La Chronique Agora

Des ruines de dettes

Lorsque le passé prend le dessus sur le présent, le futur est condamné…

« Il y a beaucoup de ruines dans une nation. »

–Adam Smith, philosophe et économiste écossais

Voyons ce que Fortune a publié :

« Pour un professeur de Wharton, une dette de 34 000 milliards de dollars pourrait déclencher un effondrement en 2025, alors que les taux d’intérêt hypothécaires dépassent les 7% : ‘Cela pourrait faire dérailler le prochain gouvernement.’

Parmi les illustres plaques qui ornent les bureaux des écoles de commerce de l’Ivy League figure un certain Joao Gomes. Professeur de finance à la Wharton Business School, M. Gomes lance un cri d’alarme que nombre de ses pairs ont jusqu’à présent choisi d’ignorer : la montagne de la dette publique américaine en pleine expansion. »

L’essentiel de l’avertissement de M. Gomes réside dans l’idée que les Etats-Unis risquent la ruine en raison de leur dette de 34 000 milliards de dollars. Plus les revenus actuels sont consacrés aux dépenses passées, moins il reste d’argent pour les dépenses courantes. Et les personnes qui ont moins d’argent à dépenser sont plus pauvres.

Dans l’immédiat, les autorités fédérales doivent emprunter de plus en plus d’argent pour payer les intérêts de leur dette de 34 000 milliards de dollars et poursuivre leurs dépenses excessives. Ils entrent inévitablement en concurrence avec les emprunteurs privés et font grimper les taux d’intérêt.

That ‘70s Show

Hier, nous nous sommes remémorés les années 1970. En 1979, le taux courant pour un prêt hypothécaire était de 12,9%. Aujourd’hui, la dette hypothécaire s’élève à 12 000 milliards de dollars. Une grande partie de cette dette est à taux fixe, à des taux très bas. Les ventes se sont taries car, pour les vendeurs, cela signifierait prendre une nouvelle hypothèque à des taux beaucoup plus élevés.

L’ajustement à des taux plus élevés prend du temps. D’ores et déjà, le secteur du logement ne construit plus autant de maisons qu’auparavant, faute de pouvoir les vendre. Et les acheteurs n’achètent pas non plus comme avant, parce qu’ils n’ont pas les moyens de le faire. Avec un prix médian de 435 000 dollars (contre 25 000 dollars en 1970 !), un prêt hypothécaire à 12,9% signifierait des paiements mensuels, intérêts seulement, de 4 676 dollars. Le revenu médian des ménages n’est que d’environ 6 000 dollars, ce qui ne laisse pas beaucoup de moyens pour vivre.

Même à 7%, le paiement de l’hypothèque (environ 3 000 dollars/mois) est plus élevé que ce que la plupart des gens peuvent se permettre.

Il est très probable que les prix de l’immobilier baisseront à mesure que la demande de logements coûteux diminuera. Mais les taux d’intérêt hypothécaires continueront probablement à augmenter à mesure que la demande de crédit continue de croître. A un moment donné, probablement l’année prochaine selon le professeur Gomes, une crise de l’endettement va se déclencher. L’économie s’essoufflera, fera des étincelles… puis s’éteindra comme une flamme humide.

Nous mettons en garde nos lecteurs contre la dette publique, par intermittence, depuis 50 ans. Cela nous donne une certaine crédibilité dans l’industrie du catastrophisme. Mais la plupart des gens pensent que notre horloge s’est arrêtée. Un demi-siècle, c’est du « long terme ». Ils supposent que si rien de grave ne s’est produit en 50 ans, il ne se produira rien du tout.

Quelques barbes grises se souviennent de l’expérience post-Seconde Guerre mondiale. Le ratio dette/PIB était alors aussi élevé qu’aujourd’hui. Mais aucune catastrophe n’a suivi. Au contraire, la dette a diminué et l’économie a prospéré.

Pas de fin en vue

Cela ne risque-t-il pas de se reproduire ? C’est très peu probable. La dette de la Seconde Guerre mondiale était de nature différente. Elle était entièrement due à la guerre. Les ménages et les entreprises, incapables d’acheter quoi que ce soit, ont économisé leur argent. A la fin de la guerre, ils disposaient d’argent réel et étaient prêts à dépenser, à investir et à construire. Après la capitulation du Japon, les dépenses militaires ont chuté et les dépenses civiles ont grimpé en flèche.

Aujourd’hui, la situation est presque inverse. Les consommateurs et les entreprises sont eux aussi très endettés. Et quelle que soit la « guerre » dans laquelle nous sommes engagés, il n’y a pas de fin en vue.

Mais tout cela prend du temps. Vous pouvez faire bouillir un oeuf en trois minutes. On peut regarder un film en une heure et demie. Mais ni le vin ni le whisky ne mûrissent en une nuit. Et Rome n’a pas été détruite en deux semaines. Vous pouvez voir la comète de Halley dans le ciel nocturne et continuer à la guetter. Au bout de quelques années, vous abandonnez. La comète est partie dans l’univers noir, et on ne la reverra plus jamais. Mais vous avez abandonné trop tôt. Elle revient tous les 75 ans environ.

Même en sautant d’un avion, vous donnez l’impression d’être suspendu dans les airs… comme si le temps s’était arrêté. Et pourtant, quel que soit le temps que cela prend, vous finirez par atterrir.

Il a fallu 190 ans aux Etats-Unis pour accumuler leur première dette de 1 000 milliards de dollars. Mais maintenant, la « ruée vers la ruine » commence, et le temps s’accélère. Les Etats-Unis ajoutent 1 000 milliards de dollars à leur dette tous les quelques mois. Selon les dernières projections, la dette nationale atteindra 60 000 milliards de dollars en 2034. La charge d’intérêts avoisinerait alors les 3 000 milliards de dollars. Vous tendrez la main vers le cordon de sécurité. Mais il n’y en a pas. Les initiés profitent des dépenses fédérales… et ils contrôlent le Congrès. Aucun parachute n’est disponible.

D’une manière ou d’une autre, le passé aura ce qu’il mérite.

Patience.

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