Dans les précédents épisodes de cette série sur les faiblesses psychiques de nos politiciens, nous avons vu qu’il arrive bien souvent que ces derniers « n’aient pas d’avis sur la question », « aient oublié » et « ne savent plus où ils habitent », tant il leur arrive d’être perdus dans le flux de leur géniale pensée.
Comme je ne voudrais pas passer pour un esprit grincheux qui ne voit que des défauts à ces individus qui après tout se démènent pour faire notre bonheur, je voudrais aujourd’hui souligner l’une de leur immense qualité : leur capacité à changer d’avis.
« Not in my backyard ! »
Par opposition au livre qui permet de prendre le temps de la réflexion, c’est parfois l’urgence de la situation qui pousse l’être humain à changer d’avis. Les émeutes menées aux Etats-Unis par le mouvement Black Lives Matter ont permis à Chris Martin Palmer d’en donner une stupéfiante illustration. En effet, alors que des émeutiers mettaient la ville de Minneapolis à feu et à sang le 28 mai dernier, ce journaliste était assez partisan de passer toute la ville par le feu.
« Brûlez cette merde. Brûlez tout. »
Cependant, lorsque les émeutiers se sont retrouvés devant chez lui trois jours plus tard, Chris Martin Palmer a fait un demi-tour sur lui-même :
« Ils viennent juste d’attaquer notre communauté sœur en bas de la rue. C’est une communauté fermée et ils ont essayé de franchir les grilles. Ils ont dû les repousser. Ils ont ensuite détruit un Starbucks et ils sont maintenant devant mon immeuble. Faites sortir ces animaux de mon quartier. Rentrez chez vous. »
Je me note de repenser à Chris lors de notre prochain grand concours international des Tartuffes.
Dans le même genre mais plus près de chez nous, nous avons Jean-Luc Mélenchon, littéralement capable de passer en l’espace d’un week-end du mode « que la police nous protège avec des bisous ! »…
… au mode « Adolphe Tiers face à la Commune de Paris »…
Mais bon, ce n’est pas comme si nous n’étions pas habitués à ce genre de volte-face de la part du patron de La France Insoumise…
En parlant d’Insoumis, cela fait longtemps que nous n’avons pas parlé de François Ruffin. Je vais donc me permettre d’exhumer l’une de ses pépites.
Ceux qui se sont trompés
Vous allez voir que le député est capable de véritables prouesses en matière de nage à contre-courant, façon saumon en reproduction.
Rappelons d’abord le contexte. Le 1er novembre dernier, le très controversé Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), que certains accusent de propager un Islam politique dans le pays, co-lançait dans Libération l’idée d’une marche visant à dénoncer l’existence de lois prétendument « liberticides » vis-à-vis des musulmans en France.
Soucieux de flatter une partie de leur électorat, de nombreux députés LFI et EELV se sont empressés de signer cet appel sans en lire le contenu ni même le nom des initiateurs.
Je passe sur les piteuses justifications d’Adrien Quatennens et Yannick Jadot lorsqu’il s’est agi de rétropédaler après s’être rendu compte de l’étendue de leur bêtise.
Les explications de François Ruffin valent cependant le détour.
Voilà qui est tout de même un peu court lorsque l’on se présente comme une sommité et que l’on prétend diriger le pays…
Et ce n’est pas Jean-Luc Mélenchon qui est en mesure de lui jeter la pierre. Ce dernier n’est-il pas en effet un habitué de l’auto-dédouanement en mode « je m’ai trompé » ?
A sa décharge, si cela ne l’empêche pas d’être élu et réélu dans un marathon de plus de 60 années de mandats politiques cumulés, je ne vois pas pourquoi les doigts de Jean-Luc Mélenchon devraient arrêter de « ripper » sur les boutons ou que l’ancien député européen fasse en sorte d’éviter d’« oublie[r] de voter », comme il l’expliquait sur son blog en 2016.
Par ailleurs, ce vieux routier de la politique ne fait que perpétuer une grande spécialité tricolore. Erreur de vote ou affichage politique, Le Monde rapportait en effet en 2016 que « les eurodéputés français, FN en tête, sont les champions des corrections de vote au Parlement européen » sur la période juillet 2014 – octobre 2015. Voyez donc :
Mais laissons un peu de répit aux Insoumis pour nous intéresser aux écolos.
Ceux qui mettent leurs actions en conformité avec leurs idées (avec 40 ans de retard)
Vous vous souvenez de Yann Arthus-Bertrand, cet « écolo-hélico » (© Laurent Alexandre) qui veut que nous sortions de l’économie de marché.
