Entre coups de menton protectionnistes et rebond éclair des marchés, la dernière séquence commerciale américano-chinoise ressemble moins à une stratégie qu’à une mise en scène.
« Les enfants auront deux poupées au lieu de 30 ! Et peut-être que les deux poupées coûteront quelques dollars de plus que d’habitude. Mais ce que nous faisions avec la Chine était tout simplement incroyable. » – Donald J. Trump
Quel plaisir !
On déclare une urgence nationale. On déclenche une guerre commerciale. Puis on impose des droits de douane à des niveaux proprement délirants.
Les marchés chutent, bien évidemment, tout comme le bitcoin et le pétrole.
Ensuite, on fait savoir à tout le monde que tout cela n’était pas sérieux. « Une trêve ! »
Mais si les étrangers volaient vraiment les Etats-Unis, pourquoi leur permettre de continuer à les voler pendant trois mois de plus ?
Ce scénario a tout d’un spectacle de WrestleMania : l’intensité émotionnelle y est, mais la profondeur intellectuelle fait défaut. Tout est une farce. Il n’y a aucune subtilité. Aucune nuance. Aucun développement narratif. Il y a les gentils – les Etats-Unis, les Etats-Unis… et encore les Etats-Unis – et les méchants (tous les autres !), qui les exploitent depuis des décennies.
Puis, une fois que l’on s’aperçoit que bombarder nos partenaires commerciaux et nos alliés n’est pas une politique très efficace, la « guerre » est suspendue, les tarifs absurdes sont levés, et devinez quoi ?
Les marchés actions, le pétrole et le bitcoin rebondissent comme prévu.
Victoire écrasante ! Reuters rapporte :
« Le S&P 500 a atteint lundi son plus haut niveau depuis début mars, après un accord crucial entre les Etats-Unis et la Chine sur la réduction des droits de douane, qui a rassuré les investisseurs dans un contexte d’incertitude sur l’avenir du commerce mondial. L’indice Dow Jones a progressé de 2,51%, atteignant un sommet d’un mois. Le Nasdaq Composite a bondi de 3,34%, son plus haut niveau depuis plus de deux mois. Le S&P 500 a gagné 2,53%, repassant au-dessus de sa moyenne mobile à 200 jours pour la première fois depuis fin mars.
Alan Beattie, dans Trade Secrets, résume la situation :
« Les accords conclus par Trump avec la Chine et le Royaume-Uni ont un point commun – et asseyez-vous si vous êtes du genre à vous évanouir – ils ne sont pas contraignants et laissent énormément de marge à l’interprétation. Je sais, surprenant, n’est-ce pas ? En réalité, on ne sait pas très bien ce qu’ils signifient, surtout celui avec la Chine. »
Mais The Straits Times semble avoir une idée :
« La décision de Xi Jinping de tenir tête à Donald Trump n’aurait pas pu mieux tourner pour le président chinois.
Après deux jours de négociations de haut niveau en Suisse, les négociateurs des deux premières puissances économiques mondiales ont annoncé le 12 mai une désescalade massive : les Etats-Unis ont ramené leurs droits de douane sur les produits chinois de 145% à 30% pour une période de 90 jours. Pékin, de son côté, a abaissé la plupart de ses propres tarifs à 10%.
Cette détente spectaculaire, bien au-delà des attentes en Chine, a propulsé le dollar et les marchés à la hausse. Un soulagement pour Trump, mis sous pression par une inflation galopante aux Etats-Unis. Les marchés chinois aussi ont fortement rebondi. »
En résumé, selon l’accord de « l’homme de l’Art du deal », l’Américain moyen paiera trois fois plus de droits de douane que le Chinois moyen.
Victoire totale ? Réciprocité ?
Comme toutes les autres formes de planification centralisée, le dirigisme commercial est une supercherie. Aucune preuve – vraiment aucune – ne montre que les bureaucrates de Washington soient plus aptes à conclure des accords que les millions d’acheteurs et de vendeurs qui agissent librement chaque jour.
Mais qu’importe ? On ne fait pas de l’économie, on fait de la politique. Et si les marchés actions américains ont monté, la véritable richesse du pays, elle, continue de s’éroder. En 2018, il fallait 22 onces d’or pour acheter les 30 actions du Dow Jones ; aujourd’hui, seulement 13.
Tout se tient – du moins dans notre grille de lecture. La politique est axée sur des accords gagnant-perdant. L’économie sur des rapports gagnant-gagnant. Plus la politique rapporte – via le lobbying, la corruption, etc. – moins les entreprises productives sont récompensées (et moins leur valeur en Bourse est importante).
Autrement dit, plus la tendance politique est à la hausse (vers davantage de règles, de lois et de coercition), plus la tendance économique est à la baisse.
Et peut-être que Trump a raison : les enfants n’auront plus besoin de 30 poupées. La prospérité, après tout, ne fait pas tout. Peut-être que la pauvreté et l’absurdité ne seront pas si terribles.
Alors accrochez-vous.
Et profitez-en… pour vendre le S&P !