Quand la Fed finit par pousser des banques à la faillite avec ses changements de politique monétaire, puis change de nouveau pour tenter de sauver les meubles, un seul actif s’en sort sans éraflures.
On dit souvent que la Fed augmente les taux d’intérêt jusqu’à ce que quelque chose se brise. Eh bien, c’est le cas aujourd’hui.
L’effondrement de Silicon Valley Bank (SVB) a vraiment mis Jerome Powell et la Fed dans l’embarras.
La semaine dernière, M. Powell a donné un discours très optimiste devant le Congrès sur la nécessité de maintenir une stratégie agressive contre l’inflation. Les marchés étaient persuadés à 80% de voir une hausse des taux de 50 point de base lors de la prochaine réunion du FOMC.
Mais les choses peuvent changer en l’espace d’une semaine.
Aujourd’hui, le marché estime qu’il n’y a aucune chance que les taux soient montés de 50 points de base. Et c’est en effet impossible. Les chances d’une modeste hausse de 25 points de base s’élèvent désormais à 70%. Je suis d’ailleurs d’accord avec cette prédiction.
N’oublions pas que la Fed elle-même est en partie responsable de l’effondrement de SVB (outre la terrible gestion des risques par la banque).
La Fed a « cassé quelque chose »
Le resserrement agressif de la politique monétaire de la Fed depuis un an a exercé une pression à la hausse sur les rendements obligataires, ce qui a fait baisser la valeur des obligations elles-mêmes (rappelons que les rendements obligataires et les prix des obligations évoluent dans des directions opposées).
La SVB détenait un nombre exceptionnellement élevé d’obligations d’Etat de longue durée, qui sont particulièrement sensibles aux hausses de taux d’intérêt. Le bilan de SVB subissait ainsi de lourdes pertes en raison de la chute des prix des obligations de son portefeuille.
Je n’entrerai pas dans les détails de l’effondrement de SVB, mais la chute des prix des obligations due à la hausse des rendements a joué un rôle sous-jacent. Et c’est ainsi que la Fed a eu sa part de responsabilité dans l’effondrement de la banque.
La Fed a « cassé quelque chose ».
SVB n’est pas la seule banque à détenir des obligations d’Etat à long terme. La Fed va-t-elle continuer à relever agressivement les taux et risquer de nouvelles faillites bancaires, voire une nouvelle crise financière ? C’est peu probable.
La Fed doit s’assurer que le système bancaire est sain, ou du moins aussi sain qu’il peut l’être dans le monde financier faussé d’aujourd’hui.
Cela signifie qu’elle doit faire marche arrière dans sa stratégie de resserrement. Cela signifie que la Fed va devoir laisser filer l’inflation. Cela signifie que le dollar va perdre de sa valeur.
Je reviendrai sur SVB et ses répercussions dans les semaines et les mois à venir. Pour l’heure, concentrons-nous sur une classe d’actifs en particulier qui revient toujours au premier plan en période de stress financier : l’or.
La constante dorée
L’or et les autres matières premières ne disparaissent jamais. Qu’il s’agisse d’or, d’argent, de pétrole, de gaz naturel, de cuivre ou de produits agricoles, ces produits seront toujours demandés et devraient toujours figurer sur la liste des alternatives possibles aux actions, aux obligations et aux liquidités.
Par le passé, j’ai toujours recommandé de garder une part importante de liquidités pour faire face aux tempêtes financières. C’est toujours le cas. Mais, aujourd’hui, je me dois d’ajouter à ce conseil une mise en garde sur la nécessité d’être très sélectif dans le choix des banques.
A l’heure actuelle, les matières premières telles que l’or sont très majoritairement libellées en dollars sur les marchés mondiaux. Cela ne veut pas dire que toutes les transactions se font en dollars, mais le prix des matières premières est fixé en dollars.
Si vous payez via une autre devise, se pose le problème de taux de change ; vous paierez un montant dans une autre devise qui équivaut au prix du dollar, basé sur les taux de change actuels.
