En fin de boom, les investisseurs sont paresseux : ils recherchent les paris boursiers les plus faciles… même s’ils perdent de l’argent. Tesla en fait partie.
Guerre, inflation, marchés haussiers, mariages ratés, crises de boulimies, beuveries – autant de choses qui sont nettement plus amusantes au début qu’à la fin… et aucune ne dure éternellement.
Oui, cher lecteur, la musique joue encore. Les danseurs sont encore sur la piste. Les serveurs des banques centrales remplissent encore les verres aussi vite qu’ils le peuvent.
Mais les pieds commencent à être douloureux… les ivrognes bredouillent… et l’orchestre fatigue.
La reprise a commencé au premier trimestre 2009. Le marché boursier a atteint un plancher en mars 2009. Nous en sommes désormais à la plus longue période d’expansion… et au plus long marché haussier… de tous les temps.
Si le boom prenait fin demain, les investisseurs n’auraient pas à se plaindre. Tout ce qu’ils avaient à faire, c’est rester accrochés à un fonds indiciel – et ils auraient plus que triplé leur argent.
La reprise économique a ajouté quelque 7 000 Mds$ au PIB US, le portant à près de 21 000 Mds$. Cela a donc été une super fête.
Nous savons à quoi ressemblait le début. Nous avons vu le film. Mais la fin ? C’est ce qui nous arrive ensuite…
Le début de la fin
Au début d’un boom, l’industrie prospère. Les fourneaux sont allumés, on rappelle les employés et la production s’envole.
A la fin, en revanche, les lumières s’éteignent. Houston Molnar, de notre département de recherches, rapporte ceci :
« L’Institute for Supply Management (ISM) a publié les données manufacturières américaines pour décembre. Elles ne semblent guère prometteuses…
L’industrie se contracte à un rythme sans précédent depuis la crise financière mondiale. L’indice a chuté à 47,2% le mois dernier – son taux le plus bas depuis 2009. Les chiffres de décembre marquaient le cinquième mois consécutif de contraction. »
Lorsqu’un boom commence, les entreprises sont agiles… enregistrant une croissance rapide… et de belles marges. Lorsqu’il prend fin, elles sont usées, à peine profitables, et surévaluées.
MarketWatch nous détaille ce qu’il se passe en ce moment :
« Le pourcentage d’entreprises cotées aux Etats-Unis et perdant de l’argent sur les 12 derniers mois a grimpé, frôlant désormais les 40% – le niveau le plus élevé depuis la fin des années 1990 hors périodes d’après-récession, rapporte le Wall Street Journal.
Les actions des deux entreprises les plus chères enregistrant des pertes ont grimpé en flèche ces trois derniers mois, le constructeur de véhicules électriques Tesla voyant son cours doubler tandis que l’entreprise de technologie et de services financiers General Electric a grimpé de 44%. »
Un mauvais pari
Au début d’un boom, les investisseurs sont sceptiques. Ils se séparent à regret de leur argent, presque à contrecœur… et recherchent soigneusement la valeur.
Après quelques années et quelques verres, cependant, ils oublient toute notion de valeur. Ils achètent les entreprises qui font les gros titres. Ils veulent les acteurs les plus dynamiques, à n’importe quel prix… du moment qu’ils grimpent.
Prenez Tesla, par exemple. C’est une entreprise qui ne durerait pas longtemps dans un marché boursier normal. Mais à la fin bulleuse d’un long boom nourri par la Fed, elle fait partie des favoris. Plus elle perd… plus les investisseurs veulent en être.
Le constructeur de véhicules électriques vaut désormais plus que General Motors et Ford combinés. Les investisseurs ont fait grimper Tesla de plus de 100% sur les trois derniers mois, pour atteindre une capitalisation boursière de 95 Mds$. Sauf que Tesla n’a vendu que 368 000 véhicules l’an dernier. Ford, à lui seul, en a vendu 2,9 millions aux Etats-Unis et 3 millions en Chine.
Evidemment, les investisseurs parient sur le fait que Tesla sera le Amazon ou le Google du monde de la voiture électrique – avec une telle avance sur la concurrence que les autres ne pourront pas le rattraper.
C’est un mauvais pari. Google et Amazon profitent tous deux de l’effet réseau. Plus ils grandissent, plus ils sont avantagés. On a plus de chances de trouver ce que l’on recherche sur Amazon : pourquoi aller ailleurs ?
Tesla, en revanche, ressemble plus à WeWork (la malheureuse start-up « tech » dont nous avions déjà parlé) qu’à Amazon. Elle n’a pas d’effet réseau ou d’avantage innovation – parce que les acheteurs de voitures, comme les locataires de bureaux, font leurs devoirs… et prennent le meilleur deal qu’ils peuvent trouver. Peu leur importe quand vous êtes arrivé sur le marché : ils veulent la meilleure voiture.
Masochisme financier
Tesla ne sera jamais le seul et unique fournisseur de véhicules électriques… mais l’entreprise rend un énorme service aux constructeurs plus établis.
Elle teste le marché – à un coût gigantesque. Les plus grands intervenants ne devraient avoir aucun mal à construire des voitures électriques et capter des parts de marché lorsqu’ils considéreront que cela en vaut la peine.
Ils auront plus de concessionnaires… et plus d’options. Ils pourront rapidement copier… et dépasser… les innovations technologiques faites par Tesla. Plus important encore, ils gagneront de l’argent avec leurs voitures.
Nous soupçonnons que Tesla se révélera n’être qu’un spécimen du Marché de Bulle de 2009-2020. Comme le marché lui-même, le constructeur dépend d’injections régulières de fausse monnaie. Et comme le marché actions, il est financièrement fragile.
Dans la mesure où Tesla ne gagne pas d’argent, il dépend des investisseurs qui sont prêts à continuer de perdre de l’argent. Ce masochisme financier prendra brutalement fin lorsque le marché baissera.
Et voici notre vieil ami, Chris Mayer, du fonds Woodlock Family Capital :
« Ça devient de plus en plus fou… Combien de temps est-ce que cela peut continuer ?
Cinq titres – Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon et Facebook – représentent 18% du S&P. Il est également intéressant de voir les plus gros contributeurs… Apple a grimpé de 86% l’an dernier. Microsoft de 55%. A eux seuls, ces deux titres représentaient près de 15% des gains du S&P 500 l’an dernier. »
Les grosses entreprises évoluent, dit Chris, parce que les investisseurs ne se donnent pas la peine de faire des recherches. Ils veulent juste être « dans le marché », positionnés sur de grands noms qui grimpent. Le moyen le plus simple et le plus économique d’y parvenir, c’est d’acheter un fonds indiciel – qui achète les actions les plus populaires, faisant grimper leurs prix plus encore.
Ensuite, mêmes les vieux investisseurs par la valeur les plus coriaces doivent eux aussi acheter les grands noms – simplement pour suivre le rythme des indices.
Mais ensuite… finalement… le barman resserre les bouchons des bouteilles de whisky. L’orchestre débranche ses amplis. Et les fêtards souhaitent être partis plus tôt.