La Chronique Agora

Taïwan, une autre gestion de la crise du Covid-19

Taïwan a fait à peu près tout l’inverse de ce que font les gouvernements occidentaux dans leur lutte contre l’épidémie de coronavirus. Est-ce que cela a fonctionné ?

Comme le démontre la théorie du calcul économique en économie socialiste, développée par l’école autrichienne d’économie, aucun organe de planification centralisée n’a la capacité d’organiser la société par l’utilisation de pouvoirs coercitifs.

La raison fondamentale réside dans le fait qu’un planificateur central est incapable de collecter l’ensemble des informations nécessaires pour organiser la société de cette façon, étant donné que l’information est intrinsèquement subjective, originale, dispersée, et tacite.

Ce principe est entièrement applicable dans le contexte de la lutte contre la propagation d’une pandémie.

La responsabilité individuelle et la transparence de l’information sont des facteurs cruciaux pour stopper une telle pandémie. Taïwan illustre particulièrement bien comment l’individualisme et la coopération volontaire permettent d’offrir des solutions efficaces pour résister à la pandémie de coronavirus.

Un pays situé à proximité de la Chine continentale, avec pourtant relativement peu de personnes infectées

Au moment où j’écris ces lignes, l’infection à Taïwan est totalement maîtrisée, en dépit du fait que le pays était l’un des plus exposés au risque de pandémie compte tenu de la proximité géographique de la République de Chine avec la Chine continentale (administrée par la République Populaire de Chine, ou RPC).

Jusqu’au mois de janvier, le trafic aérien était maintenu entre la capitale taïwanaise, Taipei, et l’épicentre de Wuhan, en Chine. Pourtant, le pays ne comptait que 153 cas d’infections confirmées le 21 mars, alors qu’au même moment l’Europe, bien plus éloignée de la Chine continentale, comptait plus de 10 000 cas.

Cependant, à Taïwan et dans d’autres parties de l’Asie, notamment Singapour et Hong Kong, aucune mesure de mise en quarantaine collective obligatoire ou de confinement n’a été promulguée jusqu’à présent.

Alors comment Taiwan est-il parvenu à un tel résultat ?

Importance de la transparence

La première cause du succès de Taïwan réside dans la transparence de l’information, qui a permis de stopper la croissance rapide de l’épidémie. La politique d’endiguement de l’épidémie à Taïwan a été conduite avec un degré relativement élevé de transparence.

Dès le 31 décembre de l’année dernière, le ministère taïwanais de la Santé a commencé à prendre au sérieux le danger potentiel de la forme de pneumonie qui s’est développée à Wuhan, informant chaque jour ses citoyens de l’évolution de la situation. Les autorités taïwanaises ont également informé le public des destinations étrangères où s’étaient rendues les personnes contaminées, ce qui a aidé la population à prendre les mesures nécessaires pour se protéger avant qu’il ne soit trop tard.

Au cours de conférences de presse régulières, le gouvernement taïwanais a donné différentes indications et recommandations afin de permettre à la population d’adopter volontairement les bonnes habitudes pour se protéger, sans les imposer de façon coercitive. Ce flot continuel d’informations a permis aux individus de prendre par eux-mêmes, en toute connaissance de cause, des décisions équilibrées dans un contexte d’incertitude.

A l’inverse, les États membres de l’Union Européenne ont réagi lentement et tardaient encore au mois de février à fournir les informations nécessaires concernant le risque de pandémie, rendant ainsi la situation encore plus difficile à gérer.

Liberté de choix et coopération entre les individus et les entreprises du secteur privé

Les procédures de mise en quarantaine établies par le gouvernement taïwanais sont principalement des quarantaines volontaires. Le gouvernement taïwanais reconnaît qu’il est crucial de s’appuyer sur l’action volontaire des individus pour résister à la pandémie.

