La Chronique Agora

Des carottes et des bâtons

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Après tout, pour les politiques il n’y a que ces deux possibilités pour tenter de pousser l’économie dans la direction qu’ils veulent. Sauf que les carottes commencent à manquer… 

Gina Raimondo est une des spécialistes de Washington. Le New York Times l’a qualifiée il y a quelques années d’« étoile montante » au firmament du parti démocrate. En 2016, elle s’est rendue au Forum économique mondial, où elle a sans doute appris quel était le plan de match. Et désormais, elle est secrétaire au Commerce des Etats-Unis… alors qu’elle ne connaît absolument rien au monde réel des affaires.

L’ignorance est une de ses qualifications professionnelles. Sinon, elle ne tiendrait pas de tels propos :

« Je veux que les États-Unis soient le seul pays au monde où chaque entreprise capable de produire des puces de pointe ait un poids important en matière de R&D et puisse en fabriquer en grande quantité. […] Les Etats-Unis ont l’obligation de montrer la voie. Nous devons accélérer les choses, comme jamais auparavant. »    

Mme Raimondo estime que ses envies concernant l’activité des entreprises américaines ont une certaine importance. Elle pense qu’elle doit non seulement guider l’économie américaine, qui pèse 24 000 Mds$, mais aussi « l’accélérer ».

Cela pourrait presque ressembler à un effort physique de la part de Raimondo : Mais à quel point peut-il être difficile de dépenser l’argent des autres dans le confort d’un bureau climatisé ? Ou d’imposer aux entreprises davantage de lois et de règlements qui les punissent lorsqu’elles ne font pas ce qu’on leur dit de faire ? Après tout, il n’y a que deux possibilités pour les motiver à aller plus vite : la carotte, ou le bâton.

Les modérés excentriques

Dans les années 1950, le président Dwight Eisenhower et le sénateur Robert Taft jouaient au golf et appréciaient la compagnie l’un de l’autre. Ils n’étaient pas toujours d’accord. Mais ils étaient les chefs de file du parti républicain et, sur les points importants, ils partageaient le même point de vue : y aller doucement sur la carotte et le bâton.

Les budgets devaient être équilibrés. Il fallait éviter les guerres à l’étranger. Et il fallait laisser le peuple poursuivre son bonheur comme il l’entendait. En d’autres termes, ne pas trop pousser.

Taft est mort en 1953. Eisenhower a pris sa retraite en 1961.

John F. Kennedy a remplacé Eisenhower à la Maison Blanche. Bien qu’il soit plus militant sur les questions sociales, Kennedy n’était cependant pas très éloigné d’Eisenhower sur les questions fiscales et étrangères. Il avait pour objectif de mettre au pas le complexe militaro-industriel… et la CIA – contre lesquels Eisenhower l’avait mis en garde –, lorsqu’il fut assassiné en 1963.

Depuis lors, les partis démocrate et républicain ont été pris en main par une nouvelle race de politiciens. En public, les deux partis se déchaînent l’un contre l’autre. Mais sur les questions importantes – la carotte et le bâton –, ils sont plus unis que jamais. Les deux partis en veulent plus. Et les opinions modérées de l’ère Eisenhower-Kennedy sont aujourd’hui qualifiées d’« extrême droite ». Ou, dans le cas de RFK Jr, « excentriques ».

Autrefois, les actions des deux partis étaient prévisibles, et équilibrées. Les républicains pensaient qu’un gros gouvernement était un monstre au sein du pays… mais un ange à l’étranger, où il avait la possibilité de corriger les erreurs commises par les autres pays. Les démocrates considéraient que la puissance américaine était diabolique à l’étranger… mais qu’elle poussait des ailes au sein du pays, où elle pouvait aider les pauvres et les opprimés.

A court de carottes

Aujourd’hui, les deux partis pensent que le gouvernement fédéral est un archange partout où il se trouve, et que la solution à tous les problèmes – intérieurs et extérieurs – consiste à multiplier les carottes et les bâtons.

Hélas, le gouvernement arrive à court de carottes. KPBS rapporte :

« Le département du Trésor a annoncé jeudi que le déficit budgétaire entre octobre et juin s’élevait à près de 1 000 Mds$, soit une augmentation de 170% par rapport à la même période de l’année précédente. Le gouvernement fédéral fonctionne selon un exercice fiscal qui commence le 1er octobre.

Le déficit s’est creusé à la fois en raison d’une forte augmentation des dépenses publiques et d’une baisse significative des recettes fiscales.

Maya Macguineas, présidente du comité pour un budget fédéral responsable, s’interroge : ‘Comment peut-on penser que cette tendance peut être durable ?’ »

On peut se poser des questions. Comment le gouvernement américain peut-il dépenser 100 Mds$ pour une guerre en Ukraine, 52 Mds$ supplémentaires au niveau national, dans le cadre du gâchis de l’industrie des puces de Mme Raimondo, et encore 50 Mds$ pour renflouer les banques régionales ?

Comment peut-il ne serait-ce que penser aux milliers de milliards qu’il pourrait consacrer à l’agenda vert ?

Un « acte grotesque »

Ou, trois ans plus tôt, durant l’ère Trump, comment nos dirigeants – républicains et démocrates confondus – ont-ils pu imaginer qu’ils pourraient stopper la quasi-totalité de l’économie… pour un coût de 16 000 Mds$… en distribuant de l’argent de manière si imprudente que l’ancien directeur du budget américain (sous Ronald Reagan), David Stockman, l’a qualifié de « l’acte de malfaisance fiscale le plus grotesque de l’histoire des Etats-Unis ».

Depuis le début de ce siècle, les autorités ont distribué 27 000 Mds$ de carottes… qu’ils n’avaient pas (comme le montre l’augmentation de la dette). Eisenhower, Taft et Kennedy seraient tous consternés. Où étaient les conservateurs à ce moment-là ? Les républicains ? Où étaient ceux qui ne sont pas complètement décérébrés ?

Ils ont été éliminés des deux partis. Les dépenses vont bon train.

Les pacifistes ont aussi disparu. Nous reviendrons sur le sujet… et sur le déclin de l’utilité marginale des bâtons… demain.

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