La Chronique Agora

La roulette de la liberté

Russie, dette, pétrole

Les réactions à l’invasion de l’Ukraine par la Russie sont plus ou moins confuses, mais vont généralement dans le même sens. Et les questions sur le pourquoi du comment, ça sera pour plus tard… 

Quand un empire dépasse la fleur de l’âge, tel un batteur star au baseball, il se met en position pour renvoyer toutes les balles que l’histoire lui lancera… mais celle-ci expédie bien souvent des balles tordues. Et, à trois reprises au cours de ce siècle, les décideurs américains ont réagi en frappant si fort avec leur batte qu’ils sont tombés par terre.

Maintenant, ils frappent à nouveau.

Et la folie se répand.

Selon Business Insider :

« Un nombre croissant de vétérans américains se préparent à rejoindre les Ukrainiens dans leur combat contre les forces militaires russes, selon un article du New York Post.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a récemment lancé un appel aux ‘légions internationales’ de volontaires, et de nombreux civils d’autres pays tels que le Royaume-Uni ont répondu à son appel.

James, un médecin qui a combattu en Irak et en Afghanistan, a déclaré au Times qu’il ne pouvait pas ‘rester les bras ballants’ et regarder la Russie attaquer l’Ukraine. »

Apparemment, James n’a pas pu rester les bras ballants et regarder l’Irak se faire attaquer, non plus : il s’est joint à l’attaque.

Mais, à la Chronique, nous préférons toujours l’outsider, la cause perdue et le jusqu’au-boutiste. Alors nous lui souhaitons bonne chance. Il en aura peut-être besoin.

Pas de questions !

Cela dit, quand la folie se propage, il est inutile de poser des questions ou de faire des commentaires ironiques face aux comportements de nos contemporains. Les pires sont exaltés… remplis d’indignation et de moralisation. Les meilleurs se taisent.

Il faudra peut-être attendre un an… ou dix… avant que les points d’interrogations ne réapparaissent. Ensuite, nous demanderons : « Mais de quoi était-il question ? »

Mais pour l’instant, il souffle un vent mauvais et les poubelles s’envolent.

Selon Business Insider, à nouveau :

« En France, un restaurant tente de s’expliquer, en réaction à la confusion entourant la poutine, son plat signature – à base de frites, de bouts de fromages et de sauce – et le président russe, Vladimir Poutine, qui a proclamé l’invasion de l’Ukraine. »

Rappelez-vous l’imposture des « armes de destruction massive », en 2003. Les Américains se sont préparés au combat. Les opinions opposées, notamment la nôtre, n’étaient pas les bienvenues.

La France a refusé de se joindre à cette guerre. Alors les Américains ont boycotté le vin de Bordeaux et commandé des « freedom fries » (frites de la liberté) pour leur dîner [NDLR : aux Etats-Unis, les frites sont des « French fries », ou frites françaises].

L’un de nos lecteurs a même suggéré que l’armée de l’air américaine – qui procédait déjà à des raids longue distance – lâche une bombe sur Paris, au passage. (A l’époque, nous vivions à Paris, mais nous ne l’avons pas pris personnellement.)

Il s’avère que les Français avaient raison.

Un autre coup bas

Nous pensons que l’empire américain a atteint son apogée en 1999, environ. Depuis, il n’a connu qu’une série d’échecs. Tout compris, la dette publique américaine est passée d’à peine 5 000 Mds$ en 1999 à plus de 30 000 Mds$ aujourd’hui.

Les taux d’intérêt négatifs de la Fed ont en parallèle encouragé l’emprunt dans le reste de la société, également, portant ainsi à 66 000 Mds$ le total des dettes publiques et privées accumulées depuis 1999.

Et voilà qu’arrive une nouvelle panique. Une nouvelle folie. Une nouvelle guerre. Un autre coup bas. Les médias remuent les masses. Dans les tribunes bon marché, la foule clame son approbation.

A la Chronique, nous avons l’intention d’apporter notre contribution, nous aussi. Nous proposons de changer le nom du vieux jeu de hasard suicidaire en « roulette de la liberté ».

Pendant ce temps, l’Etat combat en infligeant des sanctions qui visent à atteindre la population russe là où cela fait mal… mais probablement en nous tirant une balle dans le pied.

Les sanctions ne visent pas spécifiquement les compagnies pétrolières et gazières russes. Mais dans le brouillard de la guerre, les lignes de ravitaillement se rompent et de nouveaux objectifs sont ajoutés.

Des dégâts durables

India Punchline ajoute ceci :

« Dans l’ensemble, la situation du marché de l’énergie devient très compliquée, alors que des sociétés pétrolières occidentales ayant investi en Russie sont obligées de quitter le pays en raison des sanctions. Il s’agit notamment de grands acteurs comme BP, qui détient une participation de 20% dans le géant russe Rosneft, de Shell et de ses participations de 27,5% dans le site de GNL Sakhalin-II, et de 50% dans Salym Petroleum Development, ExxonMobil (Sakhalin-1), et ainsi de suite. 

En dehors des pertes que ces entreprises vont subir, et qui s’élèvent à des dizaines de milliards de dollars, leur départ va également limiter la capacité de la Russie à maintenir un niveau de production aussi élevé, et à tenir ses engagements au titre de l’accord de l’OPEP+. Le marché du pétrole brut déjà tendu […] peut difficilement se permettre les conséquences en aval qu’entrainent les sanctions contre la Russie.

Evidemment, les prix du brut ne peuvent qu’augmenter, à partir de là. Selon les experts, si le cours du pétrole se stabilise autour des 125 $ le baril, l’économie américaine sombrera dans la récession. »

Les dégâts les plus durables, pour les Etats-Unis, proviendront probablement de la balle qu’ils tirent sur leur propre monnaie. Le dollar est désormais le Facebook ou l’Instagram du commerce international. C’est ce que tout le monde utilise.

Mais les gens n’aiment pas être exclus de leur devise, pas plus qu’ils n’apprécient que l’on supprime ou censure leurs comptes sur leurs réseaux sociaux préférés. Ils cherchent d’autres solutions.

Il est fort probable que les Russes trouveront des moyens de contournement. Ensuite, ces moyens de contournement feront concurrence au système financier dominé par les Etats-Unis, et finiront par le remplacer.

Et alors, de moins en moins de gens étant prêts à financer les dépenses américaines excessives, les taux d’intérêt grimperont… la Fed imprimera plus d’argent… et les prix grimperont encore plus.

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