La Chronique Agora

Confrontée à un désastre économique, la France tourne le dos à la mondialisation (2/2)

Avec son Etat-providence pachydermique et sa fiscalité écrasante, la France est mal partie pour affronter les défis qui l’attendent dans les prochaines années – et l’Union européenne ne lui sauvera pas la mise.

La pandémie de Covid-19 a fait basculer la France dans une crise sans précédent, mais comme nous l’avons vu hier, le déclin ne date pas de cette année… et concerne de multiples domaines.

Un Etat-providence trop étendu et des prélèvements fiscaux écrasants

Les dépenses publiques françaises ont progressé sans répit, passant de seulement 10% du PIB au début du XXème siècle à 57% du PIB en 2019, soit le niveau le plus élevé parmi l’ensemble des pays (graphique 7) membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

D’après le Fonds monétaire international (FMI), la France a construit un gigantesque système d’Etat-providence, en dépensant pour des programmes sociaux dont le coût annuel représente 24% du PIB (soit 20% de plus que les pays homologues), en raison de pensions de retraites, d’allocations chômage, d’aides au logement et d’allocations familiales particulièrement généreuses.

La France consacre également environ 8% du PIB à un système de santé presque entièrement collectivisé (soit 15% de plus que les pays homologues) et quasiment 6% du PIB à l’éducation, ce qui est encore une fois supérieur à ses homologues, malgré des résultats moins favorables.

Le secteur extrêmement étendu des entreprises publiques bénéficie d’un soutien budgétaire qui représente environ 5% du PIB chaque année, soit 1,5 point de plus que dans les pays homologues.

La France est incapable de collecter suffisamment de taxes pour couvrir le montant colossal de ses dépenses publiques, malgré un niveau de prélèvements obligatoires déjà élevé. Le budget est en déficit depuis 1974 et la dette publique a été multipliée par cinq, passant de 20% du PIB en 1980 à 100% du PIB en 2019 (graphique 8).

La pression fiscale qui pèse sur les entreprises et les travailleurs reste substantielle. Avec un taux marginal de près de 35%, la France souffre d’un niveau d’impôt sur les bénéfices des sociétés qui est le plus élevé parmi les pays de l’OCDE. Les cotisations sociales collectées auprès des employeurs sont les plus élevées de l’Union européenne, à près de 12% du PIB (OCDE, 2019).

Cela alimente la fuite des capitaux vers l’étranger et le chômage, renforçant le cercle vicieux qui existe entre une croissance anémique et l’accumulation de dettes.

Des réglementations excessives

L’intervention excessive de l’Etat dans l’économie va au bien au-delà d’un secteur public particulièrement étendu, qui redistribue déjà plus de la moitié du PIB. Une myriade de normes et de réglementations grève l’initiative privée et l’emploi.

D’après le classement de la France dans l’Indice 2019 de compétitivité globale, la concurrence sur son marché intérieur est limitée par l’existence de subventions et de taxes génératrices de distorsions, ainsi que par des barrières élevées à l’entrée dans le secteur des services. Des barrières non tarifaires relativement élevées restreignent également la concurrence étrangère.

Plus important encore, le marché du travail souffre d’une rigidité particulièrement sévère, en raison du coût trop important des licenciements, du pouvoir des syndicats et du niveau élevé du salaire minimum qui a pour conséquence de fausser le ratio salaire/productivité.

En matière de taxation du travail, la France a le triste privilège d’être « parvenue » à se classer au dernier rang sur 141 pays. Ce n’est pas vraiment une surprise que le taux de chômage se soit maintenu obstinément au-dessus de 8% depuis la crise financière mondiale, alors qu’il est tombé en dessous de 4% aux Etats-Unis et en Allemagne.

Conclusion

Le dilemme auquel doit faire face le président Macron est compréhensible. Durant plusieurs décennies, l’économie française est entrée dans un cercle vicieux de ralentissement de la croissance et d’accumulation de dettes. Son système d’Etat-providence particulièrement généreux est encore moins soutenable dans une économie globalisée et des réformes libérales radicales sont nécessaires pour relancer la croissance.

Etant donné que de puissants mouvements sociaux sont parvenus jusqu’à présent à bloquer les réformes, Macron semble préférer utiliser la crise du Covid-19 pour protéger de la concurrence internationale le système français sclérosé d’Etat-providence.

Parallèlement, il appelle également à une mutualisation des dettes au sein de la Zone euro afin de permettre à la bulle de la dette française de continuer de gonfler. Mais cette nouvelle stratégie politique et économique va probablement échouer.

Premièrement, les projets de la France sont incompatibles avec l’architecture actuelle de l’Union européenne. Le marché commun européen est basé sur le principe de libre concurrence à travers le continent, avec une limitation des aides publiques et une politique commerciale extérieure commune. La France aurait besoin de convaincre l’ensemble des autres pays membre de l’UE de devenir protectionnistes, y compris les plus compétitifs, ce qui sera probablement impossible.

De la même manière, les pays membres de la Zone euro qui font preuve d’une plus grande rigueur budgétaire s’opposeront probablement au projet de mutualisation des dettes poussé par la France. Pour autant, le « Pacte vert pour l’Europe », au sommet du programme européen et qui implique potentiellement la mise en place d’une taxe carbone sur les produits importés, pourrait être une aubaine pour les projets du président Macron.

Deuxièmement, l’autarcie et la monétisation de la dette, réminiscences de la tradition mercantiliste et Etatiste de la France initiée par Colbert au XVIIème siècle, ne feront qu’accélérer le déclin économique. Comme Murray Rothbard l’a démontré en conduisant un raisonnement par l’absurde, le protectionnisme peut en effet assurer une forme « d’auto-suffisance ».

Cependant, cette « indépendance » implique une réduction du niveau de vie et une augmentation du temps de travail, car la destruction de la division internationale du travail entraîne une réduction de la productivité. Le problème du chômage pourrait s’atténuer et les salaires nominaux pourraient augmenter si la plupart des biens et services devaient être produits sur le territoire national et que la monnaie devait nécessairement être utilisée dans le pays, en particulier si une politique inflationniste était poursuivie, ce que la France semble privilégier.

Cependant, les prix augmenteraient également et le niveau réel des salaires baisserait drastiquement. De plus, en l’absence de commerce international et de coopération sociale, un monde ainsi fermé sur lui-même serait presque inévitablement meurtri par un climat de violence et de guerre perpétuelle. ​


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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