La Chronique Agora

Trump – Powell : bras de fer à la Fed

Donald Trump menace régulièrement de limoger Jerome Powell, président de la Réserve fédérale. Mais en a-t-il vraiment le pouvoir ?

Est-ce que le président Trump a l’autorité lui permettant de limoger le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell ? Et comment réagiraient les marchés si cela arrivait ?

Le duel entre le président Trump et Jerome Powell fait régulièrement les gros titres, dans les médias, comme nous le savons tous.

Un jour, Trump déclare que Powell doit être « viré » car il ne baisse pas les taux d’intérêt. Le lendemain, il déclare qu’il ne « virera » peut-être pas Powell, après tout.

Est-ce que Trump détient cette autorité ?

De son côté, Powell a déclaré que le président n’avait pas le droit de le limoger et qu’il n’avait aucune intention de démissionner.

Pour Powell, il ne s’agit pas uniquement de conserver son emploi. En fait, il a occupé différentes fonctions au sein du gouvernement américain, depuis 1990 (et il a aussi travaillé dans le secteur de la banque d’investissement). Alors il est probablement impatient de prendre sa retraite, et il ne regrettera pas de laisser la Fed derrière lui.

Mais Powell reste pour défendre l’indépendance de la Fed. Il pense que si les présidents de la Fed peuvent être intimidés par le président des Etats-Unis, alors la Fed perdra toute crédibilité aux yeux des investisseurs et des banques centrales du monde entier.

La question de savoir si Trump a le droit ou non de limoger Powell dépend de certains postulats. La loi permet au président des États-Unis de limoger le président de la Fed « pour un motif valable ». Mais la définition du motif valable n’est pas claire.

Dans la plupart des circonstances, un motif valable serait notamment un crime, ou même des activités non criminelles s’il s’agissait de fausses déclarations, de violations des politiques et procédures internes, de la non prise en compte d’actions malveillantes entreprises par d’autres, et de toute violation des devoirs fiduciaires de l’institution. Il pourrait également s’agir d’autres violations ne constituant peut-être pas un crime, comme trafiquer les registres des dépenses, détourner des fonds à des fins non autorisées, etc.

Mais on ne sait pas trop jusqu’où la définition d’un motif valable peut aller.

La Cour suprême des Etats-Unis pèse dans la balance

Dans de récentes affaires, la Cour Suprême a conféré à Trump l’autorité de limoger certains responsables d’agences, avec ou sans motif valable.

Mais la Cour a exclu le président de la Fed de cette catégorie car la Réserve fédérale est une entité hybride publique/privée inhabituelle, qui est détenue par des banques privées. Cependant, cette remarque correspondait à un « dictum », en termes juridiques, c’est-à-dire à un commentaire formulé en marge, et non à un principe fondamental dans cette affaire qui impliquait d’autres agences. La Cour suprême devrait revoir ce dictum et rendre une autre décision, si elle devait statuer sur une affaire impliquant un licenciement à la Fed.

En gros, personne ne sait vraiment si Trump a le droit de limoger Powell, à moins d’avoir un « motif valable » bien défini.

Mais Powell a peut-être fait le jeu de Trump, à cet égard.

La Fed est en train de rénover et d’agrandir son siège de Washington D.C. pour un coût s’élevant à plusieurs milliards de dollars. Powell a récemment témoigné sous serment devant le Congrès, en ce qui concerne ce projet. Et il semblerait que ses remarques ne correspondent ni à son envergure ni à son coût.

Est-ce une fraude ? Est-ce suffisamment grave pour constituer un motif de licenciement valable ? Là encore, personne ne le sait, mais, à mon avis, cela pourrait suffire.

Si Trump le limogeait, il est peu probable que Powell porterait l’affaire en justice. En fait, si Powell voyait arriver cette éventualité, il se pourrait qu’il démissionne avant, pour éviter d’entacher une carrière dans la fonction publique qui remonte à 1990.

Mon conseil à l’équipe de transition de Trump était de ne pas limoger Powell. La raison n’avait rien à voir avec la loi, mais avec la politique. Le mandat de président de la Fed de Powell s’achèvera en mai 2026, de toute façon. Si Trump limoge Powell aujourd’hui et nomme un remplaçant, Trump aura la main sur la Fed. Alors en cas de ralentissement économique, il sera considéré comme responsable.

En maintenant Powell à ses fonctions, Trump peut s’en servir comme bouc émissaire et le rendre responsable de tout. C’est peut-être son intention, auquel cas on peut considérer que tout le cirque et les insultes font partie d’un plan orchestré pour que Powell soit tenu pour responsable en cas de mauvais résultats économiques.

Pour sa part, Powell se sent obligé de s’accrocher à ses fonctions afin de défendre l’indépendance de la banque centrale et de montrer qu’elle ne peut être intimidée par le président. Powell tenant bon et Trump s’amusant à le dénigrer, ce cirque pourrait durer un certain temps.

Si Powell quittait ses fonctions, soit parce qu’il aurait été limogé, soit parce qu’il aurait démissionné, les marchés réagiraient mal pendant un jour ou deux, et les actions baisseraient. Je pense que cette réaction ne durerait pas longtemps et que le marché actions reprendrait son cours une fois qu’un remplaçant approprié serait nommé.

Trump doit faire attention à ce qu’il souhaite

Toute cette affaire est peut-être en train de se calmer.

Le 24 juillet, Trump et Powell ont fait le tour du chantier de rénovation de la Fed en arborant des casques de protection. Bien entendu, Trump est expert en matière de construction de bâtiments, alors il est assez à l’aise, sur un chantier.

Au cours de cette visite, Powell a reconnu qu’il s’était peut-être trompé sur certaines estimations des coûts, lors de son témoignage devant le Congrès. C’est une façon de dissiper l’idée qu’il aurait menti sous serment, et cela montre une certaine déférence vis-à-vis de Trump. Et dans le même temps, Trump a déclaré qu’il ne limogerait peut-être pas Powell, après tout.

Certes, Trump a la réputation de changer d’avis comme de chemise, mais pour l’instant, les hostilités se sont calmées. Il est probable que le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a joué un rôle dans cette apparente réconciliation.

Le marché actions flambe, ces derniers temps, et la dernière chose que souhaite Bessent, c’est qu’un conflit entre la Maison-Blanche et la Fed fasse tanguer le navire.

La vérité, c’est que rien de tout cela n’a d’importance, en réalité. Les taux d’intérêts à court terme (T-Bills et SOFR) sont déjà inférieurs à ceux de la Fed. Ce n’est pas la Fed qui mène la baisse des taux – elle suit le marché.

Et Trump devrait faire attention à ce qu’il souhaite.

La baisse des taux d’intérêt n’est ni un stimulus ni un signe de vigueur économique.

Elle est plutôt associée aux récessions, voire même aux dépressions.

Alors si Trump obtient sa baisse des taux, il pourrait être dérouté par le type d’économie qui l’accompagnera.

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