Comme nous l’avons déjà mentionné précédemment, la plupart des cas de contamination à Taïwan proviennent d’individus ayant séjourné à l’étranger et sont détectés quasiment chaque fois à la frontière. Les décisions prises par la population taïwanaise pour se protéger permettent de bloquer efficacement la propagation du virus au sein de leur pays, et les mesures de quarantaine forcée ne concernent généralement que les cas les plus sérieux, tel que par exemple les Taïwanais infectés en Chine continentale qui ont été évacués.

L’une des difficultés face au coronavirus a été de trouver un juste équilibre entre le maintien de l’activité économique et l’endiguement de la propagation du virus. A cet égard, contrairement à ce qu’ont fait les pays d’Europe du sud tels que l’Italie et l’Espagne, la politique du gouvernement taïwanais n’a pas consisté à prendre des mesures préventives pour empêcher l’épidémie en stoppant les activités économiques.

Prenons les écoles à titre d’exemple. La rentrée scolaire a dans un premier temps été retardée de deux semaines. Actuellement, les écoles ont pour politique de vérifier la température des étudiants, des enseignants et des autres employés. Si une personne présente une fièvre, l’école concernée fermera temporairement, mais il n’y a pas eu de fermeture généralisée des établissements scolaires.

Simultanément, l’enseignement en ligne est recommandé, sans pour autant être imposé par le gouvernement. Dans de nombreuses universités taïwanaises, l’enseignement en ligne est encouragé afin de permettre à ceux qui ne peuvent pas se rendre en classe de continuer à suivre les cours.

Bien qu’il soit exact d’affirmer que l’enseignement en ligne a déjà été adopté dans d’autres pays en tant que moyen d’éviter la propagation du virus, Taïwan se caractérise par le fait que le recours à cette solution n’a pas été imposée par un décret gouvernemental. Il n’y a pas d’obligation d’étudier en ligne ou de travailler à distance ; en revanche, ces pratiques sont fortement recommandées.

Du temps pour anticiper

La transparence dont a fait preuve le gouvernement a également donné aux entreprises taïwanaises le temps dont elles avaient besoin pour se préparer volontairement et mettre en place progressivement le télétravail. A la place, d’autres pays ont fermé brutalement des pans entiers de l’économie par le biais de décrets gouvernementaux, comme par exemple en Espagne depuis le 13 mars, sans donner aux entreprises et à leurs employés le temps de se préparer à une mise en quarantaine.

Le gouvernement taïwanais maîtrise la propagation du virus par le biais de politiques flexibles, qui laissent une place importante aux individus pour leur permettre de prendre leurs propres décisions et initiatives. Chaque individu a la possibilité de prendre les mesures les plus appropriées en fonction de sa propre situation, ayant conscience que faire preuve de prudence est dans son propre intérêt.

De la même manière, le fait que les citoyens taïwanais aient été prévenus dès le début de cette épidémie a permis de créer une prise de conscience collective de la nécessité de se préparer et a laissé suffisamment de temps aux citoyens pour comprendre qu’ils doivent changer leurs habitudes au quotidien afin d’éviter d’être infectés.

Cette flexibilité et cette politique de transparence ont entraîné un degré élevé de responsabilité individuelle. On le constate non seulement dans la tendance de la population taïwanaise à porter des masques, mais aussi par l’adoption de nouvelles solutions permettant de poursuivre les activités quotidiennes en évitant tout risque de contagion.

Les entreprises privées ont également mis rapidement en place des mesures pour protéger leurs clients. La plupart des immeubles résidentiels disposent au minimum d’un distributeur de gel hydroalcoolique en libre-service afin que tous ceux qui rentrent puissent se désinfecter les mains. Par exemple, les gels hydroalcooliques sont disponibles depuis plusieurs semaines dans tous les véhicules Uber.

Conclusion

Pour conclure, en faisant preuve de transparence et de diligence, le gouvernement taïwanais est parvenu à éviter de nombreux problèmes. La clef réside dans le fait que le gouvernement et la population taïwanaise ont compris que la responsabilité et l’action individuelle sont primordiales pour parvenir à combattre la pandémie de coronavirus, et non une fermeture à grande échelle et obligatoire de toutes les activités. C’est ce que doit apprendre le reste de la planète.

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici

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