La Chronique Agora

Les vraies priorités de l’Elysée

tokyo, japan - may 31 2023: Art installation depicting the title of the American romantic comedy-drama television series Emily in Paris made in polystyrene in front of a pink roses floral background.

Pas question de perdre « Emily in Paris », même pour 100 Mds€ !

Un suspense insoutenable mobilise toute l’attention de l’Elysée depuis une semaine… mais il va vous falloir deviner lequel, car les fausses pistes ne manquent pas !

En effet, les 100 Mds€ de déficit du budget 2024 font l’effet d’une bombe auprès de nos créanciers et des agences de notation (Fitch maintient notre notation à « AA-« , assorti d’une anticipation négative). Le « A+ » semble inéluctable, car le projet de budget 2025 – et ses 60 Mds€ de déficit – semble insuffisant pour redresser la barre vers les -5%…

Mais non, Emmanuel Macron n’a pas fait un seul commentaire à ce sujet.

Alors, peut-être s’agit-il de la polémique sur la hausse de 3 M€ du budget du « château » (dont bénéficie essentiellement le couple présidentiel et ses conseillers), quand le gouvernement exige un effort de la part de « tous les Français », et que Michel Barnier s’en remet à la devise cardinale des cabinets de conseil « faire plus avec moins » ?

Mais non, pas un mot là-dessus, non plus.

Alors, peut-être le président s’inquiète-t-il de la grogne suscitée par ses largesses financières et militaires accordées à l’Ukraine ? Il s’est servi sans retenu du chéquier de la France : le cumul s’élève désormais à 50 Mds€ en 30 mois (41 Mds€ de contribution aux 241 Mds€ versés par l’UE, +6 Mds€ de dons directs, +3 Mds€ en matériel offert mercredi dernier lors de la visite de Zelenski) sans jamais en référer au Parlement.

Comme si Bruxelles (comprenez Ursula von der Leyen, devenue le fondé de pouvoir de Washington en Europe) n’avait que lui comme interlocuteur… Mais non, il n’entend pas les critiques et se félicite d’aider l’Ukraine « jusqu’au bout ».

Alors que les finances françaises sont tellement exsangues qu’il a fallu allonger les carrières de deux ans pour récupérer 15 à 18 précieux milliards d’euros d’ici 2027 pour les retraites (soit 1/3 des dons à l’Ukraine), l’Elysée déverse sans compter l’argent public – votre argent – dans le tonneau des Danaïdes ukrainien.

Combien de dizaines de milliards détournés par l’entourage de Zelenski en deux ans et demi ? Combien de dizaines de milliards dans les poches du complexe militaro-industriel US ?

Combien dans celle des producteurs de GNL américains depuis l’embargo sur le gaz russe, surtout le sabotage de Nordstream ? Au fait, avez-vous jamais entendu le président prononcer une seule fois ce mot en deux ans, ou s’interroger sur les auteurs du pire acte terroriste ayant jamais nuit aussi gravement aux intérêts économiques européens ?

Imaginez la réaction américaine si un oléoduc reliant le champ pétrolifère situé dans les eaux mexicaines aux raffineries texanes avait été détruit aux explosifs ! Pensez-vous que le nom des coupables ne serait pas connu 24 mois après les faits, puis lourdement sanctionnés, y compris militairement ?

Peut-être l’Elysée s’inquiète-t-il des conséquences juridiques et constitutionnelles d’un budget 2024, validé par le président en toute connaissance de cause, et qui apparaît complètement falsifié ?

Imaginez le vendeur d’un bien immobilier déclarant sur l’honneur que son bien vaut 300 000 € (le prix marché dans son quartier), alors qu’il sait pertinemment que la chaudière (la croissance) va rendre l’âme, que la cuve (les recettes fiscales) est vide, alors que la jauge de Bercy indique 1/2 plein, qu’il va falloir tout désamianter (imposer une cure d’austérité à un Etat obèse), que les canalisations fuient de partout (d’énormes flux de liquidités aliment des « cabinets conseil », des « comités Théodule » et autres « associations » avec des experts grassement payés, mais dont les précieuses études restent lettre morte, ou s’avèrent n’être que de vulgaires copier/coller de données déjà existantes).

Nous aurions également pu filer la métaphore en prenant l’exemple d’un chef d’entreprise qui trompe ses actionnaires sur ses ventes, ses marges et les profits futurs, puis les créanciers sur le niveau d’endettement réel et la trajectoire très négative des « cash flows« . Des « activistes » réclameraient immédiatement la démission du CEO (plus une action en justice pour tromperie), la révocation des membres du conseil d’administration qui ont validé des perspectives qu’ils savaient fausses, puis un procès à l’encontre des auditeurs qui ont certifié des comptes reprenant des éléments manifestement falsifiés.

Mais non, l’Elysée ne tremble pour aucun des points énoncés ci-dessus…

Emmanuel Macron, en effet, se mobilise pour que la série à l’eau de rose Emily in Paris ne devienne pas pour la prochaine saison Emily in Rome.

Et on le comprend, puisque Brigitte y joue son propre rôle dans quelques scènes ménagées (ou négociées au plus haut niveau) par les producteurs. Le président affirmait dans une récente interview accordée à Variety qu’il est « très fier » de l’apparition de sa femme et qu’il pensait la série était « super positive en termes d’attractivité pour le pays ».

Pour m’être infligé le visionnage des premiers épisodes, je peux vous certifier que la série déroule tous les clichés sur les Français qui avaient déjà cours dans Un Américain à Paris (la bande son géniale et le talent des acteurs en moins), dans une capitale en carton-pâte « disneyfiée », avec des personnages propres sur eux, débitant des dialogues bienpensants à souhait, dans des décors d’éternelle carte postale.

OK, c’est un parti pris de distraire et de faire rêver, mais ce Paris et ces Parisiens-là ont disparu à la fin des années 1970, il y a 50 ans.

En tout cas, Emmanuel Macron apparaît clairement déterminé à s’investir pour éviter la délocalisation de la série à Rome (ah, l’attrait de la Dolce Vita, la vraie !) – au plus grand soulagement d’une équipe de tournage et de scénaristes qui en ont peut-être assez de devoir « réinventer » en permanence un Paris qui n’existe plus et qui s’est transmuté en une capitale mondiale des embouteillages : 7 000 « travaux » (dont 90% sont des chantiers bidons ayant pour seul but de restreindre ou de bloquer les voies de circulation), du périph’ à 50, de la saleté, de l’insécurité dans les transports en commun… et des Parisiens de mauvais poil et mal habillés qu’ils évitent à tout prix de filmer en live aux heures d’affluence.

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