La Chronique Agora

Taux d’intérêts : les Etats-Unis peuvent-ils survivre à une hausse ?

Les lignes de crédit des Etats-Unis sont asséchées, mais le gouvernement US a désespérément besoin de plus d’argent. Dans ces conditions, une hausse des taux est-elle vraiment réaliste ?

Comment un gouvernement déjà noyé sous 27 800 Mds$ de dette peut-il trouver 1 900 Mds$ supplémentaires pour financer la vaccination et la relance économique ?

La réponse – bien sûr – est que ces 1 900 milliards supplémentaires ne peuvent pas être trouvés. Ni le moindre centime d’ailleurs. Cet argent n’existe pas.

Les lignes de crédit américaines sont asséchées.

Le gouvernement US doit donc s’agenouiller, tendre son chapeau… et emprunter ses milliards. Rien que l’an dernier la dette nationale américaine a bondi de 4 500 Mds$.

Il a fallu 205 ans aux Etats-Unis pour accumuler une dette de 1 000 Mds$ – mais un an seulement pour y ajouter 4 500 Mds$ supplémentaires.

Nous avons, en moins de quatre mois, accompli le travail de deux siècles. Voilà bien un « progrès » de nature particulièrement exotique et étrange…

Le chèque est à la poste

Personne ne s’attend à ce que cette dette soit remboursée, bien sûr. Une fois arrivée à échéance, elle est simplement refinancée.

Nous apprenons grâce à l’agence Bloomberg que près de 8 000 Mds$ de dette fédérale arriveront à échéance en 2021. 8 000 Mds$… soit environ deux cinquièmes du PIB US.

Il faut toutefois également tenir compte d’une dette additionnelle : au total, plus de 10 000 Mds$ pourraient arriver à échéance cette année – soit la moitié du PIB US environ.

Selon notre collègue Simon Black :

« Il s’avère que (selon Bloomberg), 8 000 Mds$ de dette gouvernementale arriveront à échéance aux Etats-Unis RIEN QUE CETTE ANNEE.

Le Congressional Budget Office s’attend à un déficit supplémentaire de plus de 2 000 Mds$ en 2021 avec les plans de relance supplémentaires liés au Covid-19.

Une dette gouvernementale de plus de 10 000 Mds$, donc, qu’il faudra placer cette année. Soit 300 000 $ par seconde. »

300 000 $ à chaque seconde ! C’est inimaginable.

La Fed à la rescousse

Qui relèvera le défi ? Qui se chargera de cette dette ? La Réserve fédérale américaine, principalement.

Son bilan devrait donc passer de 7 300 Mds$ actuellement… à un montant vertigineux de 10 000 Mds$. Toujours selon Simon :

« La seule manière réaliste pour la Fed d’y parvenir est d’’imprimer’ des milliers de milliards de nouveaux dollars… un montant probable de 3 000 Mds$ supplémentaires ou plus, ce qui fera enfler son bilan jusqu’à lui faire dépasser les 10 000 Mds$. »

N’oublions pas que ce bilan était tout juste supérieur à 4 000 Mds$ il y a un an.

L’urgence a donné un coup de fouet au pouvoir des gouvernements… et aux bilans de leurs banques centrales.

Mais alors, une fois l’urgence passée, la banque centrale américaine fera-t-elle diminuer son bilan ?

Les responsables de la Fed testent la température de l’eau…

Les responsables commencent à murmurer… sur un ton à peine audible… que la Fed annoncera une pause cette année. Raphael Bostic, président de la Réserve fédérale d’Atlanta, a par exemple déclaré :

« J’espère que nous pourrons commencer à réévaluer [les assouplissements quantitatifs] à relativement court terme. »

Un autre exemple est Robert Steven Kaplan, président de la Réserve fédérale de Dallas :

« Je ne veux pas préjuger pour l’instant […] de la date à laquelle nous allons [diminuer les assouplissements quantitatifs]. J’espère cependant que cela pourra se faire dès cette année. »

Nous ne sommes pas pour autant convaincu que la Réserve fédérale « réévaluera » ou « diminuera » les assouplissements quantitatifs cette année – en tous cas pas significativement.

Le passé est un prologue

En décembre 2017, M. Powell a agité la menace d’un durcissement quantitatif « en mode auto-pilote ».

La Bourse a fait une crise d’hystérie et est entrée en rébellion ouverte. Les cours ont brutalement « corrigé ».

La première semaine de janvier 2018 arrivée, Wall Street avait repris le contrôle de M. Powell. Le bilan, comme par magie, a dès lors recommencé à enfler.

La Bourse réagira-t-elle différemment la prochaine fois que la Réserve fédérale cherchera à rectifier son bilan ?

Le président de la Réserve fédérale agira-t-il différemment face à la réaction de la Bourse ?

Nous avons un avis bien tranché sur la question. Mieux vaut ne pas le donner en public… nous ne voudrions pas jeter le doute sur l’honneur et la dignité de ce monsieur.

La Bourse n’a de toute façon pas de souci à se faire. M. Powell a fait taire les insurgés dans ses rangs…

Ce ne sera jamais le « bon moment »

Il évoque ici les taux d’intérêt :

« Lorsque le moment sera venu d’augmenter les taux d’intérêt, nous le ferons, et ce moment n’est d’ailleurs pas près d’être arrivé. »

« Pas près d’arriver », voilà notre estimation.

Nous supposons que sa position est la même sur la réduction du bilan.

Les taux d’intérêt ne sont donc pas près d’augmenter. Le bilan n’est pas près d’être purgé. Le bon moment, bien sûr, n’arrivera jamais. Autant arracher ses béquilles à un invalide.

Comment une nation dont la dette s’élève à 27 800 Mds$ – 80 000 Mds$ si l’on tient compte de la dette privée – pourrait-elle survivre à une augmentation significative des taux d’intérêts ?

La réponse est parfois dans la question.

La Réserve fédérale laissera donc ses béquilles à son invalide.

Jerome Powell a déjà insisté pour dire que lui et ses collaborateurs feraient « tout leur possible, aussi longtemps qu’il le faudra ».

Toujours Plus d’assouplissements quantitatifs, donc. Un redoublement des attaques contre ce qui reste du marché libre. De nouvelles tentatives désespérées pour stimuler l’économie…

Les coups de fouets continueront donc de tomber jusqu’à ce que le moral des troupes s’améliore.

Ce n’est sans doute pas demain la veille…

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