La Chronique Agora

USA : des politiques pour contenir la menace russe (2/3)

La guerre froide a repris entre les Etats-Unis et la Russie. Le conflit a lieu autour des terres et des ressources, mais s’est aussi déplacé vers les sphères financière et cybernétique.

L’hégémonie américaine est bien mal en point, comme nous l’avons vu hier. Mais quel est désormais le plus grand ennemi de l’empire ? Aujourd’hui, nous nous penchons sur le cas de la Russie…

Malgré l’affaire Navalny, Vladimir Poutine reste le leader incontesté de la Russie : il a émergé de la tourmente post-soviétique, où le chaos et le crime organisé régnaient en maîtres. Aucun dirigeant occidental n’a une histoire politique aussi dure : Poutine est un survivant, un coriace, qui contrôle la Russie d’une main de fer.

Pour les Etats-Unis et pour l’OTAN, c’est important, notamment pour la politique en Ukraine, dans le Caucase, en Syrie, en Iran et en Turquie. Toute tentative américaine de terminer le travail en Ukraine (un conflit tripartite couve déjà entre la Russie, l’Allemagne/UE et les Etats-Unis au sujet des gazoduc Nord Stream, qui priveraient l’Ukraine de revenus de transit) mènerait probablement à des confrontations avec la Russie sur le terrain.

Le pays a également signé un pacte de coopération militaire avec l’Iran en 2015. Comme un chat avec une souris, Poutine joue avec la Turquie, qui souhaite installer des gazoducs vers le sud de l’Europe, et tente de l’éloigner de l’OTAN.

La Russie a aussi intérêt à maintenir la Syrie en dehors de la sphère d’influence américaine, ce qu’elle est parvenue à faire avec l’aide d’Istanbul.

Elle porte aussi le conflit ailleurs que sur le terrain…

La cyberguerre bat son plein

Les analystes militaires nous disent depuis un moment déjà que nous sommes en pleine cyberguerre avec la Russie : elle a été accusée d’interférer avec les élections et de promouvoir des théories du complot – dernièrement lors de l’élection présidentielle américaine en novembre 2020.

Ces allégations ne s’appuient sur aucune preuve : il ne s’agit que des déclarations de sources gouvernementales, qui ont les antécédents que l’on sait en matière de « vérité ». Quelle que soit cette vérité, qui dit « guerre cybernétique » dit aussi propagande.

Depuis le début du millénaire, la Russie a été attaquée par le biais de perturbations dans les paiements en dollars et, dans une moindre mesure, de sanctions imposées à des proches de Poutine.

La menace monétaire, justifiée à l’origine par l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2014, a mené à l’effondrement du rouble et à une augmentation des taux d’intérêts. La nouvelle guerre froide avait pris un tour financier. La réponse russe a été de réduire autant que possible la dépendance de son économie face au dollar. La banque centrale a vendu ses réserves de dollars et les a remplacées par de l’or. Elle a également mis en place un nouveau système de paiement pour limiter sa dépendance au système de paiements interbancaires SWIFT.

La Russie a survécu à toutes les attaques financières et a renforcé sa résistance à cette menace pour l’avenir. Un point pour elle. Il existe tout de même un coût caché : l’investissement occidental est aujourd’hui quasi-exclusivement européen (plus particulièrement dans les industries pétrolières et gazières).

Une kleptocratie limitée

Fondamentalement, le pays est une kleptocratie, et le progrès économique y est sévèrement limité. La Russie étant le premier exportateur mondial d’énergie, la politique occidentale de décarbonisation représente aussi une menace à moyen et à long terme, susceptible de mettre un terme aux arguments de vente russes.

Pour cette raison, entre autres, la Russie s’est tournée vers la Chine comme partenaire et protecteur économique. En retour, la Russie, riche en matières premières, fournit une énergie très précieuse aux yeux de la Chine.

La plus grande erreur commise par la Russie est sans doute l’assassinat de plusieurs dissidents célèbres en territoire étranger. Après l’assassinat de Litvinenko, il a fallu des années pour normaliser les relations diplomatiques avec le Royaume-Uni.

La mort de plusieurs oligarques russes sur le territoire britannique ces dernières années a été attribuée au crime organisé et non à l’Etat russe, mais la tentative maladroite d’assassinat de Sergei Skripal à Salisbury par des agents du GRU, il y a trois ans, devrait empêcher encore un bon moment toute tentative de rapprochement.

Le partenariat géopolitique russo-chinois

Halford Mackinder fut l’une des premières personnes à identifier l’importance géopolitique des ressources russes dans un document rédigé pour la Royal Geographical Society en 1904.

Il a ensuite développé ses arguments dans sa théorie du Heartland. Mackinder affirmait que le contrôle de ce « heartland », le territoire situé entre la Volga et le Yangtze, octroyait aussi le contrôle de « l’île-monde », son terme pour désigner l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Plus d’un siècle plus tard, la théorie de Mackinder a trouvé un écho auprès des deux principaux pays derrière l’Organisation de Shanghai pour la coopération (SCO).

L’idée sous-jacente est que l’Amérique du Nord et du Sud, la Grande-Bretagne, le Japon et l’Australasie, sont finalement périphériques et moins importantes que l’île-monde de Mackinder.

Il fut un temps où la primauté de la Grande-Bretagne, puis de l’Amérique, dépassaient leur importance, mais cette époque pourrait bien être révolue. Si Mackinder dit vrai au sujet de la remise en question de l’importance des ressources non-développées, la Russie est en bonne voie pour devenir, avec la Chine, le partenariat national le plus puissant de la planète.

Jamais nous n’avons vu de plus grande remise en question de la puissance économique et de la suprématie technologique américaines. La Russie et la Chine sont, par ailleurs, clairement déterminées à laisser tomber le dollar.

Nous ne savons pas ce qui le remplacera, mais le fait que la banque centrale russe et presque toutes les banques centrales et tous les gouvernements de la SCO augmentent leurs réserves d’or depuis un moment maintenant pourrait nous donner des indices précieux pour déterminer comment les représentants de trois milliards d’Euro-asiatiques – soit près de la moitié de la population mondiale – voient l’avenir de l’argent transasiatique.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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