** "Qu’est-ce qui est différent ?" demandait notre collègue Manraaj Singh, durant notre conférence de rédaction londonienne.
* Tôt chaque matin, votre correspondant se joint à un groupe d’analystes et de journalistes financiers pour discuter des nouvelles du jour.
* "Qu’arrive-t-il au prix du cuivre ? Pourquoi les actions asiatiques chutent-elles ? Vont-ils vraiment baisser les taux aujourd’hui ?" Les réponses ne sont pas toujours satisfaisantes, mais les questions continuent d’arriver.
* Et la question du jour, c’était : qu’est-ce qui a vraiment changé ?
* Les actions américaines se sont plus ou moins tenues cette semaine, mais elles sont en baisse de 5% à ce jour en 2008. Le dollar se porte mieux, mais il est lui aussi dans le rouge pour l’année, à environ -6% par rapport à l’euro et au yen. Un investisseur boursier au Japon ou en Europe a perdu plus de 10% de son argent depuis le début de l’année.
* Pendant ce temps, la chute du dollar a augmenté les prix des importations. Alors que les Etats-Unis "importaient de la déflation" en provenance d’Asie et d’ailleurs, ils importent désormais de l’inflation. Les prix grimpent partout dans le monde.
* Mercredi, on apprenait que les prix à la production européens grimpent d’environ 6,1% par an. Les prix en hausse ont provoqué la plus grande chute des ventes au détail jamais enregistrée. Et le même jour, à Bruxelles, on faisait intervenir la police pour disperser des pêcheurs qui râlaient contre la hausse des prix du carburant.
* En Chine, les prix au détail grimpent au rythme de 8,5% — le plus rapide de ces 12 dernières années.
* En Russie, les prix grimpent au rythme de 14,39%.
* Au Vietnam, l’inflation des prix à la consommation atteint les 25%.
* Au Venezuela, le taux d’inflation est de 29%.
* Et au Zimbabwe… eh bien, le Zimbabwe, c’est une autre histoire, avec une inflation grimpant si rapidement qu’on ne parvient même pas à la mesurer. On dit que les prix prennent entre 160 000% et 200 000% par an. Mais comment en être sûr ? Il n’y a rien à acheter.
** De retour en Asie… les banques centrales de la région espéraient que Milton Friedman se trompait. Elles espéraient qu’un ralentissement économique mondial réduirait les taux d’inflation nationaux. Elles ont donc maintenu leurs taux de prêt au plancher — considérablement plus bas que l’IPC — afin de maintenir leurs économies en fonctionnement. En Thaïlande, par exemple, la banque centrale prête à 3,25% alors que les prix à la consommation grimpent de plus de 6%.
* Ca vous dit quelque chose ? Les Etats-Unis aussi maintiennent leur taux directeur bien au-dessous du taux d’inflation — et pour la même raison. La Fed prête à 2%. L’inflation officielle atteint deux fois ce taux.
* Ici, nous faisons une petite pause pour exprimer notre sincère admiration pour les investisseurs — le genre d’admiration que nous ressentons pour les membres d’une équipe de déminage, ou l’assistante d’un lanceur de couteaux. Que faut-il penser ? Ils prêtent de l’argent au plus grand débiteur de la planète — le gouvernement américain — sur 10 ans, à 3,94%. Si rien ne change, ils ne recevront rien pour les dédommager de leurs efforts. Si les taux d’inflation grimpent (ou sont simplement sous-estimés), ou si le dollar chute, la spéculation leur explosera à la figure.
* Et voilà qu’arrive Ben Bernanke, qui a apparemment changé de cerveau. Désormais, affirme le capitaine de l’équipe de lutte contre la récession, la hausse de l’inflation n’est plus la bienvenue aux Etats-Unis d’Amérique. Ces quelques mots ont apparemment suffi à faire baisser le prix du pétrole de cinq dollars.
* Mais qu’est-ce qui a vraiment changé ? La banque centrale US peut-elle vraiment commencer à lutter sérieusement contre l’inflation ?
* Les autorités financières américaines ont découvert les mêmes choses que leurs homologues des banques centrales asiatiques : dans la rue de la mondialisation, on circule dans les deux sens… et Milton Friedman avait raison. L’inflation est un phénomène monétaire, observait Friedman. Lorsqu’on augmente la quantité de monnaie en circulation, toutes choses étant égales par ailleurs, les prix grimpent. S’ils n’ont pas beaucoup augmenté ces 15 dernières années, c’est simplement parce que d’autres tendances importantes entraient en jeu — notamment la mondialisation, qui faisait baisser les prix. Mais à présent, le trafic, sur le Boulevard de la Mondialisation, va de l’autre côté. Et tout comme il était très difficile de provoquer l’inflation lorsque les marchés mondialisés baissaient leurs prix, il est très difficile d’arrêter l’inflation lorsque les marchés mondialisés augmentent leurs prix.