Par Alexandra Voinchet (*)
Nos politiques et financiers ont oeuvré tout le week-end dernier pour colmater les brèches d’un système financier qui part à vau-l’eau.
A problème global, l’Europe répond solutions nationales
Paulson a enfin son plan. Les responsables américains les plus récalcitrants ont finalement adopté cette "loi de stabilisation économique d’urgence 2008". Que ce texte porte bien son nom ! Urgence : il n’a fallu que quelques heures à la Maison-Blanche pour écrire un des programmes économiques les plus importants de son histoire. Et ni une ni deux, à peine voté, le texte a été promulgué. Pas de temps à perdre, argumente George Bush. Car le temps, c’est de l’argent.
"Stabilisation économique". Eh oui, en si peu de temps, on peut colmater des brèches, pas changer une tuyauterie rouillée. Le plan Paulson doit permettre au système financier américain de tenir. Il ne faut pas lui en demander plus. Il faut au moins sauver les meubles jusqu’au 4 novembre, jour de l’élection présidentielle. Ensuite, George Bush ne devrait pas être mécontent de se délester du dossier.
En Europe, ce week-end aussi c’était réunion au sommet. Ou plutôt mini-réunion. Car l’Europe ne se limite pas à Angela Merkel, Gordon Brown, Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy. Pourtant, ils étaient les seuls conviés à la table. L’Europe politique et économique, unie, parlant d’une seule et même voix, ce n’est pas pour demain.
Pas étonnant que la réunion ait été stérile. Même le quatuor n’est pas parvenu à s’accorder. En Europe, pas de plan Paulson à l’horizon mais un catalogue de solutions nationales : chacun interviendra "selon ses propres méthodes", a insisté Nicolas Sarkozy. Quand on voit à quel point les systèmes financiers sont interdépendants, ce "patriotisme" fait grincer des dents.
Les quatre ont bien défini une philosophie commune : soutien "à la solidité, à la stabilité, et à la liquidité". En langage moins politicien, cela veut dire "ne pas laisser tomber les banques".
Pas de répit pour les sauveteurs
L’Allemagne a bien compris le message. Hypo Real Estate a flanché. Tout le week-end, elle s’est creusé les méninges : comment stopper la contagion ? Pas question que "la situation critique d’un établissement bancaire entraîne une crise de tout le systèmefinancier", a répondu Angela Merkel. Quelqu’un lui a-t-il expliqué que le système était déjà en crise ? Les banques allemandes ont refusé de mettre au pot pour aider leur consoeur, et ce malgré la garantie de l’Etat. C’est bien la preuve que le système court à sa perte. Tout le monde se regarde en chien de faïence. Et tout le monde se dit "mieux vaut être seul que mal accompagné".
Hypo Real Estate l’a quand même bien mérité. La banque n’a pas dit toute la vérité. Et en ce moment, mieux vaut être transparent. HRE a demandé 35 milliards d’euros. Elle avait besoin du triple. Quand ses sauveteurs ont découvert l’étendue des dégâts, ils sont partis en courant.
Le gouvernement allemand se mord les doigts mais il sera bien obligé de bricoler une solution. C’est HRE qui prête de l’argent au secteur de l’immobilier commercial ainsi que des infrastructures et qui finance en partie les projets publics allemands. Une banqueroute de HRE déstabiliserait trop l’économie outre-Rhin pour que Berlin laisse sombrer le navire. La nuit portant conseil, le gouvernement allemand a revu son enveloppe à la hausse : 50 milliards d’euros seront finalement prêtés à HRE.
Chez Fortis, le week-end a également été agité. Le plan de sauvetage du Benelux a échoué. Les Pays-Bas ont dit "stop" et nationalisé les activités néerlandaises de banque et d’assurance de Fortis. En Belgique et au Luxembourg, le nouveau sauveur s’appelle BNP Paribas. En échange, l’Etat belge va devenir le premier actionnaire de BNP.
Solutions nippones
Chez Crédit Agricole, on s’est mis au japonais depuis ce week-end. La banque agricole nippone Norinchukin a fait un chèque de 200 millions d’euros et est désormais actionnaire du Crédit Agricole, même si ce n’est qu’à hauteur de 0,5% du capital. Mais le geste est symbolique. Dans la tempête, on avait presque oublié l’Archipel. On le croyait encore empêtré dans le marasme économique depuis la crise de 1997.
Bigre, le Japon est sorti de sa torpeur. Il a de l’ambition et des moyens. Norinchukin qui rentre au Crédit Agricole ; Nomura qui devient le nouveau propriétaire des activités de Lehman Brothers en Europe, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique ; Mitsubishi UFJ Financial Group qui s’intronise actionnaire de 20% de Morgan Stanley ; Sumitomo Mitsui qui place ses billes dans Barclays et Merrill Lynch : le Japon revient dans le jeu. Discrètement mais efficacement.
Les banques nippones "ont saisi des opportunités" et "ont mené leur raid à une vitesse que l’on ne connaissait pas de la part des Japonais, grands adeptes au contraire des décisions toujours mûrement réfléchies et des risques évalués à la loupe", écrivait vendredi le correspondant à Tokyo des Echos.
La puissance financière japonaise, assise sur une épargne massive, est donc, aux côtés des fonds souverains chinois et moyen-orientaux, un nouveau joker dans un monde financier qui rebat les cartes.
Meilleures salutations,
Alexandra Voinchet
Pour la Chronique Agora (*)
(*) Alexandra Voinchet est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, dans la spécialité Médias. Elle est également titulaire d’un master de Presse économique de l’Université Paris Dauphine. Elle a travaillé dans la presse économique française, quotidienne et hebdomadaire, ainsi que pour la radio en Espagne. Après deux ans d’expérience en presse financière et boursière, elle a rejoint l’équipe du magazine MoneyWeek, et intervient régulièrement dans la lettre e-mail gratuite La Quotidienne de MoneyWeek.