La Chronique Agora

L’escroquerie de la propagande

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Les chiffres donnés sont bien souvent fantaisistes et issus d’une même source, centralisée, qui se confirmera elle-même.

« Pourquoi faire confiance aux rapports russes ou ukrainiens ? Ils sont en guerre et ne fournissent aucune preuve de leurs chiffres. »

Toutes les affirmations de part et d’autre, ou même par peut-être des observateurs « indépendants », sont des ouï-dire, de sorte qu’on ne peut « faire confiance » en rien de ce qu’ils prétendent.

Par conséquent, les gens qui traitent ce conflit tragique comme un match de sport, analysant en détail chaque mouvement rapporté de part et d’autre, perdent largement leur temps.

Cela dit, en analysant les revendications et les aveux involontaires des deux côtés, le contexte, y compris le comportement passé, et le but probable des revendications, il est possible d’avoir une approche large de ce qui est plausible.

D’où viennent les chiffres ?

La plupart des affirmations du gouvernement ukrainien et de ses sponsors du « consensus de Washington » sont en grande partie fantaisistes, parfois même comiques ; celles de la Russie sont souvent « juste » quelque peu exagérées ou quelque peu trompeuses.

Lors d’une conférence à Téhéran au cours de laquelle les Alliés ont discuté de l’ouverture de nouveaux fronts contre l’Allemagne nazie, Churchill a souligné la nécessité de garder le secret sur les plans des Alliés. A Staline, il disait : « En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle devrait toujours être accompagnée d’un garde du corps du mensonge. »

Il est évident qu’il ne circule aucun chiffre officiel sur ces pertes et, même s’ils existaient, ils seraient encore plus faux que ceux qui sont estimés par les observateurs.

Les chiffres les plus intéressants ne sont pas fournis par des « sources », mais par des modèles militaires éprouvés, élaborés à partir du type de batailles, des forces en présence, des équipements, des volumes de tirs, etc.

Il y a des imbéciles qui croient être professionnels, en demandant des sources, comme du temps du Covid ! Bien sûr, ils ne se savent pas que la mention de sources est l’une des escroqueries intellectuelles les plus fréquentes en matière de propagande, puisque – comme pour les armes de destruction massive en Irak – il est possible d’avoir de multiples sources… en apparence, alors que l’origine de la soi-disant information est unique et centralisée.

C’est tout l’art de la propagande que de diversifier les sources pour que les journalistes croient avoir fait leur métier ! Et face à la propagande, la seule chose qui compte, c’est le jugement.

La question de l’artillerie

La guerre en Ukraine est devenue une bataille féroce dominée par l’artillerie et les forces ukrainiennes opèrent avec un énorme désavantage : la Russie a une supériorité numérique de 10 canons lourds sur chacun à la disposition de Kiev.

De plus, l’Ukraine manque de munitions et a besoin d’un approvisionnement urgent en obus, comme l’a averti de nombreuses fois le gouvernement de Volodymyr Zelensky…

Selon des données de la Commission européenne auxquelles le quotidien espagnol El Pais a eu accès, la Russie tire entre 40 000 et 50 000 obus d’artillerie par jour, contre 5 000 à 6 000 pour les forces ukrainiennes.

Le gouvernement estonien, qui a été l’un des principaux contributeurs à l’effort de guerre de Kiev, évalue pour sa part l’utilisation moyenne de l’artillerie entre 20 000 et 60 000 obus russes par jour et entre 2 000 et 7 000 obus ukrainiens, selon un document envoyé aux Etats membres de l’UE par Tallinn, auquel le journal espagnol a également eu accès. Ces chiffres correspondent à entre 600 000 et 1,8 million d’obus russes tirés par mois, contre 60 000 à 210 000 par l’artillerie ukrainienne.

Au cours des six dernières semaines, la campagne de contrebatterie russe a détruit quelque 500 obusiers ukrainiens supplémentaires et plusieurs lance-roquettes. Les drones russes Lancet ont fait une grande partie de ce travail. La Russie a ainsi augmenté encore plus son avantage en matière d’artillerie.

Comme l’artillerie est le principal tueur dans toute guerre moderne, cela signifie également que les pertes des deux côtés suivront un ratio similaire au nombre d’armes à feu et de cartouches tirées de chaque côté.

L’encerclement se termine à Bakhmut

Au cours des dernières semaines, le rapport quotidien du ministère russe de la Défense a fait état de quelque 350 à 400 soldats ukrainiens tués par jour sur toute la ligne de front. Récemment, ce nombre est passé à 640 deux jours d’affilée, puis est passé à 880 le lendemain, dont 490 morts signalés dans la région de Bahkmut.

La BBC coopère avec d’autres organisations pour compter chaque annonce d’un soldat mort dans les médias locaux russes. Depuis le début de la guerre, elle en a identifié un total de 16 000.

Tout au long de 2022, les sources russes ont généralement signalé environ 250 à 300 décès chaque semaine, un chiffre qui a doublé en janvier et continué de croître à nouveau en février, selon la BBC.

Une source russe fait état de décès par semaine à un taux inférieur à celui des décès ukrainiens par jour. Le ratio serait d’environ 10 Ukrainiens pour 1 Russe. Même quand le nombre de morts russes a augmenté récemment, ce ratio entre les morts ukrainiens et russes serait resté le même.

J’ai dit pendant un moment que la ville de Bakhmut était dans un encerclement opérationnel. L’artillerie russe pouvait atteindre ses dernières routes d’entrée et de sortie. Depuis quelques jours, Bakhmut est encerclé tactiquement. Le tir direct russe, c’est-à-dire les canons de chars et les missiles antichars portatifs, peut désormais couvrir toutes les voies d’approvisionnement de Bakhmut. Ils tireront sur toute véhicule qui tentera de s’y rendre. C’est l’une des raisons pour lesquelles les décès signalés du côté ukrainien ont durement augmenté.

Si l’Ukraine décide d’ordonner à ses soldats de rester à Bakhmut, la ville sera physiquement encerclée. Toutes les routes seront bloquées non seulement par le feu, mais aussi par des points de contrôle russes lourdement armés. Les soldats ukrainiens stationnés à Bakhmut – plusieurs milliers semblent encore s’y trouver, mais les estimations varient là aussi selon les sources – n’auront alors plus que deux options : se rendre ou mourir.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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