La Chronique Agora

Les récentes perles de la « communication » politique

Décalage en termes de références culturelles, de terminologie, idées versatiles… nos politiciens ont moult façons de discréditer leur parole.

Parfois, le message est parfaitement intelligible mais c’est le média qui est inopérant. Une erreur de canal de communication, comme qui dirait. Pourquoi passer par un réseau social professionnel quand on est ministre ?

C’en est à vraiment se demander si certains responsables politiques ont des contacts avec des personnes ne faisant pas partie de leur sérail, à l’exception de leur chauffeur ou de leur femme de ménage…

 Noyer le poisson dans des usines à gaz

Ce dont je suis sûr en revanche, c’est que s’il y a bien une chose qui est ancrée dans la culture politique française, c’est la passion qu’entretiennent nos dirigeants pour les usines à gaz fiscales.

Le Premier ministre nous en a encore donné une illustration le 20 septembre.

Si vous avez compris… ça n’est pas normal 

Une réflexion tellement stratosphérique que les propos nous dépassent tous

La dernière niche fiscale ne sera pas à la portée de tout le monde : voici le paradis fiscal spatial.

Comme le résume Capital :

« Pour éviter que l’opérateur de satellites Eutelstat quitte la France, des députés ont voté un amendement pour qu’une partie de ses bénéfices soit envoyée sur orbite et donc non soumis à l’impôt français. Ils inventent ainsi un nouveau paradis fiscal spatial. »

Voilà ce qui arrive lorsque l’on se rend compte (l’espace d’un instant seulement) que l’on a peu à peu créé un véritable enfer fiscal. On doit cette innovation en date du 19 octobre 2018 à des parlementaires LREM et Les Républicains qui pensent que la paradis (fiscal) ne peut être terrestre.

Une question de priorités

Canal de communication, montages fiscaux incompréhensibles… parfois, la cause de l’incompréhension est bien plus prosaïque…

Edouard Philippe est né le 1er décembre 1970. Et voyez-vous, chez les Philippe, on ne plaisante pas avec la célébration des anniversaires, quand bien même Paris brûle-t-il.

Alors que les scènes d’émeutes se succédaient dans les rues parisiennes, le Premier ministre fêtait tranquillement son anniversaire avec une trentaine de convives, dont certains membres du gouvernement, comme l’a rapporté Marianne.

Selon vous, ce genre d’attitude est-il plus caractéristique d’un Premier ministre ou d’un tire-au-flanc ? La réponse 2, vous dites ? A en croire Le Canard Enchaîné, le président de la République partage votre opinion.

J’avoue que cette nouvelle m’a passablement secoué, moi qui croyais que le bien-être de la population française était la préoccupation n°1 de notre bon ministre

Des moratoires pour mieux nous enfumer

D’autres politiques, un tantinet plus haut sur l’échelle de Dufoix-Fabius-Hervé de la responsabilité, appellent de leurs vœux ou annoncent des « moratoires ».

Ainsi, le 4 décembre, le maire de Bordeaux a-t-il émis ce souhait : « face au moratoire des taxes, les ‘gilets jaunes’ seraient bien inspirés de décider un moratoire des manifestations », a-t-il déclaré.

Résultat des courses : faute d’avoir pensé à leur expliquer en quoi cela pourrait bien servir leurs intérêts, Alain Juppé n’a pas vu son appel suivi par les gilets jaunes et, le samedi soir, les casseurs ont pris le relais à Bordeaux.

Du coup, il a fallu que l’ancien Premier ministre change de stratégie le samedi suivant :

Le 10 décembre, suite à ce nouveau « malentendu », Emmanuel Macron reculait pour la première fois de son quinquennat en décrétant l’« Etat d’urgence économique et social », sans pour autant annoncer quelque mesure que ce soit au niveau de la réduction de la dépense publique.

Comme le relève le blogger Franck Boizard, les déclarations fumigènes sont à nouveau de rigueur :

« A cause de la stupéfaction face au mouvement des gilets jaunes, la machine gouvernementale à brouillard a connu une sérieuse panne. Bon, il semblerait qu’elle ait fini par être réparée par les ingénieurs du gouvernement. Elle projette de nouveau un dense brouillard de mots : ‘nouveau pacte social, concertation avec les partenaires sociaux, problème de méthode, mesures de pouvoir d’achat’… (dans ces derniers mots est l’essentiel, le tour de passe-passe : on a remplacé une revendication fiscale, donc anti-étatique, par une distribution de subventions). […] D’ordinaire, j’aurais dit que cette technique rodée allait fonctionner, elle a déjà fonctionné si souvent. Mais nous ne sommes plus en temps ordinaires. »

D’aucuns s’attendaient à mieux que ça de la part d’un candidat qui voulait se faire passer pour la réincarnation de Bonaparte…

Ah, et si vous aviez le moindre doute, un « moratoire », ça porte effectivement sur quelque chose qui s’arrête (souvent jusqu’aux prochaines échéances électorales, par exemple les européennes qui se tiendront en mai) avant de recommencer de plus belle. Voyez donc :

Plus d’avis que de vestes  à retourner

Terminons ce billet en répétant une évidence : bien souvent, le dialogue est impossible parce que le politique a la déplorable habitude de revenir sur sa parole.

Pour éviter que le président ne perde encore la face, c’est bien sûr le Premier ministre qui a été chargé de revenir sur l’annonce présidentielle.

Quant au président de l’Assemblée nationale, il a rapidement fait mine d’avoir oublié que cette proposition avait été évoquée.

D’où le credo des politiciens de carrière et le drame de la société française.

Credo : tourner autour du pot plutôt que débattre, tout en croisant les doigts pour que le problème ne se résolve pas violemment pas dans la rue.

Drame : vu que les problèmes se résolvent rarement d’eux-mêmes, la France finit par se retrouver enlisée dans des difficultés de plus en plus insurmontables…

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