La Chronique Agora

Le dollar à crédit

Le gouvernement de la nation la plus prospère du monde – les Etats-Unis – ne peut pas se financer lui-même ; il finance près d’un tiers de ses dépenses à crédit.

« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. »

Voici les dernières actualités rapportées par CNN :

« L’indice Dow Jones a clôturé vendredi dernier au-dessus de la barre des 40 000 points pour la première fois depuis sa création il y a 139 ans. Wall Street a été stimulée ces derniers jours par l’espoir renouvelé d’une baisse des taux d’intérêt de la part de la Réserve fédérale, qui assouplirait les conditions monétaires pour les consommateurs et les entreprises. »

Nous chantons les louanges de l’économie américaine. Elle a rendu des millions de personnes très riches. Elle a accueilli des millions d’immigrants, et des millions d’autres continuent de franchir la frontière à la recherche d’une vie meilleure. Elle a construit des centres commerciaux d’un bout à l’autre du pays.

Vous avez probablement mieux à faire que de penser au monde étrange des actions « mèmes ». Mais, tout comme les dot.coms, les cryptomonnaies, les NFT, Nvidia et les discours de campagne électorale, elles nous montrent à quel point notre économie peut être étrange et merveilleuse.

Au début de l’année, les « meme stocks » – des actions qui semblent avoir peu de valeur réelle, mais qui exercent tout de même un attrait presque magique sur les investisseurs – avaient disparu de l’actualité. Puis, soudain, Roaring Kitty, un influenceur comptant 1,3 million de followers, a posté la photo d’un joueur penché en avant sur sa chaise.

Il n’en fallait pas plus.

Les aficionados ont interprété cette image comme leur indiquant qu’il était temps d’acheter. AMC, une chaîne de cinémas, a vu son cours augmenter de 308%. GameStop, un détaillant de jeux vidéo, a augmenté de 271%.

Et puis, tout s’est enchaîné. Au 17 mai, ces actions se sont à nouveau effondrées.

Ce type d’actions sur le marché n’a pas grand-chose à voir avec le capitalisme. Les spéculateurs de mèmes n’ont pas été guidés par une « main invisible » pour améliorer la vie des autres. Ils ne financent pas plus de cinémas chez AMC ou ne créent pas plus de jeux chez GameStop. Ils s’amusent simplement, avec de l’argent.

Henry Ford a montré comment le vrai capitalisme fonctionnait autrefois – avec de l’argent liquide, pas avec du crédit.

En 1914, il a doublé les salaires des ouvriers de son usine automobile de la rue Piquette. Avec 5 dollars par jour, ils faisaient alors partie des ouvriers les mieux payés des Etats-Unis. Et avec un prix d’environ 700 dollars, ils pouvaient acheter l’un des modèles T de Ford pour l’équivalent d’environ 140 jours de travail.

Le travailleur ordinaire achetait ses deux principaux biens – sa maison et sa voiture – avec ses économies et ne s’endettait pratiquement pas.

Aujourd’hui, le véhicule le plus vendu par Ford est le pick-up F-150, dont le prix de base est de 36 000 dollars. Trois acheteurs sur quatre le paient à crédit. Sans crédit (prêts automobiles et hypothèques), peu de gens pourraient s’offrir une maison ou une voiture.

L’année dernière, Newsweek a fait état d’un nouvel accord salarial pour les travailleurs de Ford :

« Les nouvelles recrues de Ford sont en passe d’obtenir une augmentation de 68% de leur salaire de départ, ce qui porte leur taux horaire à plus de 28 dollars (58 240 dollars par an). Toutefois, l’aspect le plus significatif de l’accord est le changement prévu pour les plus bas salaires de Ford. Pendant toute la durée du contrat, les salariés à bas salaires peuvent s’attendre à une augmentation de 150% de leur rémunération. »

Selon ces chiffres, il faut aujourd’hui plus de temps (plus d’heures passées au travail) à un ouvrier pour acheter sa voiture qu’il n’en fallait il y a 110 ans. Pourquoi ? Malgré les réalisations d’Alan Greenspan, de Mark Zuckerberg, de Roaring Kitty et d’autres, y-a-t-il quelque chose qui cloche ?

Le gouvernement de la nation la plus prospère du monde – les Etats-Unis – n’est pas en mesure de s’autofinancer ; il finance près d’un tiers de ses dépenses à crédit.

Et le public a tout acheté à crédit, des voitures aux cheeseburgers. Maintenant, qui va payer ses 65 000 milliards de dollars de dette ? Les citoyens de demain ? Avec quoi ? Avec plus de crédit ?

Les réponses à ces questions sont au coeur de notre recherche. Nous nous demandons comment les Etats-Unis ont pu accumuler autant de dettes… comment il se fait que leur économie semble servir les riches, mais pas le reste de la population… et pourquoi les Etats-Unis semblent maintenant se diriger au moins vers une crise, et très probablement vers une catastrophe.

Avec le recul, nous comprenons que lorsque les Etats-Unis sont passés de l’argent liquide au crédit, ils ont confondu le nouveau dollar avec une monnaie de tous les possibles.

Mais le crédit n’est pas de la liquidité. Et ce que nous finirons par découvrir, c’est combien vaut réellement le dollar aujourd’hui.

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