Figurez-vous qu’après avoir fait fortune en brûlant des hectolitres de 100LL depuis 300 à 1 500 mètres de hauteur pendant une quarantaine d’années, le photographe et réalisateur de documentaires vient, à 73 ans, de se rendre compte que l’avion pollue.
Sortant les rames pour justifier ses sottises, voici ce qu’il expliquait en février à Paris Match :
« Je suis le symbole de l’incohérence dans laquelle on est tous. J’ai dépassé ma part autorisée, donc si je ne le fais pas, qui va le faire ? Je ne veux culpabiliser ni donner de leçons à personne, c’est une décision personnelle. Et un aboutissement. »
Deux petits bémols, cependant :
Comme on ne sait pas ce qu’il en est de l’hélicoptère, cela revient grosso modo à arrêter la mayonnaise avec les pâtes au saindoux – mais passons.
Par ailleurs, les regrets de Yann Arthus-Bertrand ne se sont à ma connaissance pas traduits par la donation de l’ensemble de cet argent mal acquis (selon ses nouveaux critères) à une association écologiste. Niveau repentance, on a donc connu plus drastique.
Poursuivons avec une autre histoire à mi-chemin entre l’écologie et l’incurie de certains de nos fonctionnaires et politiques.
Ceux qui n’avaient plus la place
Parmi les mille et une promesses qu’Emmanuel Macron a faites depuis qu’il est entré en fonction, il y avait celle de permettre aux Français de s’exprimer grâce à des cahiers de doléances. Une volonté de se rapprocher du peuple dans un contexte de manifestations des gilets jaunes, à en croire l’exécutif.
Cette partie du deal a été respectée. Tout un chacun a pu expliquer autant qu’il le souhaitait ce qui ne tourne pas rond dans notre pays et proposer des solutions par voie postale, par courriel, via des formulaires en ligne ou encore au travers des cahiers de doléances ouverts dans les mairies.
« En toute transparence », nous promettait le gouvernement, ces contributions allaient être rendues publiques pour être « à terme accessibles à tous. » Et là, ce n’est plus la même histoire.
Comme le raconte Marianne :
« Les préfectures ayant récupéré les cahiers de doléances pour le compte de l’Etat les ont transmises à la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour numérisation, afin d’être transformés en textes informatiques pour être analysés par des spécialistes. »
Une synthèse de 185 pages a bien été mise en ligne le 14 juin 2019, mais le public n’a pu voir aucune trace du verbatim de ce qu’ont exprimé les Français.
Je vous donne l’explication officielle en mille : « les cahiers citoyens représentent des téraoctets de données, les héberger en permanence sur le site aurait été trop lourd à mettre en place », se dédouane le cabinet de Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales qui animait le Grand débat…
Entre nullité et foutage de gueule, chacun se fera son opinion.
En ce qui me concerne, le Grand débat n’aura été qu’une occasion supplémentaire – s’il en fallait – de vérifier que ce qui compte en politique, c’est de donner l’impression que l’on se préoccupe de l’opinion des gens, sans pour autant avoir prévu de changer quoi que ce soit à sa façon de faire.
Ceux qui changent de patrie comme de chemise
En parlant de ne pas avoir de place, j’en connais un qui commence sérieusement à s’ennuyer au conseil municipal de Barcelone. Manuel Valls avait fini par pénétrer la mairie de la capitale catalane, sa liste arrivant en quatrième position lors du scrutin de mai 2019.
Rappelons qu’en septembre 2018, l’ancien premier ministre (2014-2016), alors député français, déclarait sans « aucune amertume ni aucun regret » qu’il faisait le choix de « changer de vie et d’horizon » et que la France, c’était « terminé. »
Seulement voici ce que l’ancien maire d’Evry déclarait dans Le Parisien le 28 février dernier :
Bref, autant dire que Manuel Valls changera à nouveau d’avis dès qu’il sera sollicité pour un poste plus à la hauteur de son talent mais surtout de ses ambitions, que ce soit en Espagne, en France, sur Mars ou ailleurs.
Les politiciens qui retournent leur veste, ça ne date pas d’hier
Terminons sur une note historique grâce à Daniel Tourre qui nous rappelle à travers ses lectures que l’opportunisme en politique ne date pas de la chanson de Jacques Dutronc !
En voilà un autre qui aurait mis Arturo Brachetti en PLS (position latérale de sécurité)…