Actuellement, il existe dans le monde entier d’importants mouvements visant à abandonner le dollar comme moyen de paiement principal. Cette remise en question concerne le rôle du dollar en tant que monnaie d’échange. Il y a une différence entre le rôle d’une monnaie d’échange, et celui d’une monnaie de réserve.
Le rôle du dollar
Le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve n’est pas menacé dans l’immédiat, même s’il risque de diminuer à long terme. Mais de nombreux efforts sont déployés pour remplacer le dollar en tant que monnaie de paiement.
L’Arabie saoudite et la Chine envisagent d’utiliser le yuan chinois (CNY) pour le pétrole. Les BRICS+ réfléchissent activement à la création d’une nouvelle monnaie de paiement adossée aux matières premières, qui serait utilisée par leurs membres. D’autres organisations multilatérales font de même.
Lorsque les paiements passent du dollar à d’autres monnaies, la valeur de change du dollar devrait diminuer et celle des autres monnaies (principalement l’euro) devrait augmenter. Cela signifie que le prix en dollars des produits de base augmentera à mesure que la valeur de change du dollar diminuera.
Cette situation est fondamentalement inflationniste. Toutefois, l’inflation peut être une bonne chose si vous possédez des biens durables, notamment de l’or. La valeur en dollars américains de ces actifs devrait augmenter.
Bien que l’or et l’argent soient des substituts de la monnaie, cela ne signifie pas que l’inflation des prix des matières premières se limitera à l’or et à l’argent.
Elle se répercutera dans : l’or, l’argent, le pétrole, le gaz naturel, l’eau, le cuivre, les métaux stratégiques, les produits agricoles, les terres agricoles et les autres actifs liés aux matières premières. Les actions du secteur minier ne sont pas en reste.
L’or est le canari dans la mine
Le prix de l’or a tendance à évoluer (dans un sens ou dans l’autre) loin devant les autres. Mais les investisseurs ne sont en aucun cas limités à l’or. Je surveille l’or parce que c’est le meilleur moyen de suivre l’évolution du dollar. Mais si le dollar s’affaiblit (prix de l’or plus élevé), il existe des centaines de façons de tirer parti de cette tendance.
D’ailleurs, il y a une énigme dans tout cela qui est difficile à comprendre au début, mais qui devrait s’avérer précieuse pour les investisseurs. Lorsque les gens me demandent si le dollar monte ou descend, je leur réponds : « Par rapport à quoi ? »
En effet, un jour donné, il est tout à fait possible que le dollar soit à la hausse par rapport au yen japonais et à la baisse par rapport à l’euro. C’est l’une des raisons pour lesquelles les analystes utilisent des indices du dollar tels que le Dollar Index (DXY), car ils regroupent toutes les devises dans un seul et même panier.
Un problème subsiste néanmoins, car il faut toujours comparer des monnaies entre elles. Cela ne vous aidera pas beaucoup s’il y a une crise financière mondiale (commençant par la chute de la SVB ?) et que la confiance dans toutes les monnaies est menacée en même temps.
Ce genre de panique pourrait même ne pas se voir dans l’indice. Imaginons que dix personnes sautent d’un avion en se tenant la main. Elles ne bougent pas du tout les unes par rapport aux autres, mais elles tombent toutes au même rythme par rapport au sol.
A quoi correspond le sol dans notre analyse ? A l’or. L’or n’étant pas une monnaie issue par une banque centrale, il offre le seul moyen de mesurer objectivement le dollar.
Cela signifie que l’on peut très bien se trouver dans une situation où l’indice du dollar se renforce (c’est ce qui se passe actuellement) mais où le prix de l’or en dollars augmente (ce qui signifie que le dollar s’affaiblit). Ainsi, le dollar se renforce (par rapport au panier d’autres monnaies) et s’affaiblit (par rapport à l’or) en même temps.
La réponse à cette énigme est que toutes les devises s’affaiblissent par rapport à l’or, mais que certaines s’affaiblissent plus rapidement, ce qui peut faire monter l’indice du dollar.
Ma recommandation en cas de panique financière : gardez un œil sur l’or.