La Chronique Agora

Un autre type d’abrutissement

Les Etats-Unis viennent de dépenser 95 milliards de dollars qu’ils n’avaient pas, pour des avantages qu’ils n’obtiendront jamais.

Hier, nous nous sommes posés la question suivante : les décideurs chinois sont-ils aussi stupides que les décideurs américains ? Et celle-ci est restée ouverte.

Il semble presque évident que la réponse est « oui ». Mais il pourrait s’agir d’un autre type de stupidité.

Nous sommes tous humains… trop humains, comme l’a dit Nietzsche. La peur, la cupidité, la jalousie, la haine, la soif de pouvoir, la connivence, la générosité, le patriotisme – les éléments de base sont toujours présents. Mais les structures de pouvoir, comme l’ordre mondial de l’après-Seconde Guerre mondiale, changent.

Aujourd’hui, nous allons mettre de côté le bien et le mal, le bon et le mauvais… et nous allons nous pencher sur le type de changement qui pourrait survenir.

Dans le dernier projet de loi américain sur l’aide à l’étranger, nous pouvons identifier de nombreuses caractéristiques « négatives » du caractère humain. Le vol, la corruption, l’illusion, la stupidité, l’orgueil, tout y est. La nature de cette stupidité est routinière ; mais son niveau est peut-être extraordinaire.

Repo russe

En ce qui concerne le vol, la mesure comprend une section « Repo » qui permet aux autorités fédérales de voler des biens appartenant à des Russes. C’est comme si, en réponse à l’invasion américaine de l’Irak, la France avait saisi les comptes bancaires des Américains à Paris.

La corruption est palpable.

L’effet voulu de cette mesure est en réalité de faire monter les enchères pour les armes fabriquées aux Etats-Unis. L’argent va des Etats-Unis aux décideurs d’Israël, de Taïwan et d’Ukraine. Ils en prélèvent une partie pour eux-mêmes. Les Taïwanais en prennent un peu. Les Ukrainiens en prennent beaucoup. Le reste revient à l’industrie américaine de la puissance de feu, d’où une partie est acheminée vers les « think tanks » et les politiciens qui votent… surprise !… pour toujours plus de guerre.

Les Etats-Unis ont consacré 43% de leur PIB à la défense pendant la Seconde Guerre mondiale. Les produits de consommation de luxe avaient presque disparu des rayons. Les Américains se sont serré la ceinture pour gagner la guerre.

Aujourd’hui, « c’est la survie même d’Israël qui est en jeu », déclare Mike Johnson. Mais malgré tous les discours sur cette « bataille existentielle », les Israéliens ne semblent pas particulièrement inquiets. Ils ne consacrent que 5,3% de leur PIB à leur armée, comptant sur Trump, Biden, Johnson et autres consorts pour leur fournir l’argent dont ils ont besoin.

Qu’en retirent les contribuables américains ? Nous n’en savons rien. Mais si les Palestiniens avaient le même pouvoir politique aux Etats-Unis que les Israéliens, nous leur enverrions de l’artillerie et des avions, plutôt qu’à leurs ennemis. Le gouvernement américain a été acheté.

L’illusion de la démocratie

Ensuite, il y a l’illusion que l’Ukraine est une démocratie modèle et qu’en lui envoyant plus d’argent, elle gagnera la guerre et le monde s’en portera mieux. Même les Ukrainiens n’y croient pas. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Américains faisaient la queue dans les bureaux de recrutement, désireux de « faire leur part du travail ». Ce n’est pas le cas en Ukraine. Le New York Times rapporte :

« Dans l’ouest de l’Ukraine, les conscrits courent et nagent pour éviter la guerre »

Nous ne connaissons pas mieux l’avenir que Johnson, Graham, Frum, Biden, Clinton ou Trump. Mais toute personne ayant une perspective historique, militaire ou culturelle sait qu’il y a toujours une partie cachée de l’histoire. Zelensky a interdit onze partis d’opposition, pris le contrôle des informations télévisées, annulé des élections, interdit de parler russe et persécuté les chrétiens orthodoxes.

Quelle sorte de démocratie est-ce là ? Poutine a-t-il vraiment l’intention de détruire l’Europe ? Où sont les preuves ? Plus précisément, les Américains ont-ils une raison de se soucier de savoir qui gagnera la bataille pour les provinces russophones de l’Ukraine ?

Les Etats-Unis viennent de dépenser 95 milliards de dollars qu’ils n’avaient pas pour des avantages qu’ils n’obtiendront jamais. Une analyse coûts-bénéfices classique révèle des coûts réels énormes, et des bénéfices improbables ou impondérables. Alors pourquoi le faire ? Plus de sécurité ? C’est peu probable. Plus de paix ? Pas du tout. Plus de prospérité ? Tout le contraire.

Tout ce qu’elle obtiendra à coup sûr, c’est une augmentation de l’endettement – environ 1 000 dollars par ménage.

Des taux plus élevés, des actions en baisse

Les emprunts supplémentaires exerceront une pression à la hausse sur les taux d’intérêt. L’argent quittera alors le marché boursier pour les taux plus élevés des obligations. La valeur des actions diminuera. Les prix à la consommation augmenteront (poussés par des déficits plus importants)… Les Américains s’appauvriront… et la tendance primaire suivra son cours.

Mais attendez, ce n’est pas tout.

L’orgueil. Pourquoi renforcer la puissance militaire américaine pour « contrer » l’influence chinoise ? Pourquoi interdire TikTok ou subventionner l’industrie américaine des puces électroniques ? Pourquoi faire de la Chine un ennemi ? Pourquoi chercher à « dominer l’Asie » ?

Est-ce parce qu’une collaboration pacifique et mutuellement bénéfique avec la Chine ne profiterait pas au système politique corrompu, à l’industrie de la puissance de feu, à ses lobbyistes et à ses groupes de réflexion, aux hommes politiques qui reçoivent son argent et votent dans son sens ? Une relation gagnant-gagnant avec la Chine n’augmenterait pas les prix à la consommation, ne ferait pas grimper la dette américaine, ne contribuerait pas à la hausse des taux d’intérêt et à la baisse des prix des actifs.

Elle ne donnerait pas non plus aux va-t-en-guerre à la noix une raison de passer à la télévision et d’en parler.

Lundi, nous nous intéresserons au « nouvel ordre mondial ». Nous verrons que les Chinois, bien qu’humains, sont peut-être d’une autre trempe… et que les politiques étranges des Etats-Unis pourraient en fait les aider à atteindre la gloire qu’ils recherchent.

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