qu’un massacre généralisé était plus pratique que de prendre des prisonniers.
L’Amérique n’est plus ce qu’elle était
A la fin du XXème siècle, les massacres à grande échelle étaient devenus inacceptables pour la plupart des gens. Malgré tout, l’Amérique profonde commence à ressembler à un jeu à somme nulle.
Les taux de croissance réelle du PIB US – dans la majeure partie du pays – ont chuté à des niveaux médiévaux, tout juste positifs.
Après 1975, l’individu moyen n’a plus obtenu d’augmentation de salaire significative.
Le coût de la vie, en revanche, a continué à grimper. Au XXIème siècle, l’Américain lambda doit travailler deux fois plus longtemps qu’en 1975 pour se payer une maison et une voiture de taille moyenne.
Dans la mesure où l’on ne peut pas augmenter le nombre d’heures dans une journée, il ne peut suivre qu’en empruntant du temps à l’avenir (c’est-à-dire en s’endettant).
A présent, si l’on tient compte de la dette des entreprises, de la dette privée et de la dette gouvernementale, il va devoir travailler, suer et trimer pendant sept ans pour payer sa part… ou, à 4% d’intérêt, de janvier à avril chaque année – rien que pour couvrir les intérêts !
Les jeux à somme nulle – guerres, duels et vols – ont des gagnants… et des perdants.
L’Américain moyen ne fait clairement pas partie des gagnants ; il doit donc forcément faire partie des perdants.
A mesure que les années passaient, la « financiarisation » faisait qu’une quantité croissante de richesse allait aux classes financiarisées.
Les gagnants étaient les riches, les élites et les initiés, qui ont vu leurs actifs, primes et stock-options grimper en flèche. Comme nous l’avons examiné hier, après 1987, les actions ont grimpé trois fois plus vite que le PIB.
En termes relatifs, les riches sont devenus plus riches tandis que les pauvres et la classe moyenne perdaient du terrain. Une fois le XXIème siècle arrivé, quasiment 100% de toute la nouvelle richesse créée est allée dans les poches des 10% les plus riches.
Qui se donne la peine de réfléchir aux raisons de cette situation ? Qui se donne la peine de suivre la piste… de la fausse monnaie d’après 1971… au put Greenspan de 1987… puis à l’assouplissement quantitatif (QE) et aux taux réels négatifs d’après 2008… à l’IPO d’Uber… et à l’érosion constante, tout au long du XXIème siècle, des vrais emplois permettant de faire vivre une famille ?
La politique exige des intrigues élémentaires… que les masses puissent suivre. Les gentils contre les méchants. Eux contre nous.
Qui plus est, les Américains se faisaient vieux et fatigués. Qui voulait encore faire concurrence ? Ils préféraient des taxes douanières, des murs et des navires de guerre pour se protéger.
Pour la plupart d’entre eux, la situation est toute simple. L’économie américaine est devenue un jeu gagnant-perdant à somme nulle… et les perdants, ce sont eux.
Faut-il s’étonner qu’ils aient commencé à se dire que les accords gagnant-perdant… avec un dirigeant gagnant-perdant… étaient le seul moyen de s’en sortir ?
A présent, la « lumière éclairant le monde » des Etats-Unis ressemble aux feux allumés par des naufrageurs. Elle attire les bateaux vers les récifs… y compris les Etats-Unis eux-mêmes.