L’inflation n’est pas uniquement un phénomène monétaire – et en ce moment, de plus en plus de conditions sont réunies pour son retour. Voici pourquoi, et comment.
Ici et là, je vois se poser la question de l’inflation.
Je la vois posée en termes mathématiques, quantitatifs ou monétaristes. Je n’hésite pas à dire que ce sont des tissus d’inepties. Avec les quantités de monnaie et de quasi-monnaie dans le système mondial, il y a longtemps que l’on a dépassé tous les seuils à partir desquels l’inflation aurait dû se déclencher !
Par conséquent, cela signifie que l’inflation, c’est autre chose ; ce n’est pas du quantitatif, c’est de l’humeur, de la psychologie des foules.
Ce qu’avait d’ailleurs fort bien compris l’économiste John Maynard Keynes : en gros, il nous explique que l’inflation, c’est quand la préférence pour la jouissance de biens et de services est plus grande que la préférence pour la détention d’actifs monétaires.
On a là une bonne définition, une définition utile, pas de la magie à la Diafoirus. Elle permet de comprendre que la quantité de monnaie est certes une variable – mais comme elle peut circuler plus ou moins vite, ce n’est pas le facteur causal.
Alors… qu’est-ce que c’est ?
Le facteur causal, ce n’est pas la quantité de monnaie – c’est l’humeur, la disposition sociale qui fait qu’elle circule vite ou pas.
Ainsi, dans la période actuelle, plus on crée de monnaie plus sa vitesse de circulation ralentit ou, si vous voulez, l’inverse : plus la vitesse ralentit et plus on crée de monnaie.
C’est logique, car comme nous dit encore le père Keynes, quand on a peur on a une préférence pour le cash ; on est frugal. On stocke la monnaie et ce faisant on la neutralise, c’est comme si elle n’existait pas.
L’attrait pour la monnaie, les quasi-monnaies, les fonds d’Etat est indexé sur la peur, il monte et il monte !
C’est cette découverte de Keynes qui permet de comprendre le fameux paradigme du monde boursier en risk-on/risk-off : quand on a peur, on se met en risk-off. On stocke la monnaie sous la forme la plus sûre – les emprunts d’Etat… et de préférence les emprunts des Etats qui disposent de la planche à billets : les Etats-Unis.
On fera cela tant que l’on croira au fonctionnement ordonné du monde, à la validité des contrats libellés en dollars et à la puissance des USA. Quand on doutera de tout cela et que l’on verra se profiler l’ombre du chaos, en revanche, on demandera la monnaie de base historique, universelle, celle qui n’est pas fractionnaire : l’or-métal.
La monnaie ne va pas où ils veulent
Tout ceci explique que nos zozos de banquiers centraux créent de la monnaie mais que celle-ci ne produit pas d’inflation : elle ne va pas là où ils l’espèrent. Elle ne joue pas le fameux jeu magique de la transformation, elle ne se transmet pas, elle ne catalyse pas les échanges… parce que ce n’est pas de la vraie monnaie !
La vraie monnaie vient d’en bas ; elle n’est rien d‘autre que le produit du désir d’échanger.
Les zozos produisent des signes monétaires morts, zombies, des zéros dans les livres de comptes. Ils ne créent pas de la monnaie vivante – car pour cela, il faudrait donner vie aux zombies. Il faut l’étincelle de vie, l’étincelle de l’humeur dépensière des peuples. Il faut le moral, l’envie de vivre, de gaspiller, d’entreprendre, de prendre des risques, de jouir !
Il y a une autre possibilité – et c’est celle que je privilégie –, le retournement de la peur de dépenser, le retournement de la frugalité et de l’avarice : la folie du gaspillage, du potlatch, la folie de la destruction en chaîne.
Cette folie est non-maîtrisable quand elle se déclenche, elle est auto-validatrice, elle court, elle court… elle ressemble à la folie actuelle qui fait stocker le papier toilette…
Je dis qu’à un certain moment, une prise de conscience magique s’opère dans la foule. Cette dernière réalise que l’on se moque d’elle, que les morceaux de papier, les soldes bancaires, les fonds d’Etat – tout cela, c’est du vent.
La foule prend conscience soit que cela ne vaut pas ce que l’on dit, soit que cela ne vaut rien et que le droit de propriété n’est pas défendu, que les confiscations menacent.
Et la foule se met à se débarrasser de ces bouts de papier qui organiquement, intrinsèquement, ne valent rien – pire, presque, ne valent que parce qu’on trompe les gens.
On les trompe par la publicité actuelle sur les écrans aux Etats-Unis qui incite les gens à ne pas retirer de cash des banques, et selon qui l’argent garanti par la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation, agence américaine chargée de garantir les dépôts bancaires) est plus sûr que celui qui est sous le matelas. Mensonge, car la FDIC ne dispose pas des ressources pour assurer ce qu’elle prétend assurer !
Destruction et monnaie morte
La monnaie morte des zozos, celle qu’ils injectent en ce moment par les primary dealers, vient grossir la masse colossale d’actifs monétaires mondiaux qu’il faudra un jour – de plus en plus prochain – détruire… car c’est une épée de Damoclès.
Pour résumer ce qui va produire un jour, que je pressens à moyen terme (trois à sept ans), l’inflation, c’est le changement d‘humeur des peuples.
Ils vont cesser d’être dupes. Ils oseront la célèbre question de Kant : « Mais cette monnaie, l’as-tu dans ta bourse ? »
Ils cesseront d’être frileux, peureux – ou alors ils seront au contraire très peureux, au point de se débarrasser de leur monnaie et autres actifs monétaires, et de préférer, à tout prix, les biens et les services.
L’inflation, ce n’est pas de la monnaie ; c’est de l’économie politique, de l’humeur des peuples. Attendez-vous à ce qu’elle revienne, car les conditions de son retour sont en train de s’aligner. Elle a partie liée avec la confiance dans les chefs, dans les institutions, dans l’ordre social…
L’inflation revient… mais c’est à l’échelle de l’Histoire, bien sûr. Ne vous y trompez pas, le temps historique n’est pas votre petit temps à vous – mais il est inéluctable, c’est le bulldozer de la nécessité.
Il faut laisser le temps au temps, mais il arrive.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]