La Chronique Agora

Trump contrôle désormais la Fed… mais à quel prix ? (1/2)

Réserve fédérale Washington

Trump base ses chances de réélection sur l’évolution des indices boursiers… et la Fed est un élément-clé de leur évolution : le choc était inévitable.

C’est l’un des sujets les plus brûlants du paysage politique actuel : la question des sièges vacants au conseil des gouverneurs de la Fed, et des préférences de Trump pour les pourvoir.

Le conseil des gouverneurs compte sept sièges, dont tous les titulaires participent aux réunions du FOMC. Mais deux de ces sièges sont actuellement vacants, alors seuls cinq gouverneurs participent vraiment à ces réunions. Ils s’y retrouvent face à cinq présidents de réserves fédérales régionales.

Ainsi, en ce moment, les gouverneurs ne contrôlent pas le FOMC car ils n’y détiennent que cinq voix sur 10. […] Trump ne semblait pas pressé de les pourvoir… mais tout a changé à la fin de l’automne 2018.

Trump se bat contre la Fed

Il faut savoir que Trump interprète les indices boursiers comme un référendum quotidien sur la conduite de sa présidence. Les niveaux affichés par des indices tels que le Dow Jones Industrial Average s’apparentent à un thermomètre que l’on remet à un patient.

Si l’indice affiche un niveau dynamique, le patient est en bonne santé. Si l’indice affiche un niveau faible, le patient (la présidence de Trump) est malade. Trump exige des indices forts et une économie en pleine santé. C’est essentiel, pour qu’il ait une chance d’être réélu en 2020. Si les indices sont faibles, Trump considère que sa réélection est menacée. Trump blâme la Fed et sa politique des taux d’intérêt si les marchés actions baissent.

Pour Trump, pourvoir ces sièges n’a rien à voir avec la doctrine macroéconomique. Il s’agit d’obtenir un second mandat de président.

Jusqu’en septembre 2018, l’économie américaine a évolué sur une forte trajectoire de hausse, et les marchés actions se sont rapprochés de nouveaux plus hauts. Le taux de croissance annuelle a été de 4,2% au deuxième trimestre 2018, et de 3,4% au troisième trimestre 2018.

Les baisses d’impôt de Trump semblaient produire exactement le type de croissance tendancielle durable – de 3% ou 4% – que Trump avait promis. La Fed a relevé les taux de 0,25% lors de la réunion du FOMC de septembre 2018, en se fondant en partie sur la forte croissance et le marché de l’emploi tendu qui étaient manifestes à l’époque. Tout avait l’air d’être au mieux dans le meilleur des mondes.

Et puis tout a capoté.

Correction générale !

Le marché actions a amorcé une chute vertigineuse en octobre. L’Indice Dow Jones Industrial Average a chuté de 26 828 points le 3 octobre 2018 à 23 675 points le 18 décembre 2108, soit une chute de 11,75% et une correction généralisée.

Juste au moment où le marché signalait que la Fed avait trop resserré sa politique, la Fed a frappé à nouveau. Le jour suivant, le 19 décembre 2018, la Fed a de nouveau relevé les taux de 0,25%, ce qui a déclenché une nouvelle phase d’effondrement à 21 792 points le 24 décembre, appelée le « massacre de la veille de Noël ».

Dans le même temps, l’économie a freiné et la croissance a ralenti, enregistrant seulement 2,2% de croissance annuelle pour le quatrième trimestre 2018. Selon les apparences, le rebond de croissance de 2018 – le « Trump bump » (rebond de Trump) – était terminé : la croissance renouait avec la tendance de 2,2% amorcée à la fin de la récession, en juin 2009, et qui avait persisté tout au long du mandat d’Obama.

Soudain, nous sommes passés d’une forte croissance, de marchés actions en pleine expansion et d’attentes élevées, à tout le contraire. Pour Trump, cela dépassait les bornes. Il s’est empressé de blâmer la Fed et sa politique monétaire trop rigoureuse consistant à relever les taux et à réduire la masse monétaire. Les marchés ont été d’accord avec Trump. Même les opposants politiques de Trump et ses détracteurs ont reconnu que ses critiques à l’égard de la politique de la Fed lèvent le voile sur certaines vérités déplaisantes.

Pas de relèvement de taux avant longtemps

[…] La Fed a fini par recevoir le message (mieux vaut tard que jamais). Fin décembre, Jerome Powell a déclaré que la Fed se montrerait « patiente » en ce qui concerne les prochains relèvements de taux.

Dans le langage de la Fed, c’est un code signifiant qu’elle ne relèvera pas les taux pendant une période indéfinie, et que si les relèvements de taux reviennent à l’ordre du jour, elle fera en sorte de le signaler à l’avance. Lors de la réunion du FOMC de mars 2019, la Fed a également annoncé qu’elle commencerait à cesser progressivement le resserrement quantitatif (QT) de 10 Mds$ par mois en mai 2019, et qu’il s’arrêterait totalement d’ici septembre 2019.

Techniquement, la Fed est toujours en cours de resserrement monétaire, mais les marchés anticipent le lendemain.

La Fed pourrait parvenir à la neutralité complète (pas de relèvement, pas de QT) d’ici septembre 2019. Le marché a immédiatement réagi de manière positive. L’Indice Dow Jones Industrial Average a opéré un rally à partir d’un plus bas de 21 792 points à la veille de Noël pour atteindre 26 390 points au 15 avril 2019 : soit un rally de soulagement de 21% qui a permis de regagner presque toutes les pertes amorcées fin octobre.

La croissance s’est même stabilisée au premier trimestre 2019. La Fed d’Atlanta table sur un taux de 2,3% : très légèrement au-dessus de celui du quatrième trimestre 2018. La Fed a poussé l’économie américaine au bord de la récession fin 2018, mais l’assouplissement de sa politique a peut-être (à peine) redressé l’économie début 2019.

Préparez-vous à une belle bagarre

Trump a été satisfait de ce redressement mais ne faisait toujours pas confiance à la Fed. Il a envisagé de « virer » Jerome Powell, mais a été averti que ce serait risqué politiquement, et contestable sur le plan juridique. Trump a eu un entretien téléphonique avec Jerome Powell le 8 mars 2019 et lui a dit : « j’imagine que je vous ai sur les bras. »

Trump a peut-être Powell sur les bras, mais il a toujours deux atouts en main. Il a l’intention de pourvoir ces deux sièges vacants, à la Fed, avec des candidats pro-Trump et pro-croissance, une véritable police d’assurance contre toute nouvelle initiative de resserrement que pourrait prendre la Fed avant les élections de 2020.

Le combat qui va se dérouler au Sénat, autour de la confirmation de ces nominations, promet d’être l’une des pires bagarres politiques de 2019. Le résultat déterminera si les marchés actions vont poursuivre leur rally ou bien reprendre leur krach. C’est ce qu’il y a de plus important aux yeux des investisseurs.

Trump contrôle désormais la Fed… mais à quel prix ? (2/2)

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile