La Chronique Agora

Les vraies origines de la crise

En toute discrétion, la Fed a injecté des liquidités en urgence dans le système financier ce mardi. Cela attire l’attention sur un phénomène fondamental mais mal compris.

Une crise ne peut venir de ce que l’on connaît ; c’est le surgissement de l’inconnu.

La crise a pour origine la prétention que l’on connaît, que l’on maîtrise – donc la crise a toujours pour origine à la fois une certitude et une ignorance. Plus on est prétentieux, comme Ben Bernanke, plus on produit les circonstances de la crise.

Nous disons souvent que c’est la rupture d’un invariant, ce qui est une autre façon de le formuler.

Le grand mythe — mais il y en a d’autres –, c’est le mythe selon lequel on peut traiter tous les problèmes par « l’injection de liquidités ». En noyant.

L’ennui, c’est que la liquidité la plus importante, ce n’est pas la liquidité domestique, la liquidité que les banquiers centraux croient maîtriser.

Non, la liquidité la plus importante, c’est celle qu’ils ignorent, ne mesurent pas, c’est celle qui est produite par l’utilisation de la capacité bilancielle des grandes banques, par l’inconscient du système mondial ; elle leur échappe. C’est la liquidité en « dollars » hors des Etats-Unis.

Cette liquidité, c’est le grand mystère, c’est le trou noir de nos ignorances.

La liquidité globale en « dollars », une question centrale que le consensus et l’establishment occultent !

Une monnaie morte qui n’assure pas ses fonctions de base

Jeffrey Snider, directeur de la recherche monde au sein du fonds Alhambra Partners, est un des rares observateurs à se focaliser sur la liquidité internationale en « dollars », c’est-à-dire en dollars extérieurs aux Etats-Unis.

Pour lui, l’aspect le plus important d’une monnaie de réserve, c’est cette fonction d’intermédiaire des échanges. D’assurer la fluidité. Il considère, à juste titre selon nous, que le « dollar » est l’oxygène, le catalyseur des échanges internationaux ; c’est sa raréfaction qui est l’une des causes du ralentissement économique observé depuis la mi-2018.

Nous intégrons les idées de Snider dans nos analyses, même si elles ne sont pas fondées sur les mêmes bases.

Nous pensons, comme Snider, que la politique monétaire non-conventionnelle ne crée pas de la vraie monnaie, que c’est une monnaie Canada Dry, morte, qui n’a pas les fonctions monétaires vitales.

Nous rejoignons Snider sur sa critique des autorités monétaires, sur le pessimisme sur la Chine, sur l’importance centrale de la capacité bilancielle des grandes banques, sur l’importance des dérivés et du maintien du risk-on pour la fluidité monétaire globale etc.

Snider attache une très grande importance à ce qui se passe sur les collatéraux, car ce sont les collatéraux qui permettent, par leur mise en garantie, d’obtenir des liquidités en dollars.

Snider analyse la crise de 2007 non pas comme une crise des subprime – laquelle n’a été qu’un prétexte ou une cause proche –, mais comme une crise du système de refinancement en eurodollars : les tuyaux se sont bouchés.

Le déclin chinois vient du manque, chronique maintenant, de « dollars » pour le système chinois.

Ce qui reste difficile à comprendre et donc à expliquer, c’est la chaîne de transmission organique des effets de la raréfaction du « dollar » dans le monde global. Mais cela progresse.

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