La Chronique Agora

Wall Street ne lâche rien, le CAC 40 hésite

▪ Après le « faux pas » de la semaine du 19 au 23 mars, les gérants abordaient avec confiance la dernière semaine du premier trimestre 2012. Les habillages de bilans devaient logiquement ramener les indices boursiers à proximité des sommets de la mi-mars, d’autant plus que les actions sont censées profiter des récents dégagements observés sur les marchés obligataires, jugés outrageusement surévalués maintenant que le risque de dislocation de la Zone euro est conjuré.

La séance de jeudi devait voir les acheteurs sortir de leur réserve avec un CAC 40 revenu au contact des 3 400 points. Il y avait aussi le baril de WTI, qui amorce enfin sa décrue sous les 104 $ à New York, suite à la publication de stocks de pétrole et de carburants bien plus élevés que prévus aux Etats-Unis. Sans négliger le fait que Wall Street n’avait pratiquement rien lâché mercredi soir (à peine 0,5%), Apple battant un nouveau record absolu à 621,45 $ à quelques minutes de la clôture.

Nous pourrions rajouter la publication d’une étude qui a fait le buzz dans les salles de marché jeudi. Elle propose une refonte des méthodes de valorisation des actions par le biais d’une meilleure prise en compte des actifs immatériels comme les brevets, le patrimoine industriel, le portefeuille de marques mondialement réputées.

Après passage au crible des valeurs du CAC 40, il en ressort que ce dernier devrait plutôt tendre vers 5 000 que 3 300 points. Mais rien à faire, la Bourse de Paris aligne une troisième séance de repli d’affilée. Elle s’est avéré la plus sévère avec -1,5% et un plus bas du jour inscrit à 3 374,5 points ; ceux qui détenaient des options d’achat de type turbo avec un prix d’exercice de 3 375 se sont vus désactivés pour 0,5 point d’indice !

▪ L’Europe morose
Paris ne s’en tirait pas le plus mal puisque ailleurs en Europe, les scores moyens avoisinaient plutôt -2%, avec une perte de 1,8% à Francfort et une chute de 3,3% à Milan. La plupart des banques italiennes ont dévissé de 6%, une débâcle qui n’a pas suscité beaucoup de commentaires sur les sites d’informations économiques européens : rien à craindre, les deux « super Mario » veillent au grain !

Madrid ne cédait en revanche que 0,9%, malgré une grève générale très suivie contre l’austérité (le gouvernement de M. Rajoy présente ce vendredi un nouveau projet de budget pour l’Espagne, placé sous le signe d’une extrême rigueur).

Au Portugal, pas question en revanche d’aller plus loin en matière de rigueur : la récession s’avère bien plus sévère que prévue en 2012 (elle pourrait atteindre -3,4%), et aucun redressement de l’activité n’est anticipé avant 2014. Le pays pourrait avoir besoin d’un nouveau plan d’aide… qui n’aura évidemment rien à voir avec une quelconque forme de restructuration à la grecque.

▪ Des questions qui fâchent
Si les marchés se mettent à broyer du noir, ce n’est qu’un épisode de déprime passager. De quoi pourraient-ils s’inquiéter puisque notre ministre de l’Economie préconise la mise en place d’un pare-feu de 1 000 milliards d’euros ! Ca en imposerait, non ?

Mais pourquoi dresser face aux méchants spéculateurs une telle muraille d’argent ?

Un super-MES répondrait-il à un besoin que les marchés auraient négligé ?

La crise n’est-elle pas résolue, oubliée, loin derrière nous, selon notre président ?

Et si jamais il fallait « prêter » — soyons raisonnables — 500 à 600 milliards d’euros pour rétablir les équilibres budgétaires de tel ou tel pays du sud passagèrement à court de liquidités… qui garantirait en dernier ressort les sommes prélevées automatiquement par les autorités de Bruxelles sous l’injonction d’une troïka constituée dans l’urgence ?

Les 107 milliards d’euros de restructuration de la dette grecque sont bel et bien financés par les contribuables européens, à due concurrence du poids économique des différents pays contributeurs au fonds de secours de l’Eurozone. Pour la France, cela représente un second « trou de la Sécu »… et comme chacun le pressent, la Grèce est loin d’être guérie !

Attendez que l’Eurozone soit appelée à renflouer l’Espagne : les contribuables français vont avoir besoin de beaucoup d’aspirine !

▪ Wall Street échappe à la gueule de bois
Pas de gueule de bois en revanche pour Wall Street après un premier trimestre au champagne, même si les indices américains alignent une troisième séance de repli.

Pas grave puisque le bilan de la semaine reste positif — et c’est bien là le principal. Cela même si les places européennes lâchent 2,5% au cours de la même période.

Les investisseurs américains ont démontré ce jeudi en fin de séance qu’ils avaient à coeur de terminer le premier trimestre à proximité des sommets annuels. La dernière demi-heure de la séance a été marquée par un joli coup d’accélérateur sans aucun lien avec une actualité ou une déclaration d' »Helicopter Ben » pouvant servir de catalyseur.

Le mouvement a été particulièrement remarquable sur le Dow Jones, qui est repassé de -0,3% à +0,16% en quelques minutes. Idem pour le Nasdaq Composite (-0,3%), qui a « raccroché » les 3 100 points avant de reperdre 0,2% au cours des ultimes secondes.

Son alter ego le Nasdaq 100 recule d’autant, ce qui ramène sa performance annuelle à un peu moins de 22%, c’est-à-dire tout juste trois fois la progression du Dow Jones (+7,6%) ou du CAC 40 (+7%).

La bulle pourrait encore gonfler d’ici ce vendredi soir à Wall Street si l’Europe se lance dans un baroud d’honneur pour tenter d’oublier qu’un pare-feu de 1 000 milliards d’euros est à l’échelle des difficultés qui nous attendent